Ski : « un risque de décrochage pour les stations d'Occitanie », alerte la chambre régionale des comptes

Concurrence des stations voisines en Espagne et en Andorre, multiplication des passoires thermiques dans l'offre d'hébergement, vieillissement de la population des skieurs... Le modèle économique des stations de ski des Pyrénées « s'essouffle », d'après la chambre régionale des comptes d'Occitanie. L'institution relève « un déni » et « un manque d'ambition » des gestionnaires face à l'urgence climatique et appelle à davantage de mutualisation pour offrir des alternatives au ski.
(Crédits : N'PY)

C'est un pavé dans la mare que vient jeter la chambre régionale des comptes en Occitanie. Après la publication début février d'un rapport national déjà cinglant portant sur une quarantaine de stations des différents massifs français, l'institution a publié ce mardi 13 mars un focus régional tout aussi sévère.

« Le modèle économique des stations de ski des Pyrénées s'essouffle », alerte Valérie Renet, présidente de la chambre régionale des comptes d'Occitanie.

Dans son rapport, l'institution relève que les générations de baby-boomers arrêtent progressivement la pratique du ski et, en parallèle, les dispositifs d'incitation et de découverte en direction des jeunes se sont amenuisés. Les stations des Pyrénées, qui représentent 10% de l'activité ski en France, « sont majoritairement petites et dotées d'équipements vieillissants, et sont confrontées à une concurrence commerciale de plus en plus vive » des destinations voisines en Espagne et en Andorre.

Lire aussiSki : l'Andorre met le paquet pour attirer les Français dans « ses » Pyrénées

Elles sont aussi généralement situées à des altitudes qui les rendent plus vulnérables face aux conséquences du changement climatique sur la fiabilité de l'enneigement. Ainsi, d'après une étude publiée l'été dernier dans la revue Nature93% des stations des Alpes et 98% des stations des Pyrénées sont menacées de fermeture faute de neige à l'horizon 2100 si le réchauffement climatique dépasse trois degrés. Dans les Pyrénées, l'altitude de fiabilité de l'enneigement sans neige de culture passerait de 2.000 mètres actuellement à 2.300 mètres en 2050. Pour les stations qui produisent de la neige, cette altitude va augmenter de 1.300 à 1.800 mètres en 2050.

« De plus, le parc immobilier présente des signes de dégradation et s'avère de plus en plus inadapté aux attentes actuelles des clientèles ainsi qu'aux normes d'isolation », relève le rapport.

Valérie Renet ajoute que « la moitié des logements dans les stations de ski sont classés en catégories F ou G, ce que l'on appelle des passoires thermiques ». Autant d'éléments qui laissent poindre « un risque de décrochage des stations de ski des Pyrénées occitanes ».

Lire aussiManque de neige : pourquoi (et comment) la station de Font-Romeu Pyrénées 2000 échappe à la morosité ambiante

L'outil Climsnow décrié par le rapport

La chambre régionale des comptes relève « un déni » et « un manque d'ambition » des gestionnaires face à l'urgence climatique. Elle cite notamment l'exemple de la station de Font-Romeu Pyrénées 2000 qui projette une stabilité de la fréquentation à 25 ans. C'est une projection « totalement anachronique », dénonce Hervé Bournoville, président de la troisième section de la CRC Occitanie.

Font-Romeu, comme plus de 180 stations de ski en France, s'appuie sur l'outil Climsnow pour adapter ses projections. Cet outil alimenté par Météo-France, l'Inrae et le cabinet Dianeige, s'appuie sur les données climatiques, la longueur et la largeur des pistes, leur exposition par rapport à l'ensoleillement mais aussi sur les équipements de production de neige de culture ou encore les retenues d'eau collinaires présentes sur chaque domaine pour livrer une projection personnalisée.

« C'est une étude commerciale puisque les stations payent le prestataire pour obtenir un diagnostic. Ensuite, cet outil est centré sur les pistes et l'opportunité de positionner des canons à neige à un endroit plutôt qu'un autre mais il n'y a pas d'élément prospectif à 50 ans », regrette Nicolas Parneix, premier conseiller de la CRC Occitanie.

Lire aussiCOP28 : pour les stations de ski pyrénéennes, « l'impératif climatique entre dans les esprits »

Les retombées économiques en question

La chambre régionale des comptes s'attaque à un autre totem de l'économie du ski, le consensus établi depuis des années qu'un euro investi dans le ski génère six euros de retombées économiques sur le territoire. Hervé Bournoville indique ainsi que « l'impact économique du ski est réel seulement ce ratio d'un euro dépensé dans les forfaits de ski générant six euros pour l'économie locale nous paraît reposer sur une méthodologie contestable ».

« Ce ratio est obtenu en prenant le chiffre d'affaires réalisé par les stations avec les remontées mécaniques, soit 100 millions d'euros à peu près, et les revenus générés par l'ensemble des professionnels travaillant à proximité des stations à l'instar des hôtels, des restaurants, des loueurs de ski. Mais on ne connaît pas l'activité générée par ces professionnels l'été alors même que 62% des touristes viennent en montagne pyrénéenne durant cette saison estivale », complète Nicolas Parneix.

Lire aussiLa station de ski Font-Romeu Pyrénées 2000 poursuit une politique d'investissement ambitieuse

« Saupoudrage » de l'action régionale

Le rapport dénonce également « un saupoudrage » du soutien apporté par la Région Occitanie aux activités de montagne.

« La collectivité a apporté, entre 2018 et 2022, un financement de près de 44 millions d'euros, soit 10 millions par an, dont les trois-quarts pour des subventions aux stations et le restant en participation au capital », calcule Valérie Renet.

Comme dans le reste de la France, le massif pyrénéen dispose d'une série d'acteurs entre l'Agence des Pyrénées, structure interrégionale fondée en 2021 pour développement, à la valorisation et à la préservation du massif des Pyrénées qui a bénéficié de 800.000 euros, la foncière des Pyrénées (un million d'euros), une participation dans la SEM Compagnie des Pyrénées (également plus d'un million d'euros). La chambre régionale des comptes compare cette situation à celle de nos voisins espagnols où « un mouvement fédératif permet une interconnexion des actions ». L'institution cite par exemple du massif italien des Dolomites.

« Une trentaine de domaines skiables se sont unis. Certaines stations vont se spécialiser sur le VTT de montagne avec des pistes extrêmement étendues du fait de la mutualisation. Ces domaines arrivent à dégager un chiffre d'affaires qui est beaucoup plus important que les 5% aujourd'hui générés dans les Pyrénées par les activités de diversification », soulève Hervé Bournoville.

Concernant le déploiement d'une stratégie « quatre saisons », le gendarme des comptes publics fustige les stratégies individuelles de chaque station, qui parfois se concurrencent entre elles.

« Il faut éviter que deux communes voisines proposent chacune une activité luge l'été », conclut le président de la troisième section de la CRC Occitanie.

Lire aussiSki : malgré le manque de neige, les stations des Pyrénées affichent des taux de réservation « rassurants »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 14/03/2024 à 8:45
Signaler
Pour être allé 1 fois dans les Pyrénées, histoire de changer des Alpes, nous avons été déçu : une gigantesque étendue blanche, pas un seul arbre ou petite forêt à l'horizon pour que Madame puisse faire un petit pipi à l'abri des regards. Nous n'y ret...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.