Usine de paracétamol à Toulouse : « le projet est financé » promet son porteur

Le projet d'usine de paracétamol à Toulouse se structure dans les coulisses. Silencieux jusqu'à présent, le porteur de projet, la startup Ipsophene, a tenu à rassurer, dans les colonnes de La Tribune, sur la solidité de celui-ci. Un directeur d'usine a même déjà été recruté, en provenance d'un grand groupe français. Les détails.
La renaissance du paracétamol française devrait passer par Toulouse.
La renaissance du paracétamol française devrait passer par Toulouse. (Crédits : Pixabay)

La France et plus largement, l'Europe, partent de loin dans leur quête de réindustrialisation pharmaceutique. « 80% des principes actifs nécessaires sont produits hors de l'UE et 40% des médicaments finis consommés en Europe sont fabriqués hors du continent », a rappelé Marc Lemonnier, le CEO de la PME toulousaine Antabio, à l'occasion du « Forum Éco » organisé par la CCI de Toulouse, mardi 3 octobre.

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En réponse à ce constat, le président de la République, Emmanuel Macron, avait notamment présenté au début de l'été, lors d'un déplacement dans l'Ardèche, un plan de relocalisation en France de 50 principes actifs jugés critiques (pour la production de médicaments) avec une première enveloppe de soutien à hauteur de 50 millions d'euros. Un projet industriel en gestation à Toulouse, autour d'une usine de paracétamol, pourrait bénéficier de cette enveloppe.

Voulant notamment surfer sur cette annonce, le conseil régional d'Occitanie a annoncé, le 10 juillet, le lancement d'un projet « d'implantation à Toulouse de la 1ère usine européenne de production de paracétamol avec 100% de la chaîne de production en France, du principe actif à la distribution ». Ce projet est porté par la startup toulousaine Ipsophene, créée il y a tout juste quelques mois et basée officiellement à Saint-Orens-de-Gameville, le fief de Dominique Faure, la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité.

Son dirigeant fondateur, Jean Boher, joint par La Tribune, s'est laissé aller à quelques confidences, tout en précisant « avoir un devoir de réserve à respecter ».

Un directeur d'usine recruté

Malgré sa maigre histoire, l'entreprise mystérieuse est en train de s'entourer de solides partenaires pour faire sortir de terre cette usine de paracétamol. Si Jean Boher a plutôt un profil de financier, et particulièrement spécialisé sur le pilotage de projets, il est aussi le CFO (équivalent du directeur administratif et financier) de la société Ipsomedic (spécialisée dans le développement de procédés de fabrication de principes actifs pharmaceutiques chimiques) et de sa jumelle Ipsomel  (pour les principes actifs pharmaceutiques pour les biotechnologies). C'est une technologie développée par la première qui guidera le projet industriel d'Ipsophene.

« Ce sera un projet industriel totalement RSE, avec du green process, grâce à une technologie disruptive à partir de procédés en continu. Aucun déchet ultime ne sera émis par cette usine de paracétamol. Ce sera une première européenne », assure Jean Boher, qui confie malgré tout que « c'est un casse-tête de refaire de la chimie en France malgré la bienveillance de toutes les instances ».

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Derrière « cette technologie disruptive », se cache une femme : Edith Lecomte-Norrant. Cette docteur en génie chimique a été la directrice industrielle du groupe Pierre Fabre pendant trois ans, avant d'aller prendre de nouvelles responsabilités au sein du groupe UCB. Pour mener à bien la mise en musique industrielle de ce projet, Ipsophene vient de boucler le recrutement de Maxime Lefebvre comme directeur d'usine. Après une expérience de six années au sein des laboratoires de Pfizer, la première recrue de la startup toulousaine a bouclé un parcours de 16 ans au sein du groupe pharmaceutique français Servier. L'homme sera ainsi à la tête d'une équipe de 35 personnes quand la future usine aura atteint son rythme de croisière.

