Dans les Pyrénées, les stations de ski déjà fragilisées avant la crise luttent pour leur survie

Les stations de ski des Pyrénées craignent une chute de 30 % de leur chiffre d'affaires annuel avec la fermeture annoncée des remontées mécaniques jusqu'en janvier. Alors que leur modèle économique était déjà fragilisé par le manque de neige, les plus petites structures, comme les deux grands réseaux, Altiservice et N'Py, anticipent de lourdes conséquences économiques. Le ski fait y vivre près d'un quart de la population et participe notamment au maintien de l'élevage en montagne.
Deux tiers des stations pyrénéennes ne dépassent pas les cinq millions d'euros de chiffre d'affaires annuel.
Deux tiers des stations pyrénéennes ne dépassent pas les cinq millions d'euros de chiffre d'affaires annuel. (Crédits : ©Altiservice-SaintLary)

La crise sanitaire va-t-elle sonner le glas des petites stations de sports d'hiver des Pyrénées ? "C'est la deuxième saison que les stations de Haute-Garonne connaissent des difficultés. L'année dernière, il y avait eu un manque d'enneigement durant les vacances de Noël et nous avons ensuite enchaîné avec le confinement qui a écourté la saison (à tel point que Le Bourg d'Oueil n'avait pas pu ouvrir de l'hiver, ndlr). La fermeture des remontées mécaniques à Noël annoncée par le gouvernement va les fragiliser encore plus", alerte Maryse Vezat Baronia, vice-présidente du département en charge en tourisme.

Vers un nouveau renflouement des petites stations

À côté des mastodontes des Alpes, la chaîne pyrénéenne a la particularité d'offrir de petites stations familiales dont le modèle économique est durement attaqué depuis des années. Dès 2015, la Cour des comptes tirait la sonnette d'alarme : deux tiers de la trentaine de stations pyrénéennes ne dépassent pas les cinq millions d'euros de chiffre d'affaires, avec un endettement allant jusqu'à 400% ! Et les choses ne sont pas près de s'arranger. Selon Météo France citée dans le rapport, avec une hausse de température moyenne de deux degrés dans les décennies à venir, les stations de ski pourraient perdre un mois d'enneigement. Résultat : en 2018, le département de Haute-Garonne est venu à la rescousse de trois stations (Luchon-Superbagnères, Le Mourtis et Le Bourg d'Oueil) en assainissant leurs dettes et en créant un syndicat mixte pour mutualiser les coûts fixes.

Cette année, pour préparer une ouverture des stations en respectant les contraintes sanitaires, le département avait déjà prévu un nouveau système de billetterie "mains libres" (avec rechargement en ligne, zéro attente en caisse). Sans compter les près de cinq millions d'euros d'investissements pour installer une cinquantaine d'enneigeurs en cas de manque de neige.

"L'annonce de la fermeture des remontées mécaniques à Noël par le Premier ministre a été la douche froide. Cela représente un manque à gagner d'un million d'euros pour Haute-Garonne Montagne (sachant que sur la saison 2019/2020, seulement 1,2 million d'euros de chiffre d'affaires a été généré). Il va falloir frapper à la porte du département pour voir s'il est possible de rééquilibrer son budget de fonctionnement", se désole Maryse Vezat Baronia.

On s'oriente donc vers un nouveau renflouement par la puissance publique des stations de Haute-Garonne.

Altiservice et N'Py également en difficulté

Ces dernières ne sont pas les seules en lutte pour leur survie. "Toutes les stations, petites ou grandes, sont fragilisées à court-terme et la crise grève les capacités d'investissements futures", constate de son côté le PDG d'Altiserivce Yves Rougier. L'opérateur gère trois stations dans les Pyrénées (Font-Romeu, Saint-Lary et Cambre d'aze) qui génèrent 1,1 million de journées-ski et 30 millions d'euros de chiffre d'affaires par an.

"L'avant-saison, c'est 10% de notre chiffre d'affaires, Noël pèse plus de 25%. Entre le confinement actuel et la fermeture des remontées mécaniques pendant les vacances, près de 40% de notre CA peut disparaître ! Nous avions déjà perdu deux millions d'euros avec la saison écourtée à la mi-mars. Là, nous pourrions seulement atteindre 20 millions d'euros sur l'année au lieu de 30 millions d'euros", pointe le dirigeant.

