Biotech : le toulousain Abionyx pourrait révolutionner le traitement de la Covid-19

L’entreprise toulousaine ouvre une nouvelle voie dans le traitement des patients atteints de formes très sévères de la Covid-19. Abionyx Pharma développe CER-001, un biomédicament qui réduit les effets de l’inflammation et constitue une stratégie thérapeutique potentielle pour les malades de la Covid-19, placés en réanimation. Entièrement produit en France, ce médicament nouvelle génération, mimétique du "bon cholestérol" a récemment connu un succès clinique et préclinique dans le traitement des maladies rénales rares et ophtalmologiques. Détails.
Le biomédicament est entièrement produit en France entre la Haute-Savoie et Toulouse.
Le biomédicament est entièrement produit en France entre la Haute-Savoie et Toulouse. (Crédits : DR)

C'est une avancée majeure que vient de réaliser la biotech toulousaine. Abionyx, biotech dédiée à la découverte et au développement de thérapies innovantes, annonce la publication de premières données cliniques démontrant que son biomédicament, CER-001, limite les effets de l'inflammation dans le cas de conditions inflammatoires aiguës telles que la Covid-19.

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En janvier dernier, l'entreprise avait obtenu une autorisation d'accès compassionnel (AAC) pour CER-001, un traitement innovant qui reproduit de façon "complètement biologique" du "bon cholestérol". Elle a ainsi recréé un produit qui mime le cholestérol HDL et une protéine (APOA1) habituellement fabriquée par les intestins et le foie.

Depuis, ce médicament nouvelle génération a été administré à des patients atteints de la Covid-19 et placés en réanimation, sous assistance respiratoire et les premiers résultats sont plus que positifs. D'après ceux publiés concernant un malade, de l'hôpital Bichat à Paris, souffrant d'une grave infection à la Covid-19 et placé dans une unité de soins intensifs, les analyses démontrent une diminution des protéines pro-inflammatoires et une augmentation des protéines contenues dans les HDL après les perfusions de CER-001.

"Cette HDL est primordiale. Elle cherche et élimine les lipides toxiques le plus rapidement possible du corps. Dans le cas de la Covid-19, vous avez une accumulation de lipides toxiques qui est très importante. Or, plus vous avez un taux de HDL bas dans votre corps lorsque vous rentrez en réanimation, plus les chances de survie sont faibles. Et à l'inverse, plus vous avez un taux de HDL élevé, plus vos avez des chances de survie. Nous avons en moyenne 1,2 gramme par litre de sang de HDL. Ce taux peut descendre jusqu'à 0,2 gramme par litre chez des patients lors d'un orage de cytokines. Notre approche est de supplanter et rajouter des HDL afin d'éviter que les patients se retrouvent avec des taux trop bas qui les mettraient en grande difficulté", explique Cyrille Tupin, le directeur général d'Abionyx Pharma.

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"Les malades pourront être désintubés rapidement"

Durant toute la période du traitement, administré par intraveineuse, une réduction des marqueurs de l'inflammation et donc des orages de cytokines a pu être observée. "Cela veut dire que nous avons été capables de piéger des lipides, au niveau de la circulation sanguine, de les pomper et de les éliminer", ajoute Cyrille Tupin. Abionyx devrait poursuivre ses études cliniques sur des patients sévèrement atteints afin de continuer à démonter d'autres effets bénéfiques de son médicament biologique.

"Aujourd'hui, les malades en réanimation sont traités principalement avec des corticoïdes qui ne sont pas magiques ou l'antibiothérapie qui n'est active qu'au bout de 2 ou 3 jours. Avec notre approche, dès qu'une personne arrive en réanimation nous allons lui proposer un traitement avec une bio HDL qui dès la première injection va faire baisser l'inflammation et améliorer tous ses paramètres hémodynamiques. Potentiellement, les malades pourront être désintubés rapidement et la quantité d'oxygène donnée pourra être baissée plus vite."

Un biomédicament qui peut traiter différentes pathologies

Parallèlement à ces essais, Abionyx mène également des recherches et tests sur les maladies rénales rares et/ou graves et ophtalmologiques grâce à ce même élément thérapeutique, CER-001. Ainsi, grâce à ce traitement, une patiente du CHU de Toulouse souffrant d'une maladie très rare du rein (déficience en LCAT) a échappé à la dialyse voire à la transplantation. Sur les troubles de la vue, le biomédicament, testé précliniquement sur des animaux, s'est révélé efficace en cas d'inflammation de l'oeil (maladie appelée uvéite).

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Ces bons résultats cliniques et précliniques ont permis à la biotech française d'obtenir la désignation de médicament orphelin (ODD - Orphan Drug Designation) pour CER-001 par la Food and Drug Administration (FDA) américaine dans le traitement des pathologies rénales et ophtalmologiques. Cet accord devrait permettre à la société de démarrer le développement clinique de son traitement aux États-Unis. Elle ambitionne d'adresser ce marché depuis sa filiale historique basée à Lakeland, dans l'état de Floride, aux USA.

"Sur les pathologies rénales et ophtalmologiques nous étions principalement sur l'Europe puisque nous avons obtenu des autorisations d'accès compassionnel à la fois en France et en Italie. Nous avons aujourd'hui une étude de phase 2 qui est en cours en Italie. Les États-Unis représentent le plus gros marché sur lequel il y a énormément d'options, de demandes et beaucoup d'enjeux financiers. La biotech y est très importante et les moyens aussi. Ce statut va nous permettre d'avoir accès à un certain nombre de financements et de subventions", détaille celui qui dirige la biotech depuis 2018.

Une production entièrement française

Afin de produire industriellement ce nouveau médicament très complexe, Abionyx a signé un accord stratégique, en mars 2021, avec GTP Biologics (Groupe Faréva) et V-Nano (Groupe VBI Therapeutics), spécialisées dans la production et la formulation de nanomédicaments biologiques. La production à grande échelle de CER-001 a débuté et permet d'assurer et d'alimenter toutes les demandes d'accès compassionnel et les études cliniques entamées et futures sur différentes pathologies (rénales, ophtalmologiques et orage cytokinique) et ainsi de traiter "un grand nombre de patients". Les milliers de flacons de CER-001 sont entièrement réalisés en France, entre Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie) et la Ville rose.

"Ce n'est pas un produit qui sera sur le marché cette année. D'ici deux ans il le sera, le temps de préparer tous les documents, d'avancer et de prendre un peu de développement. Ce que nous fabriquons est complètement naturel et reproduit seulement ce qui est présent dans le corps humain, le bon cholestérol, HDL", insiste Cyrille Tupin.

En décembre dernier, l'entreprise toulousaine a bouclé une opération d'acquisition du groupe Iris Pharma. Basée près de Nice, l'entreprise est spécialisée dans la recherche préclinique et clinique dans le domaine de l'ophtalmologie. Dorénavant, Abionyx Pharma compte 68 employés repartis entre Nice (60 personnes) et Toulouse (8 personnes). Cotée en bourse sur Euronext, elle disposait de près de 7,9 millions d'euros de trésorerie au 31 décembre 2021.

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