Depuis Toulouse, Loft Orbital contrôle ses premiers satellites de services partagés

REPORTAGE. Née à San Francisco, la startup Loft Orbital est implantée depuis deux ans à Toulouse. Depuis quelques semaines, la société a installé dans la Ville rose une salle de contrôle et des bancs de tests pour suivre 24h/24 ses premiers satellites envoyés en orbite fin juin. Pionnier du "covoiturage spatial", Loft Orbital compte déployer à terme une constellation d'une centaine de satellites de services partagés. Une croissance d'activité qui demandera d'automatiser l'essentiel des opérations en orbite.
Loft Orbital a installé une salle de contrôle à Toulouse pour suivre ses premiers satellites en orbite.
Loft Orbital a installé une salle de contrôle à Toulouse pour suivre ses premiers satellites en orbite. (Crédits : Rémi Benoit)

Casque vissé sur la tête, Thomas Léonard est posté avec un collègue dans la salle de contrôle de Loft Orbital, nichée dans les locaux du regroupement de startups At Home, dans le quartier Compans-Caffarelli à Toulouse.

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Pendant son "shift", ses yeux naviguent entre les différents écrans d'ordinateur pour s'assurer du bon fonctionnement des satellites et de leurs instruments. "Nous réalisons le bulletin de santé du satellite. Il faut savoir s'il y a suffisamment d'électricité qui charge, si l'on arrive à contrôler l'altitude et tous les paramètres de vol du satellite. Toutes ces informations nous sont remontées grâce au logiciel que nous avons conçu", décrit Antoine de Chassy, fondateur de Loft Orbital. L'ambiance est on ne peut plus studieuse, seule la boule à facettes accrochée au plafond vient distraire l'oeil du visiteur.

Quand les salariés toulousains dorment, c'est l'équipe de San Francisco qui prend la relève. Ils sont au total une dizaine de part et d'autre de l'Atlantique chargés du suivi des satellites en orbite. "Le décalage de neuf heures avec la côte ouest des États-Unis nous permet, sans avoir des horaires complètement dingues, de pouvoir assurer les opérations 24 heures sur 24, 7 jours sur 7", glisse le dirigeant.

Un modèle économique atypique

Née dans la Silicon Valley et implantée depuis deux ans à Toulouse, Loft Orbital a franchi une grande étape fin juin en envoyant dans l'espace ses deux premiers satellites. Elle ambitionne très vite de disposer d'une constellation qui pourrait être dotée à terme une centaine de satellites en orbite.

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Mais à la différence des acteurs traditionnels de la filière spatiale, Loft Orbital n'est pas un fabricant de satellites qui programme le lancement d'une charge utile pour un client. La jeune pousse achète un satellite standard et bas-coût auprès d'acteurs du New Space, comme Blue Canyon Technologies ou Leostella, et se charge ensuite des technologies logicielles qui permettent l'interface entre les charges utiles des clients (caméras, capteurs) et la plateforme satellitaire. Une fois le satellite lancé, les clients de Loft Orbital peuvent prendre le contrôle de leur charge utile et accéder à leurs données.

"C'est assez révolutionnaire puisque jusqu'à présent les clients devaient s'acheter leur propre satellite pour faire voler leurs capteurs. Avec notre service, ils peuvent simplement réserver une place à bord suivant un modèle de leasing (location). C'est aussi le modèle du cloud : vous n'avez pas besoin d'ordinateurs à la cave pour stocker vos données mais vous achetez des capacités de stockage sur le cloud d'Amazon, Google ou Apple", décrit Antoine de Chassy.

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Antoine de Chassy, fondateur de Loft Orbital (Crédits : Rémi Benoit).

L'autre similitude avec le cloud c'est que les clients paient à la consommation. Au lieu d'être facturés en fonction de la capacité de stockage utilisée, ils paient en fonction des ressources utilisées : la puissance électrique, la protection thermique, la surface disponible pour regarder la Terre...

Le coût de la mission est ainsi partagé entre la demi-douzaine de clients qui embarque à bord de chaque satellite. Une forme de "covoiturage spatial" qui séduit largement. Sur les deux premiers satellites de Loft Orbital volent les charges utiles de l'opérateur télécoms Eutelsat, du gouvernement émirati, mais aussi de petites startups.

Du service spatial sans envoyer de charge utile en orbite

Néanmoins, pour la suite, Loft Orbital compte aller plus loin.

"L'étape d'après, c'est de fournir du service à partir de charges utiles très génériques à des clients sans qu'ils aient besoin d'envoyer une charge utile dans l'espace. Si un client veut prendre des photos de tel pays et faire du traitement d'image à tel endroit. Il nous envoie son logiciel et on le charge à bord du satellite et il fera son traitement automatiquement", lance Guillaume Marcenac.

"Cette fonction intéresse beaucoup de gens", complète Antoine de Chassy. Par exemple, en cas de catastrophe naturelle, vous n'allez pas attendre deux ans avant d'avoir des satellites pour obtenir des données."

Un modèle économique atypique qui s'accompagne également d'un bouleversement de la conception de la plateforme satellitaire et d'une automatisation quasi généralisée des opérations en vol.

"Contrairement à la fabrication traditionnelle des satellites qui suit un processus très linéaire, nous menons de front toutes les étapes, nous définissons le logiciel de la plateforme satellitaire en même temps que la construction de la charge utile. Cela nous permet d'aller deux à trois fois plus vite qu'un processus linéaire classique", ajoute le fondateur de Loft Orbital.

Derrière les écrans de la salle de contrôle toulousaine, ont été installés trois bancs de tests et un revêtement électrostatique où sont testées les charges utiles ensuite envoyées dans l'espace. Les calculateurs permettent également chaque soir de tester les deux satellites en orbite.

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Bancs de tests de Loft Orbital (Crédits : Rémi Benoit).

"Il suffit d'un coin de table avec deux ou trois PC et trois calculateurs pour arriver à simuler l'ensemble des fonctions de nos satellites. De cette manière, tous les soirs nous pouvons tester les équipements en orbite. Et chose qui est rare dans le monde du spatial, nous allons mettre à jour le logiciel jusqu'au dernier moment, y compris dans les phases de vol pour pouvoir y intégrer de nouvelles fonctions", glisse Guillaume Marcenac, développeur logiciel embarqué chez Loft Orbital.

Pour l'instant, la startup dispose de 60 salariés dont 20 à Toulouse. Un effectif réduit comparé aux armadas d'ingénieurs employés par les grands donneurs d'ordre. Pour arriver demain à piloter des constellations de satellites, Loft Orbital envisage de pousser au maximum l'automatisation des opérations en vol.

"Un jour, nous aurons une constellation d'une centaine de satellites. Nous ne pourrons pas avoir 200 personnes qui gèrent ces satellites, donc une grosse partie des opérations devront être automatisées", indique Antoine de Chassy.

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Antoine de Chassy veut progressivement automatiser les opérations en orbite. (Crédits : Rémi Benoit).

"L'idée, c'est que toutes les tâches qui deviennent répétitives passent en autopilote et tout ce qui devient un peu moins commun comme par exemple la mise à jour du logiciel, est réalisé en manuel", explique Thomas Léonard.

Loft Orbital compte doubler ses effectifs à Toulouse en 2020 et y recruter 20 personnes, "essentiellement des ingénieurs qui maîtrisent également le développement logiciel. Le profil idéal, c'est la personne qui comprend le spatial et qui en est passionnée. Mais elle doit aussi connaître toute l'approche de la tech puisque aujourd'hui le spatial est envahi par le logiciel", conclut le cofondateur de Loft Orbital.

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