Spatial : le Toulousain Olivier Berné livre les coulisses des découvertes scientifiques du télescope James Webb

L'astrophysicien toulousain Olivier Berné a fait partie des premiers scientifiques au monde à exploiter les données issues du télescope James Webb, le plus grand instrument d'observation jamais envoyé en orbite. Dans un ouvrage publié ce mercredi 30 août, le chercheur offre une plongée passionnante au coeur de cette aventure hors du commun : du montage d'une équipe internationale de 150 chercheurs pour exploiter les images d'un télescope dont beaucoup ont longtemps cru qu'il resterait une chimère jusqu'à la course effrénée pour décrocher des découvertes scientifiques.
Dans « Destination Orion : voyage à bord du télescope James Webb », publié ce mercredi 30 août aux éditions Dunod, l'astrophysicien toulousain Olivier Berné revient sur son aventure scientifique à la découverte de « la petite-enfance de l'Univers ».
Dans « Destination Orion : voyage à bord du télescope James Webb », publié ce mercredi 30 août aux éditions Dunod, l'astrophysicien toulousain Olivier Berné revient sur son aventure scientifique à la découverte de « la petite-enfance de l'Univers ». (Crédits : NASA, ESA, CSA)

« J'ai suivi les 30 minutes du lancement totalement glacé », écrit Olivier Berné. Dans « Destination Orion : voyage à bord du télescope James Webb », publié ce mercredi 30 août aux éditions Dunod, l'astrophysicien toulousain livre dans un style haletant un journal de bord de l'aventure scientifique qui l'a mené à partir à la découverte de « la petite-enfance de notre Univers ».

Directeur de recherche au CNRS et astrophysicien à l'Irap (Institut de recherche en astrophysique et planétologie), Olivier Berné coordonne l'un des 13 programmes de recherche précoces pour faire parler les données issues du télescope James Webb, le plus grand instrument d'observation jamais envoyé en orbite.

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Stress maximum

Autant dire que le stress est à son apogée le 25 décembre 2021 lorsque l'instrument est envoyé en orbite depuis Kourou pour Olivier Berné qui a décidé dès sa thèse (soutenue en 2008) de dédier toute sa carrière au James Webb Space Telescope. « L'émotion d'avoir consacré, avec une certaine naïveté, une grande partie de ma vie à quelque chose qui rassemble l'humanité derrière une quête qui n'a d'autre objectif que de révéler la beauté de la nature, au travers d'un projet qui peut disparaître à tout instant, sur une erreur humaine ou une défaillance technique », réalisera-t-il quelques mois plus tard.

Un pari d'autant plus osé que le chercheur rappelle « les moqueries » autour ce télescope dont beaucoup ont longtemps cru qu'il resterait « une chimère ». Envoyé en orbite après trente ans de développement et avec dix ans de retard, le JWST est devenu « la mission la plus coûteuse de l'histoire du spatial » (l'instrument a coûté près de 10 milliards d'euros à la communauté internationale). Olivier Berné retrace dans son ouvrage aussi le suspens jusqu'au bout pour savoir si le télescope sera opérationnel tant sa complexité rend délicate son déploiement : « Lors de mes études dans le spatial, j'ai appris une règle simple : dans un satellite, il faut absolument qu'il y ait le moins de mécanismes possibles. » Le JWST fait tout l'inverse rien qu'avec les 18 structures hexagonales composant son miroir principal. L'instrument a fait l'objet d'un travail d'orfèvrerie pour le recouvrir « d'une fine couche d'or de 0,1 micromètre d'épaisseur, soit à peine un millième de l'épaisseur d'un cheveu » pour refléter au mieux la lumière infrarouge.

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Le miroir principal du JWST est composé de 18 structures hexagonales. (Crédits : Nasa).

