Lassé par le géant américain, il ferme son Subway et le remplace par Trip & Str’eat

Dix ans après son ouverture, la franchise Subway de l’allée Jean Jaurès de Toulouse a fermé ses portes. Le gérant de ce fast-food a pris cette décision suite à plusieurs désillusions avec le géant américain. Après avoir racheté le fonds de commerce, il a co-fondé avec le gérant du Subway d’Esquirol l’établissement Trip & Str’eat. Un concept de cuisine du monde, principalement alimenté par des produits frais et locaux, à mille lieues des plats servis dans la chaîne de sandwichs.
Sébastien Jarra (à gauche) et Rémy Piotrowska sont les co-fondateurs de l’enseigne Trip & Str’eat, qui remplace désormais le Subway de l’allée Jean Jaurès.
Sébastien Jarra (à gauche) et Rémy Piotrowska sont les co-fondateurs de l’enseigne Trip & Str’eat, qui remplace désormais le Subway de l’allée Jean Jaurès. (Crédits : Melvin Gardet)

"C'était une bonne expérience parce que cela m'a permis de me lancer dans l'entrepreneuriat, et de découvrir les processus et la rigueur nécessaire pour tenir un restaurant comme celui-là. Mais on ne peut rien y faire, et c'est ce qui m'a fait partir", explique Rémy Piotrowska, gérant de l'ancienne franchise Subway de l'allée Jean Jaurès, désormais remplacée par le concept maison Trip & Str'eat.

L'aventure aura duré très exactement dix ans. Ouverte le 5 mai 2012 au numéro 23 de l'allée Jean Jaurès, rue immanquable de Toulouse reliant l'hyper-centre à la gare Matabiau, la franchise Subway de cet entrepreneur d'origine parisienne a baissé le rideau le 5 mai 2022. Economiquement viable, le fast-food n'apportait plus à son gérant la motivation nécessaire pour faire tourner une équipe composée d'une dizaine de collaborateurs.

Le chef d'entreprise, qui est aussi à la tête d'une franchise EVA à Montaudran, s'est associé avec le gérant du Subway de la place de la Trinité (à quelques pas de la station de métro Esquirol) pour imaginer puis ouvrir son nouvel établissement. Un commerce pour lequel ils n'ont de comptes à rendre à personne.

"Subway, j'en avais vraiment marre"

Ils expliquent effectivement que le groupe Subway est "un mastodonte" qui laisse peu de liberté à ses franchisés, alors même qu'environ 70 % des restaurants français de l'enseigne sont des franchises.

"C'est normal qu'ils donnent leur avis, cela va avec la franchise. Mais sans vouloir dénigrer Subway, dès 2014, nous avons senti l'air du temps. Nous avions des idées pour proposer une autre cuisine, apporter de la nouveauté. Mais ce n'était pas possible. Ce sont des choses qui sont arrivées cinq ou six ans plus tard. Tout prend beaucoup de temps", raconte Rémy Piotrowska.

Selon le directeur du Subway d'Esquirol, cette lenteur s'explique par le désintérêt que le groupe international portait au marché français pendant un temps. Il faut dire que les sandwichs à composer soi-même peinent à faire de l'ombre au leader du secteur en France, avec environ 400 points de vente contre quelques 1.500 pour McDonald's. La situation est comparable dans l'agglomération toulousaine, avec neuf restaurants Subway contre 20 McDos.

"Tout est assez centralisé aux Etats-Unis. Pendant des années, Subway délaissait un peu la France car c'est un tout petit marché pour eux. Cette politique a changé ces quatre dernières années", indique Sébastien Jara.

L'enseigne a effectivement opéré à un changement de stratégie dans le pays. L'offre a évolué, tout comme le plan de déploiement du groupe (200 ouvertures prévues d'ici à 2025), et la relation qu'elle entretient avec ses franchisés. Un nouveau contrat de franchise a par exemple été mis en place en 2021, après que le précédent ait vu plusieurs de ses clauses êtres annulées en première instance par le tribunal de commerce de Paris en octobre 2020. Plusieurs franchisés et anciens franchisés dénonçaient un contrat "déséquilibré".

