La longue route de l’Occitanie vers la neutralité carbone

Champion de l’autoconsommation solaire et deuxième territoire en France pour son parc d’ENR, la région regorge de potentiel pour développer plus massivement des énergies nouvelles et accélère dans son ambition d’être « à énergie positive » en 2050. Reste à lever plusieurs freins pour résoudre l’équation complexe de la transition écologique à l’heure des besoins énergétiques croissants. C’est ce qui ressort de plusieurs débats qui se sont déroulés lors de l'événement Transformons la France, organisé le 21 septembre à Toulouse par La Tribune. Décryptage.
L'Occitanie a encore du chemin à parcourir et des défis à relever pour être une région auto-suffisante sur la question des énergies.
L'Occitanie a encore du chemin à parcourir et des défis à relever pour être une région auto-suffisante sur la question des énergies. (Crédits : Rémi Benoit)

« Un quart d'électricité, un quart de gaz et la moitié, du carburant : c'est aujourd'hui la consommation énergétique de l'Occitanie. Il y a urgence à décarboner ! », entonne Sylvain Panas, directeur régional Occitanie de TotalEnergies. C'est en effet ce à quoi s'est attelée la région Occitanie, en se dotant il y a cinq ans d'une stratégie ambitieuse pour devenir « à énergie positive » à l'horizon 2050, puis en multipliant les initiatives pour atteindre la neutralité carbone ainsi que la souveraineté énergétique.

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« La région Occitanie est d'ores et déjà auto-suffisante en termes de production d'électricité », nuance Damien Notin, délégué territorial d'EDF Occitanie. « Elle bénéficie d'installations de premier plan, avec une centrale nucléaire qui va produire plus de 50 % de ses besoins, des centrales hydrauliques partout sur le territoire occitan pour 35 %, le reste étant les énergies renouvelables, le solaire et l'éolien. » La question est surtout comment accompagner la société, les filières industrielles, le transport et le résidentiel vers la sortie des énergies fossiles, en électrifiant notamment les usages et les process.

Un avenir électrique

L'enjeu est de taille, et l'équation, complexe. Pour amplifier la part de l'électricité dans le mix énergétique, il faudra en effet appuyer sur plusieurs leviers. D'abord, celui de la sobriété énergétique. « Il va falloir consommer toujours moins pour maîtriser un tant soit peu cette demande d'électricité qui sera de plus en plus forte », analyse Damien Notin. Poursuivre le développement des énergies renouvelables, ensuite, avec, par exemple, l'éolien offshore. De même, relever le pari de passer des chaudières au fioul à l'électricité et à la pompe à chaleur. Et en parallèle, investir massivement dans les technologies de rupture. Partenaire de la Région et de l'Ademe dans le cadre d'un projet baptisé Flexitanie, EDF planche ainsi sur les bornes de recharge « Vehicule to Grid » (V2G), où le véhicule électrique devient de fait une batterie virtuelle pour le réseau.

Or celui-ci va-t-il tenir le choc de ces nouveaux besoins ? « Oui, le réseau va tenir », assure Stéphane Lesénéchal, directeur territorial Haute-Garonne chez Enedis, qui accueille de plus en plus d'ENR dans son réseau. De fait, selon le bilan 2022 du RTE, le réseau de transport d'électricité français, l'Occitanie est le deuxième parc français pour les ENR. En matière de photovoltaïque, en particulier, la région fait figure de pionnière. De même, le département de la Haute-Garonne caracole en tête de l'autoconsommation individuelle, avec désormais 59 MW, tandis que l'autoconsommation collective décolle, avec 33 opérations en Occitanie, dont une première a récemment été inaugurée par Enedis à Saint-Geniès-Bellevue, au nord de Toulouse, où une centrale photovoltaïque installée sur la toiture de la salle polyvalente de la commune devrait partager l'énergie avec d'autres bâtiments municipaux du village. Ainsi, pour faire face à toujours plus de raccordements à cette production décentralisée d'énergies intermittentes, Enedis « renforce beaucoup » son réseau en Occitanie. « Il faut adapter le réseau et très certainement faudra-t-il le coupler à du stockage », dit-il.

L'hydrogène vert en manque de distribution

D'autant que le potentiel pour le développement des énergies nouvelles reste vaste. Dans le domaine du solaire, malgré son décollage tardif dans l'Hexagone, « les projets sont là », se réjouit Olivier Bousquet, directeur du développement France du producteur d'énergie photovoltaïque Reden Solar, en déplorant néanmoins « une appréciation administrative assez lourde en France ». Autre énergie prometteuse, pour décarboner notamment la mobilité et l'industrie, l'hydrogène vert. Une filière naissante qui compte de plus en plus de projets et d'acteurs, mais demeure bridée dans son élan. « Ce qui freine, ce n'est pas la production. Nous proposons déjà l'hydrogène renouvelable aux acteurs du territoire », affirme Ghislain Robert, directeur commercial du producteur d'hydrogène vert Lhyfe, qui, à partir de l'année prochaine, devrait exploiter une nouvelle usine au nord de Toulouse. « Ce qui manque aujourd'hui, ce sont des sites de distribution », souligne-t-il. « Il faut promouvoir dorénavant la distribution de l'hydrogène sur le territoire et aussi savoir accompagner les usages, particulièrement les constructeurs d'équipements qui utilisent l'hydrogène, comme les constructeurs de bus, qui ont besoin de coups de pouce pour faciliter l'homologation d'un véhicule », argumente-t-il.

20 % de gaz vert en 2030

Poussés par l'attrait pour le biogaz dans le contexte des tensions géopolitiques, la méthanisation elle aussi est porteuse de promesses, avec à ce jour 20 sites sur le territoire occitan produisant l'équivalent de la consommation de 100.000 logements neufs ou 1.500 bus pour la motorisation au bioGNV. Les projets au sein de cette filière récente en France, qui l'est plus encore en Occitanie puisque la première méthanisation avec injection dans le réseau GRDF y est apparue en 2018 dans le Gers, fleurissent. « On a 55 projets qui vont représenter d'ici 2026 le potentiel d'une injection de 1,2 TWh. Ce qui va représenter concrètement 8 % de gaz vert dans les réseaux de l'Occitanie », déclare Nicolas Le Crenn, directeur délégué Région Occitanie de GRDF, en saluant l'objectif réaffirmé par la Région de porter le biogaz vert dans le réseau en Occitanie à 20 % à l'horizon 2030.

Le défi de l'acceptabilité

Mais les ambitions peuvent se heurter à des réticences locales et subir un ralentissement. Certains projets de méthanisation attirent ainsi de l'attention, mais « le taux de recours est de 5 %, tant en Occitanie qu'au niveau de la France », tempère Nicolas Le Crenn. En outre, l'ensemble des projets nécessitent une phase de concertation avec les élus, les communes qui vont accueillir ces projets ainsi que les riverains. « Qui dit concertation, dit également réajustement du projet initial », qui peut se faire en termes de localisation ou d'intégration paysagère. « La méthanisation reste encore une filière peu connue du grand public et qui génère un certain nombre de questions quant à l'impact sur le territoire », observe-t-il.

De même, dans le photovoltaïque, loin d'être épargné par les recours, « tous les projets font l'objet de concertations et d'études. On applique aux ENR une strate d'études relativement forte », rappelle Olivier Bousquet. Pour ce dirigeant, l'acceptabilité passe, entre autres, par la question économique, via le financement participatif notamment.

Autant d'avancées - et de blocages - qui montrent que le futur mix énergétique n'est pas qu'une « question technique de pourcentages et de vecteurs, mais de qui gagne de l'argent et comment on peut y trouver des avantages », tranche de son côté Louise Balmer, codirectrice de l'association ECLR Occitanie, qui accompagne les groupes de citoyens et les collectivités désireux de se lancer dans des projets d'ENR. Dans tous les cas, la transition énergétique mobilise l'ensemble des énergies. Sylvain Panas, de TotalEnergies, en est convaincu. « Je ne crois pas à notre capacité à être sobre. Nos besoins énergétiques vont encore augmenter, avec la population. Il faut donc continuer à produire massivement : plus de nucléaire, d'hydroélectricité, de biogaz... Et encore pendant quelques années du gaz et du carburant fossile. L'avion à hydrogène n'est pas pour demain... », conclut-il.

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