Les entreprises de Toulouse et Midi-Pyrénées actrices de "la révolution" Big Data

Face à l'émergence du Big Data, les entreprises doivent adapter leur stratégie et de nouveaux business models sont sur le point de voir le jour. En région, plusieurs acteurs se sont positionnés sur ce marché où la donnée est une valeur énorme. Décryptage des enjeux de cette révolution stratégique et commerciale.
Le marché du big data représentait 315 Md€ en 2011 selon le cabinet McKinsey

"Le Big Data représente un fort potentiel de croissance", assure Lanny Cohen. Pour le directeur des technologies et responsable innovation du groupe Capgemini, la révolution est aujourd'hui bien entamée. Avec la démocratisation de cette analyse de données en masse, "nous sommes entrés dans l'ère de la donnée", explique Kevin Carillo, enseignant-chercheur à Toulouse Business School (TBS). En incluant le Big Data dans ses 34 plans de réindustrialisation, le gouvernement français ne s'y est pas trompé, conscient de l'importance de ce nouveau marché et de la multitude d'applications qui en découle. "Les données deviennent le carburant de l'économie numérique. Tous les secteurs économiques, du commerce au secteur automobile en passant par le secteur énergétique, tous les domaines de la vie quotidienne (santé, éducation, etc.) sont concernés", indique ainsi le rapport. Lancé en septembre 2013, ce plan est coordonné au niveau national par Paul Hermelin, PDG de Capgemini et François Bourdoncle, responsable stratégique d'Exalead / Dassault Systèmes. L'objectif ambitieux est "de faire de la France la référence mondiale dans ce domaine".

Midi-Pyrénées en pôle position ?
En Midi-Pyrénées, c'est Daniel Benchimol qui a été choisi comme référent. Même s'il n'y a pour l'instant pas eu de consultation des référents régionaux, le président du cluster Digital Place approuve la décision de miser sur le Big Data. "Midi-Pyrénées a tous les atouts pour être présente dans ce secteur. Le numérique emploie 40 000 personnes dans la région. Nos entreprises ont des compétences dans le domaine du traitement ou de l'analyse de données. L'Institut de mathématiques de Toulouse compte près de 200 chercheurs. Enfin, nos industries ont de vrais besoins en matière de Big Data : aéronautique, spatial, santé..." Preuve de l'importance qu'accorde le cluster à la question, Digital Place envisage de créer un guichet unique qui regrouperait les entreprises spécialisées dans un des métiers du Big Data, "afin d'être plus visible".

L'écosystème du Big Data en Midi-Pyrénées
Au-delà des gros éditeurs comme Oracle, SA ou Hadoop, un véritable écosystème s'est ainsi créé, entre les fournisseurs de services comme Capgemini, Deloitte ou KPMG, des intégrateurs, des spécialistes de l'infrastructure informatique ou des domaines applicatifs. De nombreuses start-up surfent sur le phénomène et profitent de leur agilité et de leurs compétences pour proposer leur service en matière de Big Data. C'est le cas de Datasio, fondée il y a 2 ans par François Royer. "Après avoir secoué le monde du retail, la culture du Big Data arrive dans l'industrie. Notre mission est d'aider les acteurs de l'industrie", assure le PDG. Datasio accompagne les entreprises dans toutes les étapes du Big Data, de la fouille de données, à la récupération, au traitement, à l'analyse et à la stratégie. Et les enjeux sont énormes. "Aujourd'hui, tout le monde est conscient de la valeur d'un patrimoine de données", poursuit François Royer.
On ne dira pas l'inverse chez Synox, éditeur de solutions métiers autour de l'internet des objets, offre des applications variées. "Nous allons de la connectique à la plateforme d'analyse de données en passant par la collecte et le stockage", détaille le directeur général Stéphane Vinazza, qui rappelle que l'on estime "à 50 milliards le nombre d'objets connectés en 2020". Sa société, qui compte 42 salariés, propose notamment SoFleet, une plateforme d'analyse du comportement de conduite pour la gestion de flotte des entreprises.

L'ère du data driven business
Les informations viennent de partout (téléphones, objets connectés...) Face à cette révolution, les entreprises sont contraintes de s'adapter pour gérer les données internes comme les données externes. Elles sont ainsi confrontées à un enjeu de formation. Tous les services de l'entreprise doivent acquérir cette culture de la donnée et les fonctions supports sont intégrées au processus décisionnel. "Avant, on faisait du business basé sur l'expérience et l'intuition. Aujourd'hui, on est dans du data driven business", analyse Kevin Carillo. Cela ne veut pas dire que tout est basé sur la donnée brute. Il faut impérativement des compétences métier pour orienter et interpréter les analyses de données. "Les entreprises se sont lancées dans la quête du data scientist. Mais celui-ci a souvent les connaissances en informatique et en maths, sans avoir l'analyse business nécessaire", poursuit l'enseignant-chercheur.
Conscients des possibilités illimitées qu'offre le Big Data, les grands groupes s'adaptent. "Airbus a gardé le secteur MRO (gestion de la réparation, de la maintenance et de l'entretien) en interne pour conserver les données sur ses avions. Le Big Data leur a également servi lors des essais de l'A350 pour résoudre plus rapidement les éventuels problèmes", indique Patrice Duboé, responsable de la transformation digitale et de l'innovation chez Capgemini.
De nouveaux business models émergent également grâce au Big Data. L'Esa, agence spatiale européenne, qui produit énormément de données, vend désormais des informations sur les inondations ou la pollution des mers. Une nouvelle source de revenus pour les entreprises.

