À Toulouse, la réouverture des cinémas a-t-elle profité aux indépendants ?

Des milliers de Toulousains se sont rués dans les salles de cinéma dès leur réouverture, le 19 mai. Une situation qui a profité aux indépendants de la métropole, mais qui a vite atteint ses limites. Alors que l'été approche, les dirigeants de ces salles obscures dressent un premier bilan, et attendent avec impatience le retour des blockbusters américains, chers aux Français.
Malgré une reprise de l'activité qui leur a profité, les salles de cinéma indépendantes de Toulouse restent prudentes quant aux ambitions du secteur pour l'été.
Malgré une reprise de l'activité qui leur a profité, les salles de cinéma indépendantes de Toulouse restent prudentes quant aux ambitions du secteur pour l'été. (Crédits : Reuters)

"Je suis satisfait des résultats actuels, qui sont aussi bons qu'il y a deux ans alors que nous n'avions pas de restrictions. Si l'on compare les chiffres de cette reprise à ceux de la deuxième semaine de reprise de l'année dernière, nous sommes sur des niveaux de fréquentation qui sont entre cinq et dix fois supérieurs. Nous sommes donc dans une phase de normalisation du fonctionnement des cinémas. Le mauvais souvenir de la reprise de l'année 2020 est effacé !", se réjouit Jean-Pierre Villa, président du syndicat de l'Exploitation cinématographique du Centre-Sud.

Alors que la réouverture des salles obscures est effective depuis le 19 mai, après 200 jours de fermeture, ce 30 juin 2021 était synonyme pour les cinémas de la fin de l'application des jauges d'accueil. De fait, la filière entrevoit un avenir plus sûr.

À cette occasion, La Tribune a voulu vérifier si l'incroyable redémarrage de l'activité (de l'ordre de 8,5 millions de spectateurs en un mois au niveau national selon Comscore France) a profité aux indépendants toulousains. Car la Haute-Garonne faisait partie en 2014 des onze départements français qui réalisent plus d'un million d'entrées dans les cinémas d'Arts et Essai. En 2019, sur les 40 établissements du territoire départemental, 28 étaient des cinémas appartenant à cette catégorie, selon les données fournies par le CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée).

Si les gérants sont globalement satisfaits de la fréquentation de leurs établissements depuis la réouverture, quelques points de vigilance restent à l'ordre du jour, et ce malgré la 36e édition de la Fête du cinéma qui se tient jusqu'au 4 juillet.

Une vague de spectateurs exceptionnelle, mais moins longue qu'espérée

En France, 2,2 millions de spectateurs se sont rendus dans les salles de cinéma au cours de la première semaine de réouverture. Un score honorable, qui ne s'est pourtant pas maintenu aussi longtemps qu'espéré par les entreprises du secteur, y compris à Toulouse.

"La fréquentation a été très bonne la première semaine, moins les semaines suivantes. Pour autant, elle est en croissance permanente. Les salles ont connu la semaine dernière (21 au 27 juin) une moyenne de fréquentation supérieure à celle constatée à la même période en 2019. Globalement, j'ai donc l'impression que le public revient au cinéma", fait savoir Jean-Pierre Villa, président du syndicat de l'Exploitation cinématographique du Centre-Sud.

Jérôme Fattaccioli, à la tête du cinéma L'Autan, à Ramonville-Saint-Agne, ne cache pas sa déception face au nombre d'entrées enregistrées après les deux premières semaines de réouverture. Il s'attendait effectivement à ce que le boum de ventes enregistrées lors de la réouverture se maintienne plus longtemps.

"Cela a bien marché pendant quinze jours, et là c'est plus calme. Nous sommes retombés sur des fréquentations tout à fait normales, qui correspondent à la période. Mais nous sommes un peu dans l'inconnu concernant cet été. L'année dernière, le mois d'août n'avait pas bien fonctionné. Donc nous nous y préparons aussi pour cette année, et allons programmer des films populaires pour inverser la tendance", explique le directeur général de L'Autan.

