Ferroviaire : le constructeur espagnol CAF monte en puissance depuis son usine des Pyrénées

Outsider d'Alstom en France, l'espagnol CAF grignote petit à petit des parts de marché dans le pays, particulièrement sur le marché des tramways. Porté par cette dynamique, le groupe a lancé un plan d'investissement pour son usine de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées) dans le souci de la spécialiser sur ce moyen de locomotion. Un peu moins de 100 personnes doivent venir muscler les équipes de ce site en 2024. Reportage.
CAF a engagé un plan d'investissement pour moderniser et spécialiser son site de Bagnères-de-Bigorre.
CAF a engagé un plan d'investissement pour moderniser et spécialiser son site de Bagnères-de-Bigorre. (Crédits : Rémi Benoit)

Passer de 3,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2022, à 4,6 milliards en 2026. Telle est l'ambition du constructeur ferroviaire espagnol CAF dans ce « secteur très dynamique », à en croire l'observation d'Alain Picard, le directeur de l'entreprise en France. Pour maintenir cet objectif, le groupe, qui réalise plus de 60% de son chiffre d'affaires européen hors de son pays d'origine, peut compter sur un début de décennie 2020 prolifique.

CAF a enregistré une commande d'une centaine de rames de tramway pour la ville de Boston (États-Unis), tout comme pour Tel-Aviv (Israël), sans parler de la récente commande de la métropole de Montpellier pour une soixantaine de rames au concurrent d'Alstom. Sont également à noter de belles commandes pour du matériel ferroviaire léger, comme les 146 rames pour le RER B, 60 pour une région des Pays-Bas ou encore les 73 rames pour un Land allemand.

« Le marché ferroviaire européen va se tourner vers la batterie, bien plus que l'hydrogène. Dès lors que l'Allemagne, premier marché ferroviaire européen pas très loin devant la France, choisit la solution batterie, cela guide les constructeurs », analyse le directeur général France de CAF, qui dénombre 12 milliards d'euros de chiffre d'affaires à la fin de l'année 2022 pour l'ensemble du groupe.

Ce dynamisme devrait profiter particulièrement à l'une des deux usines françaises du groupe (sur les neuf dans le monde) installée à Bagnères-de-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées. Ce site industriel de 42.000 mètres carrés est entre les mains du groupe espagnol depuis 2008 et le rachat de la branche ferroviaire de Soulé, CFD Bagnères, devenue par cette occasion CAF France.

Spécialiser le site sur le tramway

À l'époque, 70 salariés occupaient les lieux, contre 150 actuellement, et la tendance voudrait que ce chiffre soit revu à la hausse dans un futur proche.  Anxo Rodriguez, le nouveau directeur de l'usine, rencontré par La Tribune, indique vouloir « donner  au site de Bagnères-de-Bigorre un véritable savoir-faire sur la construction des tramways et des trains légers, ainsi que sur la rénovation ».

« Il y a un appel à d'offres en cours à Grenoble pour du tramway, un est en réflexion pour Lyon et il y a un contrat à venir pour le RER C », liste le nouveau dirigeant en imaginant les marchés qui pourraient  booster l'activité de « son » site.

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Anxo Rodriguez, le nouveau directeur de l'usine CAF dans les Hautes-Pyrénées, prépare la mise en place de la ligne de production des tramways destinés à la métropole de Montpellier (Crédits : Rémi Benoit).

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Le groupe espagnol a présenté récemment aux élus locaux le futur tramway dédié à Montpellier, seconde métropole d'Occitanie (Crédits : Rémi Benoit).

Depuis la reprise par CAF, l'usine pyrénéenne a déjà été mobilisée sur des chantiers d'envergure comme la rénovation des rames du RER A en 2018, la construction de rames Intercités en 2019 ou encore celles du RER B en 2021. Tout récemment, l'implantation a reçu la visite de Mickaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la Métropole. C'est ici que les 60 futures rames du tramway de la ville française seront assemblées avant leur livraison finale.

