Toulouse n'a pas pu reconquérir l'Idex, parviendra-t-elle à décrocher son institut universitaire d'intelligence artificielle ? L'Université fédérale de Toulouse a déposé le 28 septembre dernier, auprès de l'Agence nationale de la recherche, un dossier de candidature pour accueillir un institut interdisciplinaire d'intelligence artificielle. Une initiative en réponse à l'appel à manifestations d'intérêt porté par le député et mathématicien Cédric Villani.
Dans son rapport sur l'IA demandé par le gouvernement, le scientifique plaidait pour la création d'"un réseau de recherche d'excellence" consacré à cette thématique à travers des instituts interdisciplinaires répartis sur tout le territoire" et affichait l'objectif de tripler le nombre de personnes formées à l'IA d'ici à 2020. Quatre à cinq lauréats devraient être désignés en France à l'issue de la procédure de sélection.
"À ma connaissance, une dizaine de projets sont déjà en réflexion en France", observe Philippe Raimbault, le président de l'Université fédérale de Toulouse.
Une intelligence artificielle alternative au deep learning des GAFA
Face à la concurrence, la Ville rose compte se distinguer par une approche originale de l'intelligence artificielle.
"Depuis 40 ans, nous sommes l'un des seuls pôles universitaires à travailler sur l'intelligence artificielle symbolique. Cette dernière est née dans les années 50, elle comporte l'avantage de fournir des résultats toujours fiables. En revanche, elle n'est pas capable d'apprendre toute seule. Contrairement au deep learning, l'autre forme d'intelligence artificielle qui a connu un grand succès depuis les années 90 et qui est privilégiée par les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple).
Mais le deep learning ne fournit pas des résultats toujours fiables et explicables. Or, à l'heure où les avionneurs comme Airbus nous demandent de réfléchir à des avions sans pilote, on ne peut pas se permettre de voir un appareil géré par du deep learning plonger à pic et s'écraser pour une raison inconnue. Le deep learning présente aussi des problèmes éthiques avec le risque de biais des données. Si des femmes sont très peu représentées dans un laboratoire, l'IA chargée de sélectionner les profils peut décider d'écarter toutes les candidatures féminines et renforcer les inégalités. Pour éviter ces situations, il faut mettre un cadre à l'IA.
Les chercheurs toulousains planchent donc sur une intelligence artificielle hybride, qui insère la logique de l'IA symbolique dans du deep learning", détaille Nicholas Asher, le porteur de projet scientifique et par ailleurs directeur de recherche CNRS au sein de l'Irit (institut de recherche en informatique de Toulouse).
Le chercheur relève qu'"à Paris, où se sont installés récemment les géants américains Facebook et Google, les universitaires travaillent surtout sur le deep learning pur".
Au-delà de cette particularité, l'université table aussi sur la puissante filière économique toulousaine pour appuyer son projet baptisé ANITI (Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute). "Nous avons la chance de bénéficier d'un écosystème dense avec l'industrie aéronautique, spatiale et automobile", relève Philippe Raimbault. D'ailleurs, selon le président de l'Université fédérale, les industriels pourraient apporter un tiers des 20 millions d'euros annuelles nécessaires au fonctionnement de cet institut, les fonds restants étant à chercher du côté du programme d'investissements d'avenir de l'État (PIA) et des universités.
Doubler les étudiants formés à l'IA à Toulouse
L'implantation de cette structure pourrait permettre d'accroître les formations en IA.
"Toulouse recense déjà 500 chercheurs qui travaillent sur l'intelligence artificielle. L'ambition est de doubler le nombre d'étudiants formés à l'IA à l'horizon 2023, ainsi que d'augmenter significativement le nombre de docteurs dans les domaines de l'IA. Nous comptons à ce jour une centaine de docteurs qui soutiennent chaque année une thèse sur l'IA. 500 diplômés de master sont également formés. L'enjeu est aussi de toucher un public plus large, comme par exemple les BTS informatique", précise Philippe Raimbault.
Toulouse devrait avoir un premier retour de l'État sur sa candidature fin octobre.
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