Avenir de la viticulture : « Nous avons identifié des parcelles problématiques » (Paul Fabre, IVSO)

Pendant trois jours, Toulouse sera le coeur névralgique de la viticulture européenne avec l'accueil de la première édition de l'European Wine Day. À cette occasion, Paul Fabre, le directeur de l'interprofession des vins du Sud-ouest (IVSO) dresse un bilan plus que mitigé de l'année 2023 pour le quatrième vignoble français. Entretien.
L'interprofession des vins du Sud-Ouest est inquiète de l'avenir de certaines parcelles viticoles.
L'interprofession des vins du Sud-Ouest est inquiète de l'avenir de certaines parcelles viticoles. (Crédits : IGP Pays d'Oc)

La Tribune - Dans le Gaillacois particulièrement, la période des vendanges a été difficile selon des viticulteurs qui ont évoqué publiquement leur situation. Quelle vision d'ensemble avez-vous ?

Paul Fabre - Pour les vendanges, nous sommes dans une année 2023 particulièrement compliquée du fait des nombreux aléas climatiques. Il y a eu des périodes de sécheresse très longues, mais aussi des périodes avec un très fort taux d'humidité qui ont favorisé de nombreuses attaques de la maladie du mildiou.

Le bordelais est l'une des régions françaises les plus touchées, si ce n'est LA plus touchée. Les vins des Côtes de Gascogne sont victimes de cette maladie à hauteur d'environ 30%, tandis que les vins de Gaillac et de Cahors sont victimes à hauteur de 40 à 50 %. Jamais, nous n'avons atteint de telles proportions.

Mais ce n'est pas un problème propre à la France. L'Italie et l'Espagne, de grands producteurs de vins sont aussi concernés, pour 30 à 50 % de leurs vignobles. Dans ce contexte, la France redevient en 2023 le premier producteur mondial de vin en augmentant sa production de +3%.

Depuis quelques années, vous avez lancé plusieurs travaux pour tenter de trouver des solutions à ces aléas climatiques de plus en plus réguliers et nombreux. Quels résultats avez-vous ?

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Nous continuons notre travail de cartographie sans apriori afin d'évaluer l'impact des aléas climatiques ces dernières années, parcelle par parcelle. Nous regardons si nous manquons d'ombrage, ou bien si c'est l'irrigation qui pose problème, voire carrément s'il ne faut plus produire sur certaines parcelles. Nous avons déjà identifié des zones problématiques en ce sens et des décisions vont devoir être prises. Décider si nous continuons ou pas la production.

Nous travaillons aussi sur la production de cépages résistants voire de croisement qui, potentiellement, résistent mieux au mildiou ou aux périodes de sécheresse. Nous menons le même travail avec l'idée de relancer des cépages oubliés, que nous ne trouvons plus dans nos vignobles aujourd'hui. Nous avons, par exemple, de bons résultats dans le Gers avec le cépage « Le Tardif », qui est un cépage comme son nom l'indique à la maturité tardive.

Enfin, dans le cadre d'un appel à projets européen, nous sommes une région pilote sur le verdissement des vignobles, avec diverses techniques pour capter et conserver l'humidité dans les sols dans certaines zones problématiques.

Il y a deux ans, à même période, vous aviez tapé du poing sur la table pour dénoncer le manque de présence à la carte des restaurants toulousains des vins locaux du Fronton et de Gaillac. La situation a-t-elle évolué ?

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Il y a eu un effort de fait de la part des restaurateurs toulousains. Les vins de Fronton ont notamment reconquis leur marché toulousain. Mais c'est le fruit d'un travail global de toute la filière. Nous organisons notamment la Fête des Vendanges avec la Ville de Toulouse pour mettre en lumière nos vignerons. Nous réalisons de multiples événements et nous déployons aussi des actions de formation. Par exemple, nous déployons des sommeliers pour former les restaurateurs et leurs sommeliers aux vins locaux. Nous avons aussi créé un réseau d'ambassadeurs. Nous commençons à faire tomber les préjugés.

Nous sommes aussi aidés par l'installation de nouvelles générations de viticulteurs, qui bousculent les codes de la profession, la consommation du vin ayant changé. Sa consommation est devenue davantage exceptionnelle et cela stimule l'innovation.

Toulouse va accueillir le premier congrès européen des professionnels du vin, l'European Wine Day, à partir du jeudi 27 octobre. Qu'attendez-vous de ce nouveau rendez-vous de la filière ?

Il faut comprendre que le choix de tenir ce rendez-vous à Toulouse est notamment motivé par le fait que Toulouse a été nommée capitale européenne du vin pour l'année 2023. Nous attendons des représentants du conseil de l'Europe, des membres du réseau européen des villes de vin, ainsi que des producteurs de plusieurs pays comme l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce, la Moldavie, Israël ou encore l'Ukraine.

Avec ce salon professionnel, l'idée est de montrer la dimension culturelle du vin en Europe et aborder les enjeux du moment à l'occasion du plusieurs tables rondes qui seront organisées au conseil régional à Toulouse. Nous parlerons des aléas climatiques, de la concurrence de nouveaux pays producteurs et nous aborderons la question de la santé. Tous ces sujets transcendent les frontières.

Ce rendez-vous a vocation à devenir un rassemblement annuel avec un pays d'accueil différent à chaque édition.

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À retenir


  • 263000

    La région Occitanie, qui accueille ce premier rendez-vous annuel européen de la viticulture, dénombre 263.000 hectares de vignes sur son territoire.

  • 8261

    L'interprofession des vins du Sud-Ouest dénombre 8.261 exploitations. Cette structure, née en 2008, s'étend de l'Aveyron jusqu'au Pays Basque et de l'Ariège jusqu'à la Dordogne. Au total, elle regroupe 13 départements sur deux régions administratives. Ce qui en fait le quatrième vignoble de France.

  • 13000

    L'association IVSO représente 13.000 emplois, qui permettent de produire 3,6 millions d'hectolitres, pour un milliard d'euros de chiffre d'affaires.

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