Des avancées qui n'ont pas toujours permis à Subway de faire oublier le sentiment de lassitude qui s'était progressivement répandu auprès de ses partenaires locaux. Sébastien a fait le choix de conserver son restaurant de la place de la Trinité : "C'est un petit peu mon gagne-pain, mais je souhaite voir autre chose", admet-il. Rémy a préféré mettre fin à dix années de collaboration avec le géant. Plus qu'un mal, les entrepreneurs y ont vu une opportunité se dessiner. À eux deux, ils ont racheté le fonds de commerce et se sont aventurés dans la création de leur propre concept : Trip & Str'eat.

"Nous avons tout à construire"

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Les deux entrepreneurs gèrent désormais leur propre commerce (Crédits : Melvin Gardet).

Le pitch ? Une carte street food (traduit 'cuisine de rue') inspirée des voyages de Rémy Piotrowska à travers le monde, concoctée par un chef ; le tout dans un environnement sobre qui reprend certains codes de l'univers fast-food dont ils sont issus (la comparaison avec Subway s'arrête à ce détail). Pour parvenir à ce résultat, plus de 500.000 euros ont été investis.

"Financièrement, la prise de risque est plus importante. Pour le reste, il faut penser à tout de A à Z, alors que nous sommes guidés lorsque l'on monte une franchise. Mais le gros point positif c'est la liberté. Nous pouvons tester notre carte par exemple : ajouter et retirer des créations comme bon nous semble...", explique Rémy, pas peu fier d'avoir la possibilité de se tromper.

Reste qu'une dizaine de jours après l'ouverture, les deux associés dissimulent difficilement leur stress derrière leurs sourires courtois. Ils le reconnaissent d'ailleurs aisément : "Tout reste à faire", exprime l'ancien franchisé. Tous deux savent que l'avenir du commerce et de ses huit salariés dépend entièrement de leurs décisions, et que la notoriété de leur établissement part de zéro. Une première dans leur parcours d'entrepreneur.

« Forcément par rapport à l'ouverture d'un Subway, au niveau de la fréquentation, nous ne sommes pas en pleine folie ! »

Sébastien Jarra, co-gérant de Trip & Str'eat

Une norme pour tout nouveau commerçant indépendant dont ils découvrent concrètement la réalité, sans pour autant se miner le moral. Ils bénéficient effectivement d'atouts majeurs : un commerce très bien placé avec terrasse, une offre qui répond aux souhaits des consommateurs post-covid, et un réseau professionnel solide qu'ils ont tissé au travers de leurs parcours.

Pour multiplier leurs chances de réussite, ils n'excluent pas de s'adresser aux professionnels avec une offre BtoB. Rémy a déjà cessé de faire appel au traiteur qu'il sollicitait lorsque sa salle de réalité virtuelle EVA, située à Montaudran, est privatisée par des entreprises. Leurs collaborateurs dineront désormais Trip and Str'eat. "Ils pourront découvrir notre cuisine dans leur environnement de travail", s'enthousiasme celui qui revendique désormais le zéro surgelés.

"Aucun produit surgelé, que des produits frais"

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Trip & Str'eat mise sur une carte variée qui ravira autant ceux qui veulent simplement boire un verre, que ceux qui souhaitent découvrir des saveurs d'ailleurs (Crédits : Melvin Gardet).

"L'idée était quand même d'aller vers des produits locaux. Nous faisons de la cuisine du monde, donc il y a forcément des produits qui nécessitent un import, mais s'ils sont faits localement, c'est là qu'on les prends. Le boulanger est aux Carmes, le fromager est à Arnaud Bernard, les produits frais sont achetés au marché Victor Hugo... Tout l'intérêt de la cuisine que l'on propose, c'est de se rapprocher de la cuisine d'un restaurant traditionnel", détaille le chef d'entreprise.

Céviché, falafel, burrito, ramen, fish & chips ou encore le traditionnel burger figurent sur la carte, et sont préparés sous les yeux des clients par le chef. À moins que ceux-ci ne passent commande en ligne, Uber Eats et Deliveroo référençants le commerce.

À l'issue de l'année 2022, Rémy Piotrowska et Sébastien Jarra espèrent dégager un chiffre d'affaires de 287.000 euros, puis 500.000 euros en 2023. Ils tablent sur une croissance annuelle comprise entre 10 et 15 % les années suivantes. En cas de succès, les porteurs de projet n'excluent pas l'ouverture d'autres établissements du même nom. Se laissant la possibilité de rêver l'espace de quelques instants, ils s'imaginent même renverser leur histoire : et si les franchisés devenaient finalement franchiseurs ?

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