Spatial : le Slovaque 3IPK s'installe à Toulouse pour lutter contre le deepfake d'images satellite

Face à la crainte d'une prolifération de fausses images satellite créées par de l'intelligence artificielle, une société slovaque qui vient de s'installer à Toulouse mise sur la blockchain pour créer une empreinte numérique inviolable de ces clichés. La technologie a déjà tapé dans l'œil de Thales Alenia Space et de l'Agence spatiale européenne.
Une fausse image satellite montrant le blackout d'électricité en Ukraine depuis le ciel avait largement circulé fin 2022 sur les réseaux sociaux.
Une fausse image satellite montrant le blackout d'électricité en Ukraine depuis le ciel avait largement circulé fin 2022 sur les réseaux sociaux. (Crédits : Twitter)

L'Ukraine plongée dans le noir suite à un bombardement russe. Fin novembre 2022, une image satellite montrant un blackout total d'électricité dans le pays avait largement circulé sur les réseaux sociaux. Sauf que cette image est fausse. Le noir total affiché en Ukraine avait été réalisé en ajoutant un filtre noir sur un ancien cliché satellite datant de 2012. Même si six millions d'Ukrainiens étaient privés d'électricité en raison de la guerre, il restait encore quelques villes alimentées en courant comme le montraient au même moment des images de la Nasa.

ukraine

La crainte d'une prolifération de « deepfakes géographiques »

La prolifération de fausses images satellite pourrait bientôt connaître un coup d'accélérateur avec l'essor de l'intelligence artificielle avec des craintes sur le développement de « deepfakes géographiques ». Alors que les images satellite sont utilisées comme des éléments de preuve en cas par exemple de poursuites judiciaires, des chercheurs sont parvenus récemment à créer à l'aide d'algorithmes des deepfakes d'images satellite d'une ville américaine. Impossible à l'œil nu de détecter la supercherie.

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Les deux vignettes du bas montrent de fausses images satellite composées par une intelligence artificielle à partir de la carte de Tacoma et des images satellites de Seattle (c) et Pékin (d).

Une empreinte numérique inviolable

Face à ce fléau, la société slovaque 3IPK, qui vient cet été de poser ses valises au sein du nouvel accélérateur de Thales Alenia Space à Toulouse, mise sur la blockchain pour authentifier des images d'observation de la Terre.

« Nous créons une empreinte numérique des fichiers sur le serveur de leur propriétaire que nous stockons dans la blockchain sous la forme d'une longue combinaison de chiffres et de lettres créée via une fonction cryptographique. Différent du stockage centralisé des données, ce principe est inviolable. Lorsqu'un utilisateur téléchargera une image satellite, il pourra être certain que cette image a été prise par tel satellite et visualiser les modifications réalisées sur le cliché ou à l'inverse repérer que l'image n'est pas conforme aux données fournies par le satellite », explique Juraj Zamecnik, cofondateur de 3IPK.

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La startup estime que sa technologie pourrait trouver des débouchés intéressants face notamment à la montée des crispations autour des enjeux climatiques.

« Beaucoup de données satellitaires sont utilisées pour étayer que telle société procède à une déforestation illégale, émet plus de CO2 qu'une autre ou pour prouver de la pêche illégale. Si l'entreprise risque une lourde amende, la tentation est grande d'essayer de modifier les images satellite qui servent souvent de preuves devant la justice. De la même manière, dans une situation de sécurité tendue, il existe un risque de rayer de la carte des chars d'assaut ou de trafiquer les métadonnées d'une image satellite pour contester des atrocités commises », ajoute le dirigeant.

Une levée de près de huit millions d'euros attendue

La technologie développée par 3IPK a retenu l'attention de Thales Alenia Space. En juin dernier, la startup a remporté avec le géant du spatial un contrat de l'Agence spatiale européenne en coopération portant sur la traçabilité et l'authenticité des données d'observation satellitaires d'observation. Une première démonstration à partir de données réelles sera réalisée au premier semestre de l'année prochaine avec l'ambition d'un lancement commercial fin 2024. 3IPK estime que son innovation pourrait intéresser plus largement le groupe Thales pour sécuriser par exemple l'échange de données sensibles. La solution cible également les acteurs du NewSpace capitalisant sur les images d'observation de la Terre et soucieux de prouver la sécurisation des données utilisées dans leurs services.

En parallèle, 3IPK a déjà commercialisé une solution utilisant la blockchain pour créer des empreintes numériques de fichiers utilisés au sein de supply chain industrielles. « Les documents transitent au sein des différentes sociétés de la chaîne d'approvisionnement. Au final, il est difficile d'en garantir l'authenticité et de démontrer qu'on regarde exactement les mêmes données dans un fichier Excel capté pendant les essais de qualification quelques mois auparavant. Aujourd'hui, beaucoup d'argent et de salariés sont mobilisés pour garantir cette traçabilité des données », pointe Juraj Zamecnik, ingénieur slovaque passé par Airbus Commercial Aircraft et Airbus Defence and Space. La solution est utilisée depuis 2021 par Thales Alenia Space et une démonstration va débuter prochainement au sein d'Airbus Commercial Aircraft. La technologie pourrait par ailleurs être déclinée dans pour authentifier les communications entre les contrôleurs aériens et les pilotes.

Basée à Bratislava en Slovaquie, la société employant une vingtaine de salariés a dépêché depuis cet été quatre collaborateurs au sein du nouvel accélérateur de Thales Alenia Space. La startup passée par le programme Spacefounders compte rapidement monter en puissance avec une demi-douzaine de recrutements prévus d'ici la fin de l'année. 3IPK escompte aussi boucler d'ici fin 2023 une levée de fonds de 7 à 8 millions d'euros pour accélérer son développement.

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