"Les oubliés" de Derichebourg Aeronautics au job dating pour retrouver leur salaire d'avant Covid

En recherche urgente de 250 nouveaux collaborateurs, Derichebourg Aeronautics a une nouvelle fois été rattrapée par l'APC auquel la société a procédé en 2020. Des salariés du sous-traitant aéronautique, qui se surnomment "les oubliés", ont perturbé un job dating à Toulouse pour demander un retour à leur rémunération d'avant Covid. Reportage.
Une cinquantaine de salariés se sont rassemblés devant le lieu du job dating de Derichebourg Aeronautics à Toulouse pour demander un meilleur salaire.
Une cinquantaine de salariés se sont rassemblés devant le lieu du job dating de Derichebourg Aeronautics à Toulouse pour demander un meilleur salaire. (Crédits : Rémi Benoit)

Bien habillés mais visages fermés pour certains, ils étaient nombreux à se présenter au Musée Aéroscopia de Blagnac (Haute-Garonne). Mais leur marche en avant vers l'entrée était pour beaucoup d'entre eux perturbée par des "ne vous faites pas avoir" ou "n'y allez pas c'est une arnaque". Devant ce lieu culturel qui retrace l'histoire de l'aéronautique dans la ville qui abrite Airbus et une grande majorité de sous-traitants de la filière, deux "camps" se sont ainsi rencontrés dans l'après-midi du mercredi 9 février.

Cette date, le sous-traitant aéronautique de rang 1, Derichebourg Aeronautics Services l'a marquée d'une croix blanche depuis plusieurs semaines. En difficulté dans ses recrutements, la société a organisé à cette date un job dating pour lequel 250 postes étaient à pouvoir sur ses sites de Toulouse, où opèrent la majorité de ses effectifs (1.100 personnes sur 1.400 en France). Face à une activité qui repart, "nous avons de gros besoins notamment sur des inspecteurs qualité, de l'ingénierie, mais nous recherchons également des compagnons sur des profils de techniciens aéronautiques, mécaniciens, câbleurs, électriciens et intégrateurs cabine", détaillait quelques jours plutôt auprès de La Tribune Karine Alibert, responsable du pôle talents et compétences au sein de Derichebourg Aeronautics Services.

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La centaine de candidats venus à la rencontre des recruteurs de l'entreprise ont donc été accueillis mercredi par des salariés mécontents de leur traitement en interne. Face à cette mobilisation et aux phrases de bienvenue, certains ont hésité à franchir la porte d'entrée du musée, hôte de l'événement. "Mais ces recrutements sont une bonne nouvelle", rassure Florent*, en poste depuis une dizaine d'années dans la société. Pour les "oubliés", comme ils se surnomment, leur action ne vise pas à dissuader les candidats d'intégrer l'entreprise, mais plutôt à alerter la direction sur leur situation.

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Les postulants au job dating de Dericheboug Aeronautics ont été accueillis par des salariés en colère (Crédits : Rémi Benoit).

Conséquence de l'APC

Armés de leur blouse jaune fluo taguée au nom de leur employeur et de pancartes, une cinquantaine "d'oubliés" ont ainsi manifesté devant le job dating, au regret de la direction qui a du faire appel à un prestataire privé pour filtrer les entrées et assurer la sécurité de l'événement. "Notre vrai combat, notre objectif est de retrouver notre niveau de vie et récupérer notre paie d'avant la Covid", poursuit Florent. "Depuis le début de la crise sanitaire, j'ai perdu 150 euros net sur mon salaire", témoigne Alain*, un chef d'équipe embauché trois ans plus tôt par Derichebourg.

Pour comprendre, il faut revenir deux ans en arrière. Confronté à une diminution brutale de son activité, le sous-traitant aéronautique réfléchit alors à procéder à un PSE de plusieurs centaines d'emplois. Il est même évoqué 50% des effectifs. Grâce à un dialogue social, les syndicats obtiennent la mise de côté de cette hypothèse, en l'échange d'un accord de performance collective (APC). En réduisant voire en supprimant certaines parties de la rémunération des salariés ou des acquis sociaux, cette démarche permet à la société de faire des économies.

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Suite à l'APC, plusieurs dizaines de personnes ont quitté la société (Crédits : Rémi Benoit).

Dans le cas de Derichebourg Aeronautics et Services, des primes ont été supprimées dont les primes repas et transport, représentant une perte de revenus moyenne de 180 euros net par mois. Un choix évident car ces parties de la rémunération étaient jugées pas légales selon l'Urssaf pour divers aspects juridiques. L'APC a donc été l'occasion pour la société de les compenser en partie par l'instauration des tickets restaurants. "C'est bien comme initiative mais nous perdons quand même de l'argent car nous devons en payer une partie", rappelle Florent. "C'est peut-être plus de 150 euros par mois mais ce n'est pas du pouvoir d'achat car nous ne pouvons pas le dépenser comme nous voulons. On ne peut pas faire de crédits avec ça, c'est uniquement pour aller au restaurant ou faire des courses", peste Alain à ses côtés. Mais les syndicats pourraient avoir une bonne nouvelle à ce sujet prochainement.

"Nous discutons avec la direction et l'Urssaf pour un retour de ces primes dans un cadre juridique légal. Nous avons obtenu un accord autour de 6,80 euros de salaire net par jour travaillé et la suppression des tickets restaurants. Ce sera réellement du pouvoir d'achat que nous redonnons puisque nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons avec les tickets restos. J'espère que cela sera actif dès la fin du mois du mars voire début avril", fait savoir Jean-Marc Moreau, le représentant FO au sein de Derichebourg Aeronautics, le syndicat majoritaire.

Ils demandent une augmentation de leur salaire brut

Le mouvement des salariés "Les Oubliés", qui a fait le choix de n'être soutenu par aucun syndicat par "manque de confiance après l'APC" selon certains de ses membres, a envoyé une lettre à sa direction pour regretter cette situation financière et exposer des  pistes de travail. "Le collectif demande une augmentation du salaire brut de 150 euros par mois. Nous voulons retrouver notre niveau de vie alors que nous faisons face comme tout le monde à l'inflation sur l'essence et l'électricité", demande Georges*, électricien depuis 10 ans au sein de l'entreprise.

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Les salariés, non représentés par des syndicats, demandent un dialogue avec la direction (Crédits : Rémi Benoit).

"Il y a déjà eu en octobre une revalorisation pour les salariés non-cadres de 50 euros bruts, mais les 150 euros ont été refusés. Nous avons aussi eu une prime Macron de 500 euros. On ne va pas soutenir une demande de hausse de salaire, pousser les gens à faire grève et perdre de l'argent alors que nous savons qu'on ne l'obtiendra pas ! Il y aura une nouvelle négociation en octobre, nous verrons à ce moment-là ce qu'il est possible de faire", explique le représentant FO.

Par ailleurs, la rémunération des nouveaux embauchés, sur certains métiers en tension a été revue à la hausse pour faire face aux sociétés concurrentes et combler ainsi les besoins en ressources humaines. "Nous demandons un traitement d'égalité entre les anciens et les nouveaux et surtout un début de dialogue avec notre direction", poursuit Georges.

Présente sur place, la direction, représentée par Élodie Escaig, la responsable marketing et communication de Derichebourg Aeronautics et Services, a ignoré nos sollicitations pour répondre à cette mobilisation. Mieux encore, la dirigeante a demandé aux agents de sécurité de bloquer à nos journalistes l'accès au job dating.

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