Industrie : Jinjiang SAM vit-elle ses dernières heures ?

Depuis deux ans, cette société aveyronnaise, spécialisée dans la fabrication de composants pour l'industrie automobile, enchaîne les déconvenues. Placée en redressement judiciaire en décembre dernier, elle attend désormais qu’un repreneur se manifeste. En attendant, tous les acteurs impliqués dans le dossier gardent le silence. Signe d'un mauvais présage ?
L'entreprise aveyronnaise Jinjiang SAM connaît des difficultés dans sa quête d'un repreneur.
L'entreprise aveyronnaise Jinjiang SAM connaît des difficultés dans sa quête d'un repreneur. (Crédits : DR)

Depuis plusieurs mois, l'incertitude règne pour les 380 salariés de Jinjiang SAM (société aveyronnaise de métallurgie). L'entreprise, qui fabrique notamment des carters en aluminium pour des boîtes de vitesse, a été placée en redressement judiciaire en décembre 2019 par le tribunal de Commerce de Toulouse. Depuis, plusieurs réunions en présence d'élus, de salariés, d'administrateurs judiciaires ont eu lieu pour tenter de sauver Jinjiang Sam. La dernière en date, qui s'est tenue à la Maison de la Région à Rodez le 12 février, marque l'énième épisode d'une longue série de déboires.

Il y a deux ans, l'entreprise qui s'appelait encore SAM Technologies, alors propriété du groupe français Arche, était déjà en proie à des difficultés. Placée en redressement judiciaire, elle est vendue en décembre 2017 au groupe chinois Jinjiang. Géant de l'aluminium, numéro 3 de son secteur en Chine, Jinjiang promettait alors un beau plan de relance. 18,5 millions d'euros devaient être investis pour moderniser l'outil de production. Mais les réjouissances ne durent pas.

Les investissements promis se font attendre, l'outil de production n'est pas entretenu, la recherche d'autres clients que l'entreprise Renault, seul donneur d'ordre de Jinjiang Sam n'est pas concrète. Dans le même temps, des efforts importants sont demandés aux salariés. Les dirigeants chinois veulent réorganiser le temps de travail dans l'usine, des jours de chômage partiel sont mis en place puis un plan social est évoqué.

En septembre 2019, sur les 420 salariés que compte à l'époque Jinjiang SAM, 250 emplois sont menacés. Une grève générale est alors lancée. Le 26 septembre, une table ronde réunissant salariés, dirigeants, l'entreprise Renault et des élus dont le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, se tient à Rodez. Le ministre, venu évoquer l'avenir de Jinjiang SAM et l'épineux dossier du site Bosch de Rodez, annonce alors une sortie de crise. Un projet industriel ambitieux entre Renault et la direction de Jinjiang SAM doit être mis en route. Il s'agirait de fabriquer des pièces adaptées à un plan de transition énergétique dans l'automobile. Mais si le plan social voulu par les dirigeants chinois est dès lors abandonné, le répit est de courte durée.

Lire aussi : Bosch Rodez : non plus 300 mais 515 emplois menacés

Les dirigeants chinois écartés par le tribunal de Commerce


Un peu plus de deux mois après la venue de Bruno Le Maire et ses annonces optimistes, l'entreprise est placée en redressement judiciaire. Un acte qui provoque un rejet des salariés à l'égard du groupe Jinjiang aux manettes. Tous les regards se tournent vers les dirigeants chinois, jugés incompétents et fortement mis en cause pour ne pas avoir respecté le plan d'investissement initialement prévu.

"Avec Stéphane Bérard, conseiller régional, nous suivons de près l'évolution de l'activité et des conditions sociales au sein de la SAM, notamment avec les maires de Viviez et de Decazeville, et Jean-Louis Chauzy, président du CESER Occitanie. Cette décision vient malheureusement confirmer nos craintes : le repreneur n'a pas tenu ses engagements", déclare le jour même de l'annonce de la mise en redressement judiciaire, Carole Delga, présidente de la Région Occitanie.

Un mois plus tard, le redressement judiciaire franchit une nouvelle étape passant du niveau 2 (co-gestion entre les administrateurs judiciaires et les dirigeants) au niveau 3, qui signifie que les dirigeants sont désormais écartés de la direction. Un niveau qui se traduit également par la recherche d'un nouveau repreneur.

"Nous voulions trouver des repreneurs pour maintenir et développer l'entreprise. Quand les Chinois sont arrivés, ils ont été vus comme des sauveurs mais si ces dirigeants avaient investi comme cela était prévu, nous n'en serions pas là aujourd'hui", estime Jean-Louis Denoit, maire de Viviez, très remonté.

L'avenir de Jinjiang SAM, l'élu s'en préoccupe tout particulièrement. La société est en effet étroitement liée à la zone où elle est implantée. Premier employeur du bassin de Decazeville, l'entreprise est basée depuis plus de 40 ans à Viviez. Pour les élus locaux, l'enjeu est donc de taille.

"Il est urgent de trouver un repreneur sérieux et solide, porteur d'un projet industriel d'avenir pour le site et ses salariés. C'est pourquoi j'ai demandé à la préfète de l'Aveyron, l'organisation d'une table ronde, réunissant les services de l'État et les élus locaux, en présence des services de la Région Occitanie, des administrateurs judiciaires, du directeur de transition, des représentants des salariés ainsi que du principal client, Renault. Nous devons tous contribuer activement à la recherche d'un repreneur", prévient alors l'ancienne ministre Carole Delga.


Un repreneur introuvable ?

Le 12 février dernier, une nouvelle table ronde est organisée à la Maison de la Région de Rodez. Des élus locaux, le délégué interministériel adjoint aux restructurations d'entreprises, Rémi Lataste, des administrateurs judiciaires, le manager assurant l'intérim après le départ des dirigeants chinois, mais aussi le principal client de la société (Renault) et des salariés, sont présents. Si la Région rappelle dans un communiqué son soutien aux salariés et son engagement dans le dossier, le flou demeure.

Pour l'heure, quand on évoque la question du repreneur, le silence est la seule réponse pour la plupart des acteurs du dossier. Ni la Région, ni l'entreprise n'ont souhaité répondre à nos questions, pas plus que les délégués syndicaux CGT. Et du côté du seul donneur d'ordre de Jinjiang Sam, la précaution est de mise. Si Renault affirme à La Tribune "rester en lien avec l'entreprise et les administrateurs judiciaires", il ne se prononce pas sur un éventuel maintien de sa collaboration avec son sous-traitant.

"Renault confirme qu'il s'est engagé à financer la période d'observation sous l'égide d'administrateurs judiciaires dans l'attente d'un repreneur", déclare sans plus de détails le groupe.

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