À Toulouse, la filière aéronautique obligée d'innover pour recruter (4/5)

Face aux difficultés pour trouver du personnel, les entreprises de l’industrie aéronautique bousculent les codes du recrutement dans la filière. Décryptage.
Campagnes sur les réseaux sociaux, job dating, serious game... tout est bon pour séduire et attirer des candidats dans le secteur de l’aéronautique.
Campagnes sur les réseaux sociaux, job dating, serious game... tout est bon pour séduire et attirer des candidats dans le secteur de l’aéronautique. (Crédits : Remi Benoit)

Le secteur était LE grand absent de la première édition du StartEmploi de Toulouse, alors que la quatrième ville de France est réputée pour être la capitale de l'aéronautique. Mais il n'est pas surprenant que les sous-traitants de cette industrie aient été aux abonnés absents de ce premier rendez-vous, encore préoccupés par le souci d'absorber le choc économique provoqué par la crise sanitaire. Selon une récente enquête de l'Insee, ce sont 5 000 emplois qui ont été détruits dans l'aéronautique au cours de l'année 2020, sur la Haute-Garonne.

L'organisme de statistiques n'a pas encore communiqué sur les données de 2021, mais selon l'antenne régionale de la Banque de France la destruction d'emplois se serait étalée sur cette même année, touchant principalement l'intérim. Pour ce qui est de 2022, la donne est tout autre. Les remontées des cadences de production annoncées par Airbus et les commandes officialisées ont fait naître un brin d'optimisme au sein de la sous-traitance aéronautique toulousaine.

Sans prendre en compte les intérimaires, les patrons de la filière envisagent une augmentation de + 4 % des effectifs en 2022 après avoir enregistré une diminution de - 9 % en 2021, d'après un sondage de la Banque de France. Pour preuve, plusieurs acteurs de la filière figurent dans le classement 2022 du StartEmploi qui référence les plus importants recruteurs sur l'année à venir, sans parler d'Airbus qui devrait recruter environ 1 500 personnes en France sur les mois prochains dont une grande partie à Toulouse.

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Beaucoup d'offres à pourvoir

Parmi les heureux « gagnants », le sous-traitant de rang 1 Derichebourg Aeronautics Services prévoit 250 recrutements sur la région toulousaine, notamment sur des postes de mécaniciens, câbleurs, électriciens ou encore contrôleurs qualité. Ce chiffre devrait être gonflé avec le recrutement de plusieurs dizaines d'alternants en 2022.

Liebherr Aerospace, qui a déjà recruté 67 personnes en 2021, promet une centaine de recrutements pour cette nouvelle année, aussi sur des postes de techniciens. Des forces vives bienvenues alors que la société s'est engagée sur le développement d'une nouvelle pompe de refroidissement pour les futurs systèmes électriques des aéronefs bas carbone.

Après des suppressions d'effectifs durant la crise sanitaire, la société d'ingénierie aéronautique familiale Sogeclair table sur 80 créations de postes. Dans le Top 50 des recruteurs sur Toulouse, la startup Ascendance Flight Technologies, qui développe à la fois un petit avion hybride et un moteur hybride pour l'aéronautique de demain, prévoit 70 recrutements en 2022.

Des peintres aéronautiques sont également recherchés du côté d'Airplane (50) et Sabena Technics (50) pour cette reprise d'activité. En soit, ce listing est plutôt rassurant pour un territoire à qui il était promis des lendemains de crise sanitaire complexes liés à sa dépendance à l'industrie aéronautique.

Une pénurie de profils

Finalement ce secteur repart, et même fort puisque les départements des ressources humaines ne parviennent pas à boucler les recrutements nécessaires. "Ce sera le gros point de vigilance voire de tension pour les entreprises en 2022", confirme Stéphane Latouche, le directeur Occitanie de la Banque de France. "Le marché est très sec en profils", ajoute Karine Alibert, responsable du pôle talents et compétences au sein de Derichebourg Aeronautics Services, alors qu'auparavant les candidats pour intégrer le secteur aéronautique étaient bien supérieurs à la demande, en quantité.

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En réponse à cette pénurie de profils, le sous-traitant aéronautique a gonflé le salaire de certains métiers en tension pour être plus attractif aux yeux des éventuels candidats, mais cela ne suffit pas. "Nous recherchons des mécaniciens avions ATR, c'est une compétence très rare sur le marché. De la même manière, c'est la bataille à Toulouse pour trouver des candidats qui savent poser 4 000 euros de peinture sur un avion sans que ça coule", témoigne de son côté Alain Gaudon, directeur général d'Airplane, une PME familiale toulousaine de 100 salariés qui cherche à recruter une quarantaine de profils industriels.

La tendance du job dating

En premier lieu, ces entreprises confrontées à des difficultés dans leur recrutement ont pour une grande partie d'entre elles utilisé le canal des réseaux sociaux pour tenter d'attirer des talents, mais ont aussi financé des campagnes de communication dans les médias locaux ou sur l'espace public. Ces dernières semaines, d'autres sont allées plus loin pour se démarquer aux yeux des candidats.

"Les emplois industriels, dont ceux de l'aéronautique, n'attirent plus comme avant, notamment chez les jeunes. On leur fait viser les études supérieures en faisant croire qu'une filière technique et/ou technologique ce n'est pas terrible. Pourtant, ce sont de beaux métiers, parfois sophistiqués, qui allient souvent plusieurs savoir-faire. Sans parler du fait que l'aéronautique est attaquée par des allégations écologiques totalement erronées. Face à tout cela, nous avons essayé d'être créatifs et innovants en changeant nos habitudes pour recruter", analyse Philippe Rochet, le CEO du groupe Sabena Technics.

Son entreprise a mené l'opération « un RDV = 1 CDI » en décembre et février à Toulouse, avec pour ambition de signer 40 peintres aéronautiques à chaque fois, débutants ou confirmés. Pour les intéressés, il suffisait alors de se rendre sur place pour visiter l'usine, rencontrer le service RH et si la motivation était au rendez-vous le candidat repartait avec un CDI.

D'autres sociétés ont pris le même chemin comme Liebherr Aerospace au sein du musée Aeroscopia de Blagnac, mais aussi Derichebourg Aeronautics Services. "Nous avons besoin d'organiser des événements un peu marketing pour montrer que ça repart et que nous sommes là comme nos concurrents", ne cache pas Karine Alibert. Le Geiq des Industries d'Oc, qui regroupe cinq entreprises (dont Mecaprotec, Satys, GIT en partie) en a fait de même avec une opération dédiée au recrutement de peintres aéronautiques fin février à Blagnac.

Même Airbus a succombé à la tendance du job dating pour plus de 500 postes partout en France avec l'appui du réseau d'agences Adéquat. Pour se démarquer dans cette forêt de job dating, la société d'ingénierie SII Sud-Ouest a organisé le sien, mi-décembre, dans une maquette d'avion pour recruter 200 collaborateurs à Toulouse. Des sociétés du secteur ont même tablé sur l'organisation de sessions de recrutement à travers des serious games afin de découvrir les candidats dans un cadre ludique. Faire voler un avion est donc aujourd'hui plus simple que de trouver du personnel dans la Ville rose.

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