Quels enjeux pour les entreprises ?
Sur le marché français, seuls les grands groupes font pour l'instant appel au Big Data pour développer leur business. Mais les PME ne pourront pas manquer ce virage. Pour cela, une révolution stratégique est nécessaire.
"Alors que le volume de données à traiter a augmenté de manière exponentielle, le prix du traitement de la donnée a considérablement diminué. Avec le cloud, une entreprise peut louer de la puissance machine sur une durée limitée et faire une analyse. Cela a aussi permis d'homogénéiser le matériel", analyse Manuel Sevilla, CTO de BIM Capgemini. Une réalité qui permet de dire que les PME peuvent également tirer profit du Big Data, même si certaines entreprises ces sont arrêtées au buzz, ne voyant pas les opportunités que représente cette nouvelle solution.

Une vision 360 indispensable
"Aujourd'hui, l'enjeu pour les entreprises est celui de la formation. La culture de la data doit imprégner tous les services", précise François Royer de Datasio. Fabrice Benaut ne dit pas autre chose. "Celles qui vont réussir sont les entreprises qui vont comprendre la nécessité de travailler autrement, en mode collaboratif. Elles doivent inventorier leurs données, regarder l'architecture et faire un focus métier. Il faut une vision 360 : organisation, statisticien, mathématicien, marketing et business doivent être associés. La Big Data tire sa valeur de la corrélation."
La technologie, si elle est un prérequis indispensable, n'est pas une limite aujourd'hui pour les PME. "Selon moi, le Big Data ne coûte rien à une PME. C'est une opportunité de business, pas une contrainte. C'est davantage une révolution stratégique qu'un révolution technologique", analyse Ludovic Le Moan, directeur général de Sigfox et président de la Tic Valley. "Le retour sur investissement est rapide", ajoute Stéphane Vinazza de Synox.
Se pose alors la question du stockage des données pour les entreprises. Comment s'assurer qu'elles resteront privées et ne seront pas revendues par les mastodontes du secteur. La relocalisation des data centers est également un des enjeux du Big Data. Ces hébergeurs se multiplient en France. À Toulouse, Laurent Bacca, PDG de Full Save, vient de construire TLSoo, un data center de 1 600 m2 pour répondre au sous-équipement du territoire. Une raison de plus pour les PME de Midi-Pyrénées de parier sur le Big Data.

Paul Périé
©photo Rémi Benoit

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Qu'est-ce que le Big Data ?
Selon Kevin Carillo, enseignant-chercheur en systèmes d'information à Toulouse Business School, "le Big Data est un vrai phénomène de société". Pour Manuel Sevilla, directeur des technologies de la ligne de service globale BIM de Capgemini, "le Big Data, c'est travailler mieux". Concrètement, le Big Data est la convergence de plusieurs facteurs que les spécialistes appellent les 3 V : volume, variety et velocity. L'analyse de données existe depuis longtemps dans les entreprises mais ces trois phénomènes ont bouleversé les usages. La quantité de données générée a en effet explosé au cours des dernières années du fait de l'augmentation des smartphones et tablettes. La multiplication des objets connectés a accentué cette tendance. Par ailleurs, les spécialistes ont aujourd'hui affaire à une grande diversité de données. On trouve ainsi des données structurées, directement exploitables, et des données non structurées, comme des tweets, pour lesquelles il faut transformer en données exploitables dans des algorithmes mathématiques. Enfin, l'analyse de ces données doit se faire le plus rapidement possible. "Le Big Data regroupe à la fois le traitement de ces grandes masses de données, leur collecte, leur stockage jusqu'à leur visualisation et leur analyse", comme l'indique le rapport sur la Nouvelle France industrielle. C'est ainsi que la donnée prend toute sa valeur, souvent considérée comme le quatrième V.

La sécurité des données en question
- Vraiment privées les données ?
Si le Big Data peut trouver des applications dans des domaines très variés, il est utilisé depuis très longtemps par des acteurs du marketing. Google, à partir de nos recherches, et Facebook, via les réseaux sociaux, collectent des milliers de données sur leurs utilisateurs dans le monde entier. Grâce à des groupes comme ceux-ci, les États-Unis dominent ce marché, alimenté par l'Open Data. Pourtant, selon une étude du Boston Consulting Group, seulement 7 % des consommateurs mondiaux se disent à l'aise avec une utilisation de leurs données en dehors de l'objectif initial. Pour Fabrice Benaut, directeur des systèmes d'information de IFR Global et correspondant Cnil, "un des problèmes à adresser, c'est que le Big Data révèle des informations personnelles à partir de données anonymes qui, prises individuellement, n'ont pas de valeur. Il faut simplement que la finalité de la donnée soit définie. La loi informatique et liberté est un très bon cadre."

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