LA TRIBUNE - La crise énergétique bouscule toute la filière. Quel est son impact sur l'activité d'un fournisseur alternatif comme Ilek ?
RÉMY COMPANYO - Nous sommes face à une augmentation forte des coûts de l'énergie. Côté gaz, le conflit russo-ukrainien crée des difficultés d'approvisionnement avec le risque d'une pénurie pour cet hiver. Côté électricité, le producteur numéro un en France a une production inférieure aux prévisions, cela génère une inquiétude sur les marchés. Le prix de l'électricité est monté très haut fin août jusqu'à 1.000 euros le MWh avant de connaître depuis une chute significative.
Ilek a eu une stratégie de couverture en signant des contrats à long-terme, sur un à trois ans en moyenne, avec les producteurs d'électricité. Cela explique que nous soyons moins impactés que d'autres acteurs qui ont opté pour une stratégie différente. Pour autant, nous sommes tous concernés par cette augmentation des prix. En cas de renouvellement d'un contrat ou de l'arrivée d'un nouveau producteur, nous sommes amenés à devoir acheter cette énergie à ce nouveau prix élevé.
La mise en place du bouclier tarifaire par le gouvernement limite pour l'instant l'impact sur vos clients de cette flambée des prix de l'énergie...
Effectivement, l'Etat a mis en place un bouclier tarifaire pour limiter cette hausse des prix de l'énergie pour les clients résidentiels. Il permet une hausse limitée du TRV (tarif réglementé de vente) grâce à l'accès au mécanisme de l'Arenh (accès régulé à l'énergie nucléaire historique), la suppression de taxes et la compensation de l'Etat. Ces trois mécanismes permettent aujourd'hui à l'entreprise Ilek de pouvoir continuer à acheter l'énergie des producteurs d'énergie renouvelable et de limiter l'impact pour le consommateur. Dans les prochains mois, les offres d'Ilek indexées au TRV (tarif réglementé de vente) suivront les hausses de tarifs proposées par le gouvernement (jusqu'à +15% de hausse est prévue sur l'électricité en février 2023, ndlr).
Ilek a été fondé avec la promesse d'une énergie 100% renouvelable. Depuis cette année, vous achetez aussi de l'énergie issue des centrales nucléaires. Est-ce une déception ? Et pensez-vous revenir vers un modèle 100% renouvelable une fois la crise énergétique passée ?
Notre positionnement est toujours 100 % renouvelable. L'ambition d'Ilek est de mettre à disposition une énergie renouvelable pour tous avec une offre verte qui reste compétitive. Nous ne souhaitons pas que nos clients paient des prix d'énergie exorbitants. Aujourd'hui, nous avons besoin du mécanisme de l'Arenh pour maintenir ce prix compétitif. Si demain les règles changent, nous devrons réévaluer le nouveau contexte. Mais les offres Ilek sont labellisées VertVolt (un label lancé par l'Ademe attribué aux offres garantissant une électricité produite à partir d'énergies renouvelables). Nous respectons un approvisionnement renouvelable, c'est simplement que l'on fait appel à un approvisionnement complémentaire via le mécanisme de l'Arenh.
Certains fournisseurs alternatifs ont stoppé les souscriptions. Est-ce également votre cas et comment a évolué votre volume de clients ces derniers mois ?
Nous avons aujourd'hui 130.000 clients en France dont 100.000 pour l'électricité et 30.000 pour le gaz. Nous avons connu une croissance de clients sur le premier semestre 2022 mais Ilek a fait le choix d'arrêter l'acquisition de nouveaux clients à la fin septembre, toujours dans cette même idée de protéger nos clients avec des prix compétitifs plutôt que de continuer à prendre des clients à des tarifs très chers. Les inscriptions vont redémarrer dès le début 2023. Nous prévoyons une forte activité sur l'année prochaine et nous maintenons notre ambition d'atteindre 500.000 clients en 2025.
Avez-vous dû réduire vos effectifs ou prendre des mesures temporaires face à cette crise énergétique ?
Ilek compte aujourd'hui 164 collaborateurs dont 59 embauchés depuis le début de l'année. La société est en phase de structuration donc nous devons recruter sur beaucoup de fonctions support. Sur le service client, les recrutements de téléconseillers reprendront en début d'année prochaines avec le redémarrage des souscriptions. Il y a eu une réorganisation interne, une quinzaine de personnes ont vu leur mission changer. Au lieu d'aller conquérir de nouveaux clients, les équipes ont été mobilisées sur l'accompagnement des clients sur des enjeux de pédagogie sur les prix et sur la sobriété énergétique. Ces derniers travaillaient sur un projet connexe de l'entreprise qui est d'animer des revendeurs d'offres Ilek. L'activité a été mise en pause par les partenaires mais le projet n'est pas arrêté pour autant.
La crise énergétique vous pousse-t-elle à aller vers de nouvelles activités ?
Nous voulons diversifier notre métier. Historiquement, Ilek était positionné sur un métier de fourniture d'énergies renouvelables. Demain, nous souhaitons devenir un énergéticien qui permettra à un maximum de clients de consommer mieux une énergie verte. Cela passe par la diffusion d'éco gestes, diminuer mon chauffage d'1°C par exemple. Ensuite, nous voulons accompagner le client dans la mise à disposition de données de suivi de consommation en temps réel. Il est possible aujourd'hui de connecter des capteurs complémentaires sur les compteurs Linky pour accentuer le suivi. Enfin, nous voulons accompagner nos clients sur la rénovation de leur logement. Côté production, plusieurs centaines de nos clients ont déjà investi leur épargne sur des projets renouvelables, il faut aller plus loin.
La crise énergétique a engendré un écrémage au niveau des fournisseurs alternatifs. Plusieurs acteurs ont déjà mis la clé sous la porte. Comment voyez-vous l'avenir d'Ilek dans les prochaines années ?
La période a été complexe pour tout le secteur mais Ilek a fait historiquement les bons choix avec une relation client de proximité, avec une stratégie d'approvisionnement à long terme, avec des producteurs qu'on a réussi à maintenir, et un bouclier tarifaire qui permet un impact limité pour nos clients. Aujourd'hui, nous sommes confiants. Nous sortons de cette crise énergétique renforcés et nous allons pouvoir repartir sur un plan de croissance.
Au niveau de la concurrence, le marché s'est résorbé avec l'arrêt de l'activité de certains fournisseurs. La hausse des prix devrait accélérer la prise de conscience des consommateurs sur le changement de nos usages et de la consommation. Les fournisseurs à l'écoute des changements devront alors répondre aux nouvelles attentes des consommateurs plus exigeants.
En Ariège, un gros projet d'usine de géotextile durable à 30 millions d'euros voit le jour
Sujets les + commentés