Aéronautique : les causes du crash de l'avion d'Aura Aero dévoilées

Près d'un an après le crash de l'avion de voltige Intégral R d'Aura Aero qui avait causé la mort des deux pilotes à son bord, le Bureau d'enquête accident pour la sécurité de l'aéronautique d'État (BEA-É) vient de rendre son rapport d'enquête. L'accident est dû à la fois à des causes techniques mais aussi à des facteurs organisationnels et humains. L'autorité a émis une série de recommandations à destination du constructeur aéronautique toulousain qui porte par ailleurs un projet d'avion régional électrique de 19 places.
L'avion de voltige Intégral R s'est crashé le 12 avril 2022 causant la mort des deux pilotes à son bord.
L'avion de voltige Intégral R s'est crashé le 12 avril 2022 causant la mort des deux pilotes à son bord. (Crédits : Aura Aero)

L'accident avait marqué les esprits. Le 12 avril 2022, l'Intégral R, l'avion de voltige biplace conçu par Aura Aero et en cours de certification, effectue son 146e vol d'essais à proximité de l'aérodrome de Saint-Girons Antichan dans l'Ariège d'où il est surveillé visuellement par un ingénieur d'essais au sol. L'appareil décolle vers 10h50. En rejoignant sa zone d'évolution située à moins de 5 km de son point de départ, il monte jusqu'à une hauteur d'environ 8 .000 pieds. Le pilote réalise une série de virages serrés. À l'issue de l'un de ces virages, l'avion pique brusquement vers le sol et s'écrase moins de vingt minutes après son décollage. Les pilotes sont décédés et l'avion est détruit.

Près d'un an après le crash, le Bureau d'enquête accident pour la sécurité de l'aéronautique d'État (BEA-É) vient de rendre son rapport d'enquête. Il révèle les circonstances et surtout les causes pouvant expliquer l'accident.

Flottement symétrique et déclenchement tardif du parachute

Lors du dernier virage, au bout de six secondes, alors qu'il franchit une altitude de 7.000 pieds en descente à 330 km/h, « la palette droite est arrachée et l'appareil subit probablement une entrée en flottement symétrique au niveau des ailerons ». « Ce phénomène entraîne la déformation du renvoi de gauchissement et le braquage de l'aileron droit vers le haut. L'avion part alors soudainement en roulis à droite. Sous l'effet du basculement du manche pilote à droite, le roulis s'accélère et l'aileron vient impacter ses charnières. Soumis à des efforts anormalement élevés en raison de la combinaison de ces phénomènes, le longeronnet se brise... L'aileron droit, momentanément relié à sa biellette de commande, se brise également. Devenu incontrôlable, l'appareil pique en auto-tonneau à droite », retrace le rapport.

Avant de poursuivre : « Durant les 16 premières secondes de la chute, l'un des pilotes tente de maîtriser la trajectoire en réduisant les gaz et en contrant au manche et au palonnier. Mais la déformation du renvoi droit limite fortement le débattement latéral du manche à gauche. Alors que l'appareil franchit 1 .000 pieds sol en piqué à 420 km/h, un membre d'équipage déclenche tardivement le parachute. Son déploiement provoque la destruction de l'arrière de l'appareil et, sous l'effet des accélérations négatives excessives, l'éjection du copilote. Le reste de l'appareil s'écrase à la verticale 4 secondes plus tard à 130 km/h alors que sa vitesse était en forte diminution sous l'effet du parachute ».

Des causes à la fois techniques, organisationnelles et humaines

Le BEA-É conclut à des causes à la fois techniques et des facteurs organisationnels et humains. Sur le plan technique, le rapport d'enquête pointe « une entrée en flottement symétrique d'ailerons qu'il est possible d'expliquer par une raideur de la timonerie inférieure aux prévisions ... et la perte de la palette droite qui a pu contribuer à réduire les marges de stabilité aéroélastique ».

Du côté des facteurs humains, le rapport estime que le retard dans la prise de décision d'actionner le parachute pourrait s'expliquer par : « une procédure d'utilisation des moyens de survie qui ne couvre pas toutes les situations, un altimètre principal en mètres alors que les consignes d'urgence sont en pieds, une manette de déclenchement du GRS (le parachute, ndlr) difficilement atteignable sous facteur de charge évolutif, une altération ou une perte de conscience d'un ou plusieurs membre(s) d'équipage, une incapacité médicale du commandant de bord, une désorientation spatiale du pilote, la persévération des pilotes ou de l'un des pilotes à vouloir reprendre le contrôle de la trajectoire et à préserver l'appareil ».

L'examen médical post-mortem du commandant de bord a mis en évidence une pathologie coronaire non détectée auparavant alors que le pilote faisait pourtant l'objet d'examens cardiaques réguliers en étant membre de l'équipe de France de voltige. De même, « le niveau d'expertise très élevé de l'équipage en matière de voltige a pu contribuer à donner l'illusion d'une situation récupérable, incitant l'un des pilotes à insister dans ses tentatives de reprise de contrôle ».

À noter que l'Intégral R est l'unique exemplaire de la gamme produit par Aura Aero. C'est sur ce prototype que repose tout le programme d'essais et de certification, pour lequel l'équipage s'est fortement impliqué, et qui touche à sa fin. « L'unicité de l'appareil, l'énergie nécessaire à sa conception et l'implication de l'équipage dans son développement ont pu l'inciter à retarder l'application des mesures d'urgence afin de préserver l'Intégral R », fait remarquer le rapport. Ce retard a induit un déploiement tardif du parachute et la rupture des points d'attache du harnais copilote en raison d'une forte décélération.

Une série de recommandations

Au vu de ces conclusions, le BEA-É émet une série de recommandations. Les enquêteurs demandent à Aura Aero de « corriger la raideur de la timonerie de gauchissement, de revoir la fixation des palettes aérodynamiques et les attaches des harnais de l'Intégral R ». Les autorités suggèrent aussi de revoir l'emplacement de la manette de déclenchement du parachute de l'avion pour qu'elle soit plus facilement accessible dans ce type de cas de figure. Enfin, le BEA-É recommande à la société de « renforcer son processus d'analyse des faits techniques à des fins d'amélioration de la sécurité aérienne » et « de revoir les procédures d'urgence et les consignes d'utilisation des moyens de survie relatives aux vols d'essais ».

Par ailleurs, le BEA-É recommande à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA)« d'étudier, pour les avions de voltige la définition d'une méthode de conformité garantissant la prise en compte de la variation de la raideur des commandes de vol dans l'analyse prédictive du flottement pour l'ensemble du domaine de vol ».

Reprise des vols d'essais dans les prochaines semaines

« Nos propres investigations nous avaient aussi conduits aux mêmes conclusions d'ores et déjà prises en compte dans le développement et la production des appareils Intégral R, Intégral S et Intégral E. La reprise des vols d'essai interviendra dans les toutes prochaines semaines, lorsque l'AESA et la DGAC nous délivreront le «permit to fly». Pour Aura Aero, la sécurité de ses personnels, de ses avions et des équipages qui les utilisent reste une absolue priorité », a réagi dans un communiqué la société après la publication du rapport.

Reste à savoir si l'accident aura des conséquences à long-terme sur le développement d'Aura Aero. Au-delà des avions de voltige, la jeune société porte un ambitieux projet d'avion régional électrique de 19 places pour lequel le constructeur aéronautique toulousain vient d'obtenir le feu vert pour bâtir une usine de 40.000 m2 à l'aéroport Toulouse-Francazal. L'entreprise cherche toujours à boucler une levée de 50 millions d'euros pour poursuivre son développement.

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