Avant de rappeler que même si l'activité est à l'arrêt depuis le confinement, les stations de ski sont tenues quand même de réaliser chaque année des investissements en termes de sécurité. "C'est environ deux millions d'euros chaque année. Sans parler des investissements pour moderniser les remontées mécaniques", glisse-t-il.

Du côté de N'Py, le plus grand réseau des Pyrénées avec sept domaines skiables (PeyragudesPiau-Engaly, le Grand TourmaletLuz-ArdidenGouretteLa Pierre Saint-Martin et Cauterets) qui génèrent deux millions de forfaits ski et 50 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel, la situation est aussi critique. Son directeur opérationnel Guillaume Roger table sur une perte de 25% de ses recettes en cas de réouverture seulement à la mi-janvier.

10 000 emplois liés au ski dans les Pyrénées

Au-delà des conséquences pour les stations, c'est toute l'économie des Pyrénées qui souffre.

"Le ski, c'est au moins 10.000 emplois dans les Pyrénées et la principale source de revenus en montagne. Altiservice emploie un peu moins d'une centaine de personnes en permanence et 400 saisonniers. Beaucoup d'agriculteurs sont restés dans les vallées car l'hiver ils travaillent dans les stations. Cela risque d'être terrible en termes de bilan économique. Et pas que pour les stations puisque un euro dépensé dans les remontées mécaniques génère six à sept euros pour les activités connexes que ce soit l'hôtellerie, la restauration ou la location de skis. Les proportions sont équivalentes en termes d'emplois", décrit Yves Rougier.

Maryse Vezat Baronia renchérit : "Sur le bassin d'emploi couvert par les trois stations de Haute-Garonne, un quart des emplois sont liés à l'activité de ski. Parmi les saisonniers figurent des agriculteurs qui sont double actifs. Le travail saisonnier permet le maintien de l'élevage en montagne. À côté de ça, certains restaurateurs et hôteliers ne sont absolument pas sûrs de rouvrir, ils sont en train de couler. Ils ne se relèveront pas de deux saisons ratées".

L'inquiétude des professionnels du ski est d'autant plus forte que de l'autre côté de la frontière, les sommets espagnols et andorrans seront eux accessibles dès début décembre. "Nous ne comprenons pas pourquoi à quelques kilomètres de nos stations, par exemple juste en face de Font-Romeu, les stations seront ouvertes", tacle le PDG d'Altiservice. Le dirigeant rit jaune quand on lui annonce que le Premier ministre a décidé d'ouvrir les stations de ski à Noël mais pas les remontées mécaniques. "Notre seule rémunération, ce sont les forfaits. Dans cette configuration, nous aurons toujours zéro revenu, cela ne change strictement rien pour nous."

Chez N'Py, Guillaume Roger constate malgré tout "que les familles ayant déjà réservé un hébergement ou les propriétaires de chalets viendront quand même dans les stations". L'opérateur compte faire la promotion d'activités alternatives au ski alpin : ski de randonnée, balades en raquettes, marche nordique, sorties en chien de traineau, etc. "Même si cela reste minime en termes de revenus, nous devons fidéliser la clientèle". estime le directeur.

Les négociations entre le gouvernement et les acteurs de la montagne devraient reprendre dès le début du mois de décembre. Les professionnels du ski veulent obtenir dès à présent une date d'ouverture des domaines skiables en janvier.

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Commentaires 3
à écrit le 03/12/2020 à 17:28
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Les stations de ski de moyenne montagne sont condamnées et les stations d'altitude, mal exposées le seront aussi à moyen terme. Au 3 Décembre de cette année, où y a t'il de la neige skiable en France ? En dessous de 2 500/ 3 000 m selon les secteur...

à écrit le 28/11/2020 à 11:39
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Les indépendants exsangues sont aujourd'hui la proie d'investisseurs opportunistes. Les stations de ski seront bientôt cotés en bourse.

le 03/12/2020 à 17:31
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@Pafo Le modèle économique des stations de ski est obsolète. La neige ne doit plus être le seul attrait, il leur faut évoluer.Reste à trouver vers quoi.

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