Compétition effrénée

À travers ce livre, le chercheur toulousain offre surtout une plongée dans les arcanes du travail scientifique, tiraillé entre la coopération et la compétition effrénée. Après avoir travaillé dans l'ombre pendant un an pour monter un programme de recherche sur l'observation de la nébuleuse d'Orion, son équipe découvre un projet concurrent porté par des Anglo-saxons. Après d'âpres négociations, se dessine le montage d'une équipe internationale de 150 chercheurs issus de 19 pays pour exploiter les images du télescope. Cette compétition effrénée se retrouve également au moment d'exploiter les premières données du JWST. Trois jours après la publication de données, des chercheurs commencent à publier de premières versions d'articles de recherche. Certains prétendent avoir identifié des galaxies monstres, extrêmement massives dans l'Univers lointain, une affirmation qui sera largement contestée dans les mois suivants. « Cela n'a pas empêché certains médias de se ruer sur ces prépublications pour produire des titres aussi ambitieux que "Le Big Bang n'a pas existé" », se désole le scientifique.

Son équipe est tout de même embarquée dans cette course contre la montre lorsqu'elle se fixe pour objectif de livrer 24h après les premières observations les images captées par le télescope James Webb de la nébuleuse d'Orion. Olivier Berné narre les multiples étapes nécessaires pour parvenir à obtenir ces images somptueuses. « Le signal brut reçu est loin de ressembler à l'image finale. Il s'agit d'images en noir et blanc, dans lesquelles on ne voit pas grand chose », rappelle-t-il. Il faut d'abord enlever le bruit de l'image, puis assembler comme un puzzle les dizaines de poses du télescope en s'appuyant sur des algorithmes. Et enfin, une graphiste a dû superposer les dizaines de filtres et associer une couleur à chacune des fréquences captées.

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La nébuleuse d'Orion vue par Hubble (à gauche) et par le James Webb Space Telescope (à droite). Crédits : NASA/ESA/CSA/PDRs4All ERS Team/Salomé Fuenmayor/Olivier Berné

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Travail de fourmi

Olivier Berné décortique également dans l'ouvrage le travail de fourmi avant d'identifier pour la première fois en dehors du système solaire des traces de methyl cation, une molécule recherchée par les astronomes depuis les années 70 pour son rôle crucial dans la chimie organique. Les scientifiques ont minutieusement passé en revue toutes les molécules qui auraient pu être présentes dans l'univers. Après une fausse piste, Olivier Berné raconte « la visioconférence des papes », réunion rassemblant des pontes du domaine, qui a entériné la découverte scientifique.

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La course ne s'arrête pas pour autant, puisqu'il faut désormais publier les travaux de recherche, si possible dans les revues les plus prestigieuses. Olivier Berné signale que « 94% des articles reçus sont rejetés par Science et 92% par Nature ». Au-delà du prestige, le chercheur toulousain explique qu'une telle publication garantit « plus de bienveillance » dans la course au financement des programmes de recherche. « Je pense au contrat d'Ilane qui se termine dans six mois et au fait que je n'aurai plus de budget pour le garder. Est-ce qu'une publication dans Science pourrait changer la donne? » s'interroge-t-il. Après une publication dans la revue Nature en juin dernier pour la découverte au tour du méthyl cation, l'équipe d'Olivier Berné pourrait faire l'objet d'une nouvelle publication dans la revue Science dans les prochains mois.

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Commentaires 2
à écrit le 30/08/2023 à 16:13
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Bonjour.L'Humain est une des microscopiques Composantes de L'Univers car chaque cellules de Son Corps contient l'univers en minuscule!!!! Alors aimons Cet Univers est nous- même est on vivra mieux dans le Respect de L'ensemble que Nous formons🙏👍👍👍😉😊🙋...

à écrit le 30/08/2023 à 8:52
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Nos oligarchies mondiales dont la cupidité et donc la dégénérescence menace directement notre planète n'ont jamais eu autant d'outils pour se rendre compte que nous étions tous insignifiants dans cet univers aussi bien eux que nous. Les gens qui ne l...

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