Ainsi, au cours des deux premières semaines de reprise, le cinéma a enregistré (hors scolaires) 1.080 places vendues, dont 600 en deuxième semaine grâce à la sortie du film "Adieu les cons". Cela se tasse ensuite, avec 450 tickets en troisième semaine et 300 lors de la quatrième, alors que se tenait une succession d'avant-premières organisées avec Télérama. Jérôme Fattaccioli affirme lui-même qu'il ne peut qu'en constater le flop. Au final, sur les six premières semaines de reprise, environ 2.660 spectateurs ont été accueillis, soit 140 de moins qu'en 2019. Un chiffre honorable puisque le film oscarisé "Parasite" était sorti à la même période, mais loin du "record" attendu après sept mois de fermeture.

Même constat rue Saint-Bernard, à Toulouse, où le cinéma d'Art et Essai ABC explique le délitement progressif de cette vague de spectateurs par un manque d'attractivité des films à l'affiche, notamment.

"La situation est mitigée. Il y a beaucoup de films, mais peu de blockbusters, donc cela ne parle pas forcément aux gens. Et puis, entre le beau temps et l'Euro de football, nous avons fait face à une forme de concurrence déloyale. C'est un peu mou du genou, il faut dire les choses. Mais juin, traditionnellement, n'est pas un gros mois pour les cinémas", détaille le dirigeant du cinéma ABC, Marc Van Maele.

"On ne fait pas plus d'entrées parce qu'il y a plus de films qui sortent dans l'année"

Certes, des films ont fait salle comble en juin. "Adieu les cons", réalisé par Albert Dupontel, peut se targuer d'avoir suscité l'engouement. Mais les réalisations américaines sont pour l'heure trop peu nombreuses pour diversifier le flux de spectateurs dans les salles obscures, selon le dirigeant de L'Autan. Un constat complété par le directeur général du cinéma Utopia Borderouge.

"Les spectateurs sont venus au cinéma en fonction des films qu'ils avaient envie de voir. Les films qui sont au cinéma en ce moment marchent assez correctement. Le problème, c'est que les entrées sont diluées, puisque les mêmes films sont dans presque chaque cinéma", rappelle Arnaud Clappier, patron de l'Utopia Borderouge.

La tendance pourrait donc s'inverser au cours de l'été, avec le retour des films américains produits par des studios incontournables, comme Disney. Pourtant, la pluralité des films joués en cette période n'est plus à démontrer, puisque environ 400 longs-métrages étaient en attente de sortie le 19 mai. Au risque de perdre une partie des spectateurs...

"L'offre a beau être pléthorique, ce n'est pas pour autant qu'elle entrainera plus d'entrées. C'est cela qui est paradoxal. C'est un phénomène que nous constatons depuis déjà plusieurs années, avec la numérisation du cinéma", énonce Jérôme Fattaccioli du cinéma L'Autan.

Pour autant, les salles de cinéma indépendantes restent tout de même optimistes, à Toulouse.

Une situation financière saine, mais pas sans enjeux

D'abord, parce que ces résultats sont semblables à ceux de l'année 2019, qui était déjà la deuxième meilleure année du siècle en France pour la filière. Surtout, parce que les trésoreries ne sont pas à sec, du fait des subventions accordées par l'Etat durant la crise sanitaire.

"L'état de la trésorerie des salles de cinéma varie d'un établissement à un autre. Pour ceux n'ayant pas faits d'investissements importants au cours des dernières années, les aides de l'Etat ont été tout a fait significatives. Pour les autres, qui ont des engagements financiers importants auprès des banques, c'est plus compliqué", explique Jean-Pierre Villa, président du syndicat de l'Exploitation cinématographique du Centre-Sud.

C'est le cas notamment du cinéma Utopia de Borderouge. Sans être à deux doigts de baisser le rideau, son dirigeant indique à La Tribune qu'il a quelques inquiétudes liées aux prêts contractés pour permettre l'ouverture de l'établissement il y a deux ans.

"Cela fait deux ans que nous essayons d'ouvrir, donc la situation est compliquée. A chaque fois, on repart de zéro. Mais nous redémarrons avec des résultats quasiment équivalents à l'année 2019, donc il n'y a pas de raison majeure de s'inquiéter à présent", rassure Arnaud Clappier.

Tous affirment que leurs espoirs de retrouver une fréquentation haute et pérenne devraient se concrétiser en septembre, une fois les vacances d'été passées.

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