
Article mis à jour le 12 octobre à 10h45.
La construction de l'autoroute A69 entre Toulouse et Castres pourrait-elle entamer le crédit politique de Carole Delga ? Depuis plusieurs années, la présidente socialiste de la région Occitanie soutient et défend ce projet en mettant particulièrement en avant l'enjeu du désenclavement du bassin Castres-Mazamet. Elle présente aussi cette future infrastructure longue de 53 kilomètres comme un besoin vital pour le tissu économique du territoire concerné.
Mais, ce projet, pour lequel le conseil régional va verser seulement sept millions d'euros de subventions pour un coût total d'environ 450 millions d'euros, secoue sa majorité au conseil régional dans une période où l'opposition citoyenne à l'A69 monte en puissance. Au point de la fragiliser à terme ? « Aujourd'hui, il y a trois camps au sein de la majorité régionale : ceux qui sont contre et qui le font savoir, ceux qui sont contre mais qui ne le disent pas et ceux qui y sont farouchement favorable », commente un membre de l'exécutif régional, opposé au projet.
Tout récemment, Agnès Langevine, la seconde vice-présidente de la région Occitanie en charge du Climat, du Pacte vert de l'Habitat durable, s'est affichée aux côtés de Thomas Brail, la tête de gondole de l'opposition à l'A69 entre Toulouse et Castres. Mais pour l'ancienne membre d'Europe Écologie Les Verts tout est transparent avec « sa »patronne.
« Il n'y a aucun problème avec Carole Delga. Nous avons simplement des positions différentes sur ce dossier, qui est ancien. Le groupe écologiste de la majorité régionale a toujours été contre ce projet, ce n'est pas une position nouvelle. Dans un mariage (politique), il y a toujours des points qui font dissensus. Cette autoroute A69 en fait partie. C'est une infrastructure d'un autre siècle (...) Ce n'est pas un sujet tabou entre nous bien que nos positions soient différentes », commente l'élue régionale, interrogée par La Tribune.
Dans l'entourage de Carole Delga, on fait savoir qu'il n'y a « rien de nouveau » et que « cette divergence de point de vue (entre certains élus de la majorité) est actée depuis longtemps ». « Il n'y a aucun effritement, ce n'est pas la réalité », ajoute-t-on.
Des scientifiques lui demandent de reculer
En plus d'un abattage de plusieurs dizaines d'arbres, ce projet d'infrastructure autoroutière va artificialiser plus de 300 hectares de surfaces agricoles le long du tracé. Ces deux aspects n'ont fait qu'amplifier une opposition citoyenne déjà existante, au point désormais de mobiliser des centaines de scientifiques et figures dans la région et le pays tout entier. Cette fois-ci, des scientifiques internationaux de premier rang préparent une nouvelle tribune pour appeler à l'arrêt de ce projet d'A69 en mettant en avant son coût écologique.
Cette position politique de soutien à l'autoroute A69 tenue par Carole Delga met même à mal certains de ses projets. Par exemple, l'exécutif d'Occitanie a comme volonté de créer et réunir régulièrement un GIEC régional, avec des scientifiques de la région, afin d'évaluer les politiques publiques et l'évolution du climat en Occitanie. Ce projet est pour le moment en pause car de nombreux scientifiques locaux refusent de s'associer à la collectivité tant que ce dossier de l'autoroute entre Toulouse et Castres sera sur la table. Pour tenter d'apaiser la situation, la présidente de la région Occitanie devait rencontrer ce mercredi des scientifiques locaux, dont le membre du GIEC Christophe Cassou, plus que jamais opposé au projet. Il avait même officialisé sa position avec sa présence en avril dernier lors d'une marche sur le tracé de la future autoroute, à Saix (Tarn), qui avait réunit plus de 10.000 personnes.
« Je suis évidemment interpellée par l'appel des 1.500 scientifiques (lettre ouverte du début du mois d'octobre, ndlr) dont je respecte profondément le travail indispensable pour notre société et les transitions à engager. Comme je pense évident de respecter l'engagement total des grévistes de la faim que ce soit Thomas Brail ou la jeune Olga. Je suis très inquiète pour leur état de santé », commente Nadia Pellefigue, vice-présidente de la région Occitanie, chargée de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de l'Europe et des Relations Internationales.
Lors d'un débat sur une table ronde, à l'occasion de la Fête de la science 2022, avec Agnès Langevine et des scientifiques dont Christophe Cassou, Nadia Pellefigue avait été interpellée pour connaître sa position sur l'A69. Face à l'assemblée, elle avait tenu ces propos : « s'il y a des éléments nouveaux sur le plan scientifique ou si les éléments scientifiques n'ont pas été intégrés à l'évaluation du projet, il sera sans doute opportun d'avoir un dialogue sur le projet, en intégrant les citoyens ». Un an plus tard, l'élue régionale et ancienne candidate à la mairie de Toulouse semble avoir été entendue.
Un référendum, la solution ?
Dans l'urgence, le ministère des Transports et son ministre Clément Beaune ont convoqué une réunion exceptionnelle, vendredi 13 octobre, en deux temps : un premier avec les élus locaux pour et contre l'autoroute A69 entre Toulouse et Castres et un second avec les associations. D'ici là, les travaux de défrichement ont été stoppés, sur ordre du gouvernement.
Certainement une occasion politique à saisir pour Carole Delga pour revoir sa position sur le projet, bien que sa présence à cette réunion soit incertaine ? Dans les coulisses, certains conseillers régionaux et vice-présidents tentent de faire évoluer la position de leur présidente socialiste autour de ce projet. « Il faut trouver une porte de sortie. C'est inédit qu'autant de scientifiques se mobilisent contre un projet d'autoroute. Je ne comprends pas comment on ne peut pas entendre ces critiques. Il n'est jamais trop tard pour reculer », commente Agnès Langevine.
Dans un communiqué, l'association La Voie est Libre, l'une des associations opposées au projet d'autoroute entre Toulouse et Castres, demande la tenue d'un référendum et la réalisation d'une étude socio-économique indépendante. « Une consultation citoyenne serait une porte de sortie idéale pour Carole Delga », estime un autre élu au sein du conseil régional. « Elle pourrait même sortir plus grande, sur le plan politique, de cet épisode », ajoute-t-il. Sa persistance à voir aboutir ce projet pourrait effectivement compromettre sa volonté de rassemblement de la gauche en vue d'une candidature à l'élection présidentielle de 2027. Certains membres d'EELV ont montré leur opposition à ce projet d'autoroute A69, tout comme certains élus de La France Insoumise. Par ailleurs, lors du rassemblement avec ses alliés à Bram (Aude) le 1er octobre, la présidente de Régions de France n'a pas caché représenter « la gauche qui travaille » et s'opposer à « la gauche qui braille ». Un jeu de mots mal perçu par certains membres de son camp alors que Thomas Brail était lancé dans une grève de la faim contre la future autoroute A69.
Sujets les + commentés