"Toulouse a une très forte dépendance au secteur aéronautique. Mais la métropole dispose d'atouts pour rebondir face à cette crise. La santé peut être un axe fort de rebond pour Toulouse", a lancé Dominique Faure, première vice-présidente de la Métropole chargée de l'économie, de l'innovation et de l'emploi, en ouverture du Campus santé d'été organisé avec La Tribune le 2 octobre.
La vice-présidente de Toulouse métropole Dominique Faure croit à l'essor d'une filière de la santé (Crédits : Rémi Benoit).
Au cours des deux dernières décennies, l'aéronautique a attiré tous les regards, au risque d'éclipser les autres secteurs économiques où la Ville rose peut tirer son épingle du jeu.
"Peu de Toulousains savent que Givaudan, le n°1 des arômes, et que l'un des plus grands groupes pharmaceutiques allemands sont implantés ici", pointe Pierre Monsan, fondateur de Toulouse White Biotechnology (TWB) et de la Fédération Française des Biotechnologies.
Attirer des groupes de cette envergure peut être un moteur pour la création d'emplois. "Le groupe allemand Evotec a discrètement repris les activités de Sanofi à Toulouse (en 2015, ndlr). Les effectifs étaient alors de 200 emplois et sont aujourd'hui de 670 salariés. Cela veut dire qu'Evotec a créé 470 emplois. Le groupe a par ailleurs de nombreux projets", se félicite Dominique Faure.
30 millions d'euros pour la bioproduction
En matière de santé, la bioproduction fait partie des relais de croissance considérés parmi les plus prometteurs en France. Il s'agit de la production des produits de santé d'origine biologique et biotechnologique, par opposition aux médicaments d'origine chimique.
Pour booster la filière, le gouvernement a lancé un grand défi intitulé Biomédicaments doté de 30 millions d'euros sur trois ans dans le cadre du Fonds pour l'innovation et l'industrie. "Pour sélectionner les projets, nous allons nous appuyer sur des intégrateurs industriels. Six ont été labellisés en France dont deux en Ile-de-France et un à Toulouse. On voit bien que la région toulousaine fait partie des territoires les plus porteurs d'avenir pour ce type de dispositif", a commenté Emmanuel Dequier, directeur du Grand défi.
Emmanuel Dequier, directeur du Grand défi biomédicaments (Crédits : Rémi Benoit).
D'après une étude EY dévoilée à l'occasion de ce Campus santé d'été, la filière bioproduction représente 20% du chiffre d'affaires mondial du secteur pharmaceutique (les médicaments chimiques engrangent les 80% restants). À ce jour, le marché des biomédicaments est trusté par les Etats-Unis (60% du chiffre d'affaires de la filière) devant l'Europe (30%). En France, la bioproduction représente 36 entreprises et 100 programmes. À Toulouse, plusieurs acteurs se sont déjà positionnés sur ce segment à l'image de la plateforme de recherche TWB, Flash Therapeutics ou Cell-Easy, devenu cet été le premier établissement à produire des cellules souches en France.
La filière émerge mais les entrepreneurs n'ont pas toujours l'impression de bénéficier du soutien nécessaire pour faire décoller leur business. "Nous n'avons pas d'investisseurs locaux. Pourtant ce n'est pas faute de les avoir sollicités", regrette Pascal Bouillé, CEO de la startup Flash Therapeutics.
Reconquérir une souveraineté
L'autre grand défi pour la filière santé, révélé au grand jour durant la crise de la Covid-19, est la question de la souveraineté.
"Un jour, le patron de Sanofi m'a interpellé dans mon bureau pour me dire 'tu verras, les génériques poseront un problème de qualité et de souveraineté'. Et il avait raison. Je fais partie d'une génération d'hommes politiques qui a cru à la mondialisation heureuse. Mais la réalité est que 100% du paracétamol et 95% des antibiotiques sont fabriqués hors de France. À vouloir faire des économies et à trop tirer vers le bas, on est confrontés à de gros problèmes", rappelle l'ancien ministre Philippe Douste-Blazy.
L'ancien ministre Philippe Douste-Blazy regrette le manque de souveraineté de la France en matière de santé (Crédits : Rémi Benoit).
Pour retrouver un peu de souveraineté, les grands groupes pharmaceutiques commencent à s'organiser. "Nous nous sommes engagés sur chacune des molécules les plus utilisées, à disposer de trois sources d'approvisionnement, dont deux en Europe et une dans le reste du monde", indique Eric Ducournau, le directeur général France des Laboratoires Pierre Fabre.
La pénurie de masques a incité également beaucoup d'entreprises à en produire en grandes séries. À Toulouse, le sous-traitant aéronautique Aertec en a fabriqué déjà deux millions depuis le confinement. Mais là encore, pour améliorer la souveraineté de la France, son fondateur Philippe Billebault pousse à la création d'une usine dans l'Hexagone pour fabriquer les matières premières nécessaires aux masques. "Nous sommes obligés d'aller chercher la matière première en Chine. Aertec réfléchit à la possibilité d'investir dans une usine qui donnerait de l'autonomie à la France sur ce segment", confiait le dirigeant avant l'été à La Tribune. La route sera longue pour reconquérir cette souveraineté en matière de produits de santé.
(Crédits : Rémi Benoit)
Aéronautique : Airbus s'allie avec H3 Dynamics pour tester des piles à hydrogène
Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !