Terrorisme : quand des chercheurs toulousains en informatique aident la police

L'Institut de recherche en informatique de Toulouse (Irit) a signé en juin dernier une convention pour officialiser son partenariat avec l'École nationale supérieure de la police, chargée de former commissaires et officiers. Les outils de big data et d'intelligence artificielle mis au point par les chercheurs pourront aider les enquêteurs à identifier un suspect et alerter les forces de l'ordre en cas d'intrusion suspecte.
Des policiers dans les rues de Toulouse. Crédit : Rémi Benoit.

"Lors des attentats de Londres en 2005, les enquêteurs ont dû analyser plus de 20 000 heures de vidéosurveillance !", rappelle Philippe Joly, le directeur-adjoint de l'Irit (l'Institut de recherche en informatique de Toulouse). Via cet exemple, le chercheur toulousain veut illustrer l'ampleur des données à laquelle sont parfois confrontés les policiers. Pour faciliter l'analyse de ces big data, les services de police collaborent depuis deux ans avec l'Irit, le plus grand institut français de recherche en informatique, particulièrement réputé en matière de données. En juin dernier, ce partenariat a été officialisé avec la signature d'une convention entre l'École nationale supérieure de la police (ENSP) et l'Irit, qui est sous la tutelle du CNRS et des universités toulousaines.

Aide à l'analyse des big data

Concrètement, la police transmet aux chercheurs toulousains des documents d'enquête authentiques (fadettes, enregistrements audio, bandes de vidéosurveillance, notes manuscrites ou informatisées...) que le laboratoire peut scanner à travers ses outils d'analyse de données et d'intelligence artificielle.

"Dans l'affaire Merah par exemple, la police était à la recherche d'un scooter blanc. Nos outils d'analyse sont en mesure d'examiner les bandes de vidéosurveillance et de repérer automatiquement un objet blanc qui se déplace sur la route", explique Philippe Joly.

"Ces outils sont aussi capables d'analyser des documents dans des langues étrangères et des caractères arabes ou chinois", complète Hélène Martini directrice de l'ENSP. Pour le directeur adjoint de l'Irit, "le but n'est pas de se substituer aux travail des policiers mais de fournir des outils complémentaires".

Dans le cadre du partenariat, l'école de police, qui est dotée de son propre centre de recherche depuis 2010, devra faire le lien entre les services de police et les chercheurs :

"Les chercheurs de l'Irit pourront intervenir dans notre école auprès des futurs enquêteurs", avance Hélène Martini, directrice de l'ENSP, l'école chargée de la formation (initiale et continue) les gradés de la police : commissaires, officiers...

"Le but est que les étudiants sachent ce qu'il est possible de faire techniquement à partir de ces outils informatiques. De son côté, le chercheur est confronté aux conditions de travail des enquêteurs. La recherche fondamentale en laboratoire, c'est bien, mais grâce à ce partenariat avec notre école, l'Irit peut accéder à de la recherche appliquée".

Le big data va-t-il révolutionner les systèmes d'alarme anti-cambriolage ?

Philippe Joly abonde également en ce sens : "Il existe évidemment des contraintes de temps. Lorsqu'une cyberattaque intervient, il faut aller très vite sinon les données incriminées peuvent disparaître". L'Irit dispose de champs de recherche très variés autour de la cybersécurité, l'analyse de masse de données, l'intelligence artificielle... Et potentiellement l'ensemble des chercheurs de l'Institut toulousain sont susceptibles de participer à ce partenariat avec l'ENSP.

"Nous travaillons déjà dans le domaine de la santé avec le CHU de Toulouse sur de l'analyse prédictive. Notre modèle enregistre les caractéristiques d'un comportement normal en fonction d'un historique de données. Dès que le patient (suivi à distance depuis son domicile) sort du modèle récurrent, une alerte peut être envoyée aux médecins. Cette technique peut être appliquée dans beaucoup d'autres domaines, dont la police. On m'a par exemple déjà demandé s'il était possible, dans les mouvements de foule, de repérer un élément anormal sur une vidéo. Peut-être que dans quelques années, il sera possible dans les grandes manifestations d'envoyer des alertes aux forces de l'ordre en cas de débordement ou d'événement suspect", observe Philippe Joly.

Ce maniement des big data pourrait aussi révolutionner l'identification des suspects en matière de cambriolage. Les dernières innovations technologiques permettent ainsi d'aller bien au-delà de l'alarme dotée d'un outil de reconnaissance faciale.

"Le monde des alarmes évolue très vite, remarque Hélène Martini. Grâce à une matière spécifique ou un outil ADN, un suspect qui entre par effraction dans un bâtiment pourra être identifié par la police sans même qu'il s'en aperçoive".

La directrice ne veut pas trop entrer dans les détails de ces nouvelles pistes étudiées par la police : "Nous essayons de rattraper notre retard en matière de technologie et les enquêteurs doivent garder un temps d'avance sur les criminels. C'est très difficile à la vitesse où sont détournés ces systèmes de sécurité. La technologie va tellement vite qu'il est impossible de prédire dans 10 ans quels outils nous pourrons utiliser".

En associant, les deux organismes publics espèrent aussi, à terme, décrocher des fonds européens. L'Irit vient d'ailleurs de postuler à un appels à projets de l'UE sur la sécurité, qui se chiffre à quelques dizaines de millions d'euros.

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