Pierre Baud se souvient comme si c'était hier de ce matin du 28 octobre 1972. Il est 10h39 lorsque l'A300, premier modèle de la famille Airbus, s'envole dans le ciel toulousain. « J'ai vu ce premier vol depuis la terrasse de l'Aérospatiale. Il y avait beaucoup de monde sur les toits », se souvient-il. À l'époque, Pierre Baud vient d'être embauché à Airbus comme pilote d'essais : « Mon contrat avait commencé le 1er octobre, j'étais tout neuf». En 1987, ce sera lui qui sera dans le cockpit pour le premier vol de l'A320. L'ancien pilote est venu témoigner depuis le musée Aeroscopia sur les débuts de la saga industrielle d'Airbus.
L'A300B est exposé au musée Aeroscopia à Toulouse (Crédits : Florine Galéron).
De son côté, Philippe Jarry vient d'arriver aux États-Unis pour finir ses études au moment de ce premier vol : « C'est un an après, en 1973, lorsque le prototype vient faire une tournée de promotion dans les Amériques que j'ai obtenu par l'ambassade de France une place pour monter à bord d'un des vols de démonstration. Nous avons fait Washington-Charleston et j'ai passé l'essentiel du vol à quatre pattes dans le cockpit planqué derrière les pilotes. C'est un souvenir inoubliable.»
Des débuts commerciaux difficiles
Philippe Jarry sera ensuite chargé de vendre cet avion, un défi très corsé à l'époque :
« C'était très difficile parce que nous faisions face à des constructeurs américains établis comme Boeing, Douglas et Lockheed et nous nous commencions avec presque rien. Il fallait convaincre et ce n'était pas facile du tout. »
Un avion dont les ventes ont du mal à décoller en particulier à cause du design atypique de l'avion. Il s'agit du premier appareil à fuselage large au monde à ne posséder que deux moteurs. « Ça n'existait pas. Les Américains n'y ont pas cru, tout le monde ricanait », se remémore-t-il. Pierre Baud complète : « Les compagnies aériennes étaient un peu réticentes. Elles considéraient qu'avec autant de passagers à bord il fallait au moins trois moteurs. Il a fallu faire en sorte que la mentalité des compagnies aériennes change.»
Le tournant impulsé par Franck Borman
Un homme s'avère décisif dans la destinée du programme A300. Il s'agit de Frank Borman.
« Il avait été pilote d'essais dans l'armée américaine mais aussi l'un des spationautes de la mission Apollo 8 avant de devenir le patron de la compagnie aérienne Eastern Airlines. C'était quelqu'un de respecté dans le monde entier, rappelle Pierre Baud. Airbus a proposé de prêter quatre avions pendant six mois.
Franck Borman s'est rendu compte qu'un avion avec deux moteurs coûtait moins cher, consommait moins de pétrole et permettait de réduire les coûts de maintenance. Au bout de six mois, il a opté pour trois avions supplémentaires.»
Le point de départ d'une moisson de commandes
Les ventes commencent alors à décoller même si dans les rangs d'Airbus, personne ne peut imaginer l'envolée des commandes à venir.
« Je me souviens quand j'étais patron du marketing en 1994, nous produisions sept avions par mois et les partenaires me demandaient de réduire la cadence en pensant que nous étions déjà arrivé au pic des commandes », fait remarquer Philippe Jarry.
Au final, Airbus vendra 261 appareils A300 et 255 A310. En cinquante ans, plus de 12.000 avions et encore aujourd'hui plus de 250 avions A300 et A310 sont toujours en activité. « Toulouse ressemblerait pas à ce qu'elle est aujourd'hui s'il n'avait pas eu l'A300 », conclut Philippe Jarry.
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