Olivier Berné, dans l'oeil du télescope James Webb en quête des origines de l'univers

À L'AFFICHE. Astrophysicien au CNRS, le Toulousain Olivier Berné fait partie des premiers scientifiques au monde à exploiter les données issues du télescope James Webb, le plus grand instrument d'observation jamais envoyé en orbite. Il compte braquer son regard sur la nébuleuse d'Orion pour mieux comprendre la naissance de notre système solaire. Un accomplissement pour celui qui a orienté toute sa carrière autour du télescope James Webb. Le scientifique en est persuadé, la mission qui a coûté 10 milliards d'euros bouleversera la vision du cosmos auprès du grand public et apportera des découvertes majeures.
Olivier Berné coordonne l'un des 13 programmes de recherche précoces autour du télescope James Webb.
Olivier Berné coordonne l'un des 13 programmes de recherche précoces autour du télescope James Webb. (Crédits : Montage LT)

Olivier Berné est conscient du « privilège ». Cet astrophysicien toulousain fait partie des premiers scientifiques au monde à accéder aux images du James Webb Space Telescope, le nouveau télescope spatial de la Nasa qui, à 1,5 million de kilomètres de la Terre, a dévoilé, le 12 juillet dernier, l'image infrarouge la plus profonde de l'Univers jamais prise. Un cliché extraordinaire montrant les premières galaxies formées peu après le Big Bang, il y a plus de 13 milliards d'années.

Chercheur au sein de l'Irap (Institut de recherche en astrophysique et planétologie), il coordonne l'un des 13 programmes de recherche précoces retenus par les différentes agences spatiales impliquées dans ce projet titanesque pour faire parler les données issues de l'instrument. Le successeur d'Hubble est le plus grand télescope jamais envoyé dans l'espace (6,5 mètres de diamètre contre 2 mètres pour la génération précédente).

Une carrière dédiée au James Webb Telescope

Une mission qui représente l'accomplissement d'un rêve. Bercé dès sa plus tendre enfance par les interventions d'Hubert Reeves enregistrées sur cassette audio, Olivier Berné a décidé dès sa thèse (soutenue en 2008) de dédier toute sa carrière au James Webb Space Telescope. « C'était un pari énorme. Le télescope a été menacé d'être arrêté à plusieurs reprises. Et honnêtement, si cela n'avait pas marché, je ne sais pas ce que j'aurais fait, si j'aurais continué l'astrophysique, parce que cela aurait eu moins de sens pour moi », livre-t-il.

Alors forcément à chaque étape du déploiement du télescope, « l'excitation est montée d'un cran ». En décembre dernier, au moment du lancement en orbite du télescope, au départ de Kourou par une fusée française Ariane 5,  il frissonne en suivant les différentes phases de dépliage des 18 structures hexagonales composant le miroir principal. Une prouesse technique inédite qui « fait gagner des facteurs 10 à 100 en termes de sensibilité ou de finesse des détails observables ». Envoyé dans l'espace après 30 ans d'attente, le télescope James Webb représente pour le Toulousain « la mission du stress maximum », tant elle est ponctuée de péripéties y compris en juin dernier quand l'instrument est heurté par une météorite.

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Le miroir principal du télescope James Webb est composé de 18 structures hexagonales pliées pour le décollage et dépliées une fois en orbite (Crédits : Nasa).

De quoi savourer avec d'autant plus d'ardeur la publication des premiers clichés du JWST. « Des images magnifiques qui vont bouleverser la représentation du cosmos auprès du grand public », estime le chercheur. Même si ces clichés ne représentent qu'un intérêt scientifique limité, la qualité des images révèle, à ses yeux, un bulletin de santé du télescope. « L'instrument fonctionne extrêmement bien et va délivrer une sensibilité, un sens du détail dans les données très important », pointe-t-il.

Les premières observations scientifiques ont révélé des molécules dans les galaxies lointaines pour l'instant impossibles à identifier. « Ce sont peut-être des molécules inconnues, qui n'existent pas sur Terre. À l'instar de Christophe Colomb découvrant un nouveau continent, nous naviguons vers l'inconnu. Mais je suis persuadé que le télescope James Webb apportera beaucoup de découvertes », s'enthousiasme le chercheur. Dans son bureau, il a placardé l'affiche officielle du télescope James Webb. Sur un tableau, son équipe a inscrit à la craie le calendrier des prochaines images disponibles, notamment de Jupiter.

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 Vue de la nébuleuse de la Carène, une pouponnière d'étoiles depuis le James Webb Space Telescope (Crédits : Nasa).

Orion en ligne de mire

Pour Olivier Berné et ses troupes, les choses sérieuses débuteront en septembre prochain. Son équipe constituée de 150 scientifiques issus de 19 pays pointera le télescope vers la nébuleuse d'Orion et sa pouponnière d'étoiles, autrement dit l'endroit où naissent les étoiles et les planètes. Les images et surtout les données sur la composition chimique des éléments présents dans la nébuleuse obtenues par les spectromètres offriront des clés de compréhension sur ce qui ressemble au berceau de notre système solaire. « Tous les êtres humains sont constitués d'atomes qui viennent du Big Bang, des étoiles ou des supernova. Mais nous ignorons encore beaucoup de choses sur la façon dont la nature a arrangé ces briques pour en faire une planète avec de la vie. Avec le James Webb Space Telescope, nous allons pouvoir remonter au moment où naissent les étoiles et les planètes », décrit le chercheur.

Sur ce projet, son équipe travaille avec un autre laboratoire local, l'Institut de recherche en informatique de Toulouse (Irit), avec qui elle a développé des algorithmes d'analyse des données très pointus pour améliorer l'information spatiale dans les données du télescope. De quoi multiplier par neuf le nombre de pixels dans les images du spectromètre !

Il espère pouvoir présenter très vite (en quelques jours seulement) de nouvelles images d'Orion puis de participer à la conférence internationale programmée en décembre prochain en y révélant ses premières découvertes. Des recherches réalisées sur un rythme accéléré pour maximiser les retombées scientifiques autour d'un instrument qui a coûté près de 10 milliards d'euros à la communauté internationale.

En dehors de ses travaux d'astrophysique, Olivier Berné est l'un des cofondateurs du Labos 1point5. Fondé en 2020, il rassemble plusieurs centaines de scientifiques en France avec l'objectif est de réduire l'empreinte environnementale de la recherche. « C'est devenu de plus en plus difficile pour la communauté scientifique de continuer à faire comme si de rien n'était, à prendre l'avion pour assister à un colloque de deux jours, à utiliser des serveurs de calcul et des salles blanches très gourmands en énergie alors même que les scientifiques alertent sur le fait qu'il faut changer de cap », remarque-t-il.

Depuis, plus de 400 laboratoires français ont essayé l'outil de simulation imaginé par Labos 1point5 pour mesurer leur empreinte carbone et l'initiative est largement soutenue par la présidence du CNRS. Une préoccupation écologique pas si éloignée de la mission James Webb. « Contempler le cosmos, c'est observer la nature et cela donne envie de sauver les choses qui sont belles. Le télescope James Webb, comme les pyramides d'Égypte, c'est un témoignage de ce que peut faire l'humanité d'extraordinaire », conclut-il.

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