"Le e-commerce en Occitanie est affecté par cette crise sanitaire" (J-P Crenn)

Contrairement aux idées reçues, les acteurs régionaux du e-commerce font face eux aussi à des difficultés dans cette période de crise sanitaire liée au Covid-19. C'est en tout cas l'analyse défendue par Jean-Paul Crenn, le président de Fedeo, la fédération du e-commerce en Occitanie. Par ailleurs, celui qui est co-auteur du VADOR appelle les entreprises à se concentrer sur la fidélisation des clients existants plutôt qu'aller à la pêche aux nouveaux. Entretien.
Jean-Paul Crenn est le président de Fedeo, la fédération du e-commerce en Occitanie.
Jean-Paul Crenn est le président de Fedeo, la fédération du e-commerce en Occitanie. (Crédits : DR)

La Tribune - Au premier abord, les consommateurs pensent que le e-commerce resort comme le grand gagnant de cette période de confinement en France. Est-ce vrai pour les acteurs de la filière en Occitanie ?

Jean-Paul Crenn - Les informations qui circulent au travers du site de e-commerce Amazon tendent à faire penser que ce secteur est le grand bénéficiaire de la crise sanitaire, tout en s'en sortant bien au niveau économique. C'est erroné car il y a plusieurs éléments qui font que l'activité économique des sites de e-commerce, notamment de petites et moyennes tailles, est affectée. Tout d'abord, les acteurs mettent en place des procédures de sécurisation au sein de leurs entreprises et cela limite la productivité, et certains sont même totalement à l'arrêt pour protéger leurs salariés. Il y a ensuite les problématiques de l'approvisionnement et de logistique en aval avec notamment la majorité des points relais qui sont fermés. Au sein de Fedeo, 70% de nos membres sont liés à un magasin physique, et nous sommes assez représentatifs de la réalité. Et quand ces magasins sont fermés, évidemment les clients ne peuvent pas aller récupérer leurs produits. Après, il est clair qu'il y a une embellie au niveau de la demande du marché, mais qui est très contrastée. Il y a un très fort boost autour de la santé et du bien-être. En résumé, 10% de nos 50 membres tirent leur épingle du jeu.

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La Tribune - En l'occurrence, les acteurs du e-commerce en BtoC sont inévitablement impactés. En est-il de même pour ceux qui opèrent en BtoB dans la région ?

J-P.C - Quand on pense e-commerce, on pense BtoC. Or, chez Fedeo, nous avons un tiers de nos membres qui sont en BtoB. Et ce type de relation est également frappé par des problèmes d'approvisionnement, mais aussi de livraisons. Est-ce-que la logistique de vos clients va être ouverte et en capacité de réceptionner ce que vous avez envoyé ? L'un de nos membres a eu des commandes d'ordinateurs, mais il ne peut pas les livrer car ses clients BtoB ne peuvent pas les réceptionner. Donc dans son immense majorité, le e-commerce est affecté par cette crise sanitaire.

La Tribune - Face à cette situation votre association, Fedeo, a mis en oeuvre une cellule de crise. Quelles sont ses missions au quotidien ?

J-P.CAu démarrage de la crise, nous l'avons créé pour nos membres. Mais ensuite, nous avons décidé de l'ouvrir aux autres. Nous y partageons les bonnes pratiques, en matière d'organisation par exemple. Grâce à ce dispositif, nous faisons également de la mutualisation de moyens et de compétences. Notre rôle n'est pas de dire à quelles aides les entreprises auraient le droit aux niveaux régional et national, mais plutôt d'apporter une expertise. Pour entrer en contact avec cette cellule, nous avons mis en place un numéro unique et trois personnes sont chargées de répondre aux sollicitations. De plus, nous avons dix entreprises membres qui se sont portées volontaires pour faire de l'accompagnement, si cela est nécessaire.

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La Tribune - Avez-vous une idée de l'impact économique de cette crise sur votre filière ?

J-P.CC'est très difficile de donner des chiffres pour le moment. Néanmoins, la Fédération du e-commerce et de la vente à distance, la Fevad, a dévoilé le 30 mars une étude d'impact avec des chiffres, à laquelle nous avons participé. D'après elle, 76% des sites ont enregistré un recul des ventes depuis le 15 mars et plus d'une entreprise sur trois estime qu'elle ne pourra pas résister économiquement plus de trois mois.

La Tribune - Quel est votre regard sur l'après Covid-19 pour la filière du e-commerce ?

J-P.CEn termes de demande, il va sûrement y avoir un boost très fort. C'est la force de la filière : nous pouvons prendre toute la demande que nous voulons. Mais il y aura des goulots d'étranglement en termes de livraison et surtout, un décalage entre la trésorerie et le besoin de marchandises. Les entreprises vont sortir de cette période exsangues de trésorerie et comme les fournisseurs ne seront pas non plus dans une très bonne situation ils exigeront des paiements rapides. Les besoins en fonds de roulement risquent d'être forts pour la reconstitution de stocks.

La Tribune - Vous venez de publier une nouvelle édition de votre livre sur le e-commerce, le VADOR. Dans ce contexte, en quoi était-il important de le remettre aux goûts du jour ?

J-P.CLa première édition a été publiée en 2011, car à l'époque il n'existait pas un livre sur le e-commerce qui soit écrit par d'autres personnes que des consultants ou des académiques, etc. C'est un livre qui dit ce que l'on peut faire mais surtout, ce qu'il faut faire, et qui permet donc de faire des choix. Pour aiguiller les lecteurs, nous nous appuyons sur nos propres expériences et nous sommes donc capables de dire si telle stratégie fonctionne et pas celle-ci. L'idée du VADOR est un livre pour praticiens écrit par des praticiens. Après une seconde édition, qui a aussi très bien fonctionné, nous nous sommes re-penchés il y a 18 mois sur une troisième édition. Ce qui nous a incité à ré-écrire totalement cette troisième édition d'un paysage du e-commerce qui a totalement changé depuis 2011. Par exemple, il y a 10 ans, vous pouviez vous en sortir dans ce secteur d'activité uniquement grâce au référencement naturel, ce n'est plus le cas.

La Tribune - Avec ce livre, s'il y avait un grand enseignement à tirer, lequel serait-il ?

J-P.CIl ne faut pas se focaliser sur la conquête de nouveaux clients mais sur ceux déjà existants. Ce sont eux qui vous devez développer en faisant en sorte qu'ils achètent davantage chez vous. Et faire en sorte que vos clients fidèles deviennent vos meilleurs ambassadeurs et ainsi trouvent vos nouveaux clients via leurs réseaux.

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