Lire aussiLa Métropole de Montpellier commande 77 rames de tramway au constructeur espagnol CAF

« Bagnères est concernée par le tramway de Montpellier, mais aussi celui de Marseille, tout comme la rénovation du RER A, sans compter la production des nouveaux locotracteurs pour la RATP (...) Au début de l'année 2024, la France représente 2,3 milliards d'euros dans le carnet de commandes de CAF. Les usines françaises servent en priorité le marché français, mais pas uniquement », tient à préciser Alain Picard.

Si une maquette grandeur nature de l'avant du tramway de Montpellier occupe l'atelier d'assemblage flambant neuf de CAF, pour l'heure ce n'est pas le chantier qui occupe les équipes présentes sur place. Le hangar, de plusieurs milliers de mètres carrés et d'une hauteur sous plafond vertigineuse pour déplacer les rails sans encombre, est occupé par les premiers locotracteurs dédiés à la RATP, à des stades d'avancement différents. Le site de Bagnères-de-Bigorre, modulaire à souhait pour ce qui est de ce hangar inauguré en 2020, doit assembler 12 de ces rames utilisées pour le déplacement de wagons.

« Nous sommes en train de monter la ligne de production pour les locotracteurs, ce qui justifie la désorganisation apparente de l'atelier. Quant au tramway de Montpellier, le premier devrait être livré en mai 2025, après huit mois d'assemblage. Une fois cette première étape passée, une rame sortira de notre usine toutes les trois semaines », détaille Anxo Rodriguez.

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Actuellement, les ateliers d'assemblage sont mobilisés sur une commande destinée à la RATP (Crédits : Rémi Benoit).

La nécessité de recruter

Le bâtiment qui accueille le chantier du locotracteur a été mis sur pied pour les premiers chantiers de rénovation des rames obtenus par CAF auprès de la RATP. Si, en France, Alstom détient 90% des parts de marché du matériel roulant, l'outsider espagnol se veut optimiste pour l'avenir : « Nous ne pouvons que faire mieux », lâche Alain Picard.

Confiante et optimiste, la direction française de CAF, qui dispose déjà de l'usine de Reichshoffen (Bas-Rhin) rachetée en 2022 à Alstom, compte ainsi investir environ dix millions d'euros sur le site de Bagnères-de-Bigorre entre 2020 et 2025.

« En plus de ce nouvel atelier de 11.000 mètres carrés, nous allons créer une liaison ferroviaire entre les deux principaux bâtiments industriels du site pour faciliter les mouvements des rames. Nous allons aussi créer un atelier de peinture en rénovant des ateliers anciens et créer une zone d'inspection finale (...) Ici, la volonté est de maintenir deux lignes de production pour les tramways, d'en garder une troisième pour les autres projets et nous en avons une quatrième dans les cartons », liste Anxo Rodriguez.

Si ces investissements doivent permettre de monter en puissance en France sur le plan industriel, CAF doit aussi s'atteler au plan humain. Le groupe prévoit ainsi 300 recrutements dans le pays pour l'année 2024, dont 80 à Bagnères-de-Bigorre. Forte d'une entité de 14.000 personnes dans le monde, CAF peine tout de même à recruter dans l'Hexagone.

« Le recrutement est un frein à notre développement », appuie même le directeur général.

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Alain Picard, ancien dirigeant de la SNCF, compte challenger le géant Alstom sur de nombreux marchés (Crédits : Rémi Benoit).

En plus de devoir renforcer une usine dans un bassin de vie désindustrialisé et éloigné d'une grande ville, le constructeur de matériel ferroviaire souffre de la ressemblance avec l'acronyme de la caisse d'allocations familiales pour attirer des profils. Souffrant aussi de la concurrence avec l'industrie aéronautique, l'entité espagnole a revu à la baisse son objectif en nombre de collaborateurs dans son nouveau bureau à Toulouse. L'entreprise a donc engagé divers partenariats locaux pour attirer des profils désireux de découvrir le monde ferroviaire et pérenniser dès lors l'usine CAF de Bagnères-de-Bigorre.

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