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« Nous produirons un peu plus de 3.000 tonnes de principes actifs pour le paracétamol, avec une production 100% française et totalement souveraine. Nous avons un calendrier solide et le foncier n'est pas un problème, mais sur ce dernier point j'ai un devoir de réserve pour le moment », confie Jean Boher.

Le porteur de projet donne rendez-vous dans « une dizaine de jours » pour en savoir plus. À la mi-octobre, le conseil régional d'Occitanie doit publier un communiqué commun avec l'un des partenaires du projet d'Ipsophene pour dévoiler davantage de détails sur cette future usine de paracétamol à Toulouse. Au début de l'été, la collectivité avait annoncé un projet industriel avec « une mise en service prévue dans le courant du premier semestre 2024 ».

« C'est un projet sérieux et consistant. Nous avons vérifié certaines informations. Nous soutenons et nous soutiendrons ce projet sérieux et créateur d'emplois. Pour l'instant, nous ne pouvons pas en dire trop car c'est la demande de certains acteurs du dossier, mais c'est un projet d'envergure, avec des partenaires financiers et industriels solides, tient à souligner Jalil Benabdillah », le vice-président de la région Occitanie, chargé de l'Economie, l'Emploi, l'Innovation et la Réindustrialisation.

Une subvention de la région Occitanie

La collectivité présidée par la socialiste Carole Delga a également fait savoir qu'elle investira un total de 4,2 millions d'euros dans le projet. Cette somme comprend notamment une prise de participation au capital à hauteur de 1,2 million d'euros, au travers de l'Aris, la nouvelle Agence régionale des investissements stratégiques d'Occitanie. Elle est notamment actionnaire de Genvia, à Béziers, qui développe des électrolyseurs pour produire en masse de l'hydrogène vert, ou encore elle au capital du site d'Arcelormittal à Saint-Chély-d'Apcher en Lozère, dans l'optique de produire de l'acier pour le marché des voitures électriques.

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« La région Occitanie ne représente qu'une petite partie du financement. Ce n'est pas négligeable mais ce n'est qu'une petite partie (...) Aujourd'hui, tout le projet industriel est financé », assure Jean Boher qui demande de la patience avant de pouvoir dévoiler l'enveloppe globale d'investissement.

Cette future usine de paracétamol, qui doit sortir de terre à Toulouse, devrait être financée par ses clients et partenaires industriels, et donc des laboratoires. Selon le magazine Challenges, le groupe Upsa, qui fabrique des produits à base de paracétamol comme Dafalgan et Efferalgan, serait entré au capital de la startup Ipsophene pour mener à bien ce projet d'usine dans la Ville rose. Par ailleurs, Upsa est déjà engagé sur un projet similaire, aux côtés de Sanofi, à savoir celui porté par Seqens dans l'Isère. Annoncé en 2020, ce projet industriel devait aboutir en 2023. Finalement, la production commerciale de ce projet, qui doit sortir à terme 10.000 tonnes de paracétamol chaque année et estimé à 100 millions, est espérée pour 2026. Ce retard aurait encouragé Upsa à s'intéresser au projet toulousain d'Ipsophene. « Tous les feux sont au vert », promet le dirigeant de la startup en conclusion.

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Commentaires 3
à écrit le 05/10/2023 à 8:12
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Tout cet argent public pour cette industrie du mensonge est parfaitement représentatif du nihilisme néolibéral.

à écrit le 05/10/2023 à 7:52
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Quand au paracétamol, cette molécule est tombée en disgrâce chez les pharmacologues, toxicité hépatique considérable liée a une surconsommation excessive, ce produit sera sous peu listé .Et les ventes automatiquement seront drastiquement reduites

à écrit le 04/10/2023 à 21:21
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Avec les médicaments il y a deux 'parties' : la synthèse (multi-étapes) de la molécule active, et aussi la mise en œuvre pour arriver à la forme galénique (présentes sur les étagères de pharmacies). On peut avoir 10kg de paracétamol mais aucune insta...

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