La reprise manquée de la fonderie SAM par MH Industries : raisons d'un échec annoncé

Après des mois de travail, l'industriel lotois MH Industries vient d'annoncer l'abandon de son projet de reprise de l'ancienne fonderie aveyronnaise SAM. En cause ? Le non-soutien de Renault, bien que pour le constructeur le dossier SAM semblait clos depuis un moment, mais aussi les finances du repreneur malgré le soutien appuyé du conseil régional d'Occitanie. Néanmoins, sa présidente socialiste Carole Delga croit encore qu'une issue favorable pour le site industriel est possible. Confidences et explications.
Quel avenir pour l'ancienne fonderie SAM après le retrait de MH Industries ?
Quel avenir pour l'ancienne fonderie SAM après le retrait de MH Industries ? (Crédits : Pierrick Merlet)

Dans les rangs de Renault, on confesse depuis plusieurs semaines que la fonderie SAM n'est plus un sujet. Pourtant, le nom du constructeur automobile français est revenu au premier plan il y a quelques jours pour justifier en grande partie le retrait du projet de reprise porté par l'industriel lotois MH Industries pour la fonderie aveyronnaise SAM.

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Spécialisée dans la conception et la production de pièces en aluminium pour l'industrie automobile, cette fonderie qui employait encore 350 personnes à Decazeville un an en arrière a dû arrêter brutalement son activité en novembre dernier sur décision du tribunal de commerce de Toulouse et faute d'un repreneur viable selon Renault, alors unique client du site industriel. Une prise de position du constructeur français incompréhensible à l'époque pour les salariés de "la SAM" et les élus locaux. Une nouvelle fois donc, Renault est pointé du doigt dans ce dossier épineux.

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"Malgré nos efforts en ce sens, nous ne sommes pas parvenus à convaincre le groupe Renault d'aider à l'amorçage du projet", explique Matthieu Hède, le PDG de MH Industries, dans un court communiqué transmis aux médias alors que l'entrepreneur prévoit d'échanger avec la presse mercredi 20 juillet. "MH Industries s'était engagé à ne pas prolonger au-delà de cinq ans le lien commercial avec Renault tout en faisant une offre compétitive sur un volume d'affaires à hauteur de seulement huit millions par an", précise Carole Delga, la présidente du conseil régional d'Occitanie, agacée par cet échec et ce refus de collaborer de la part du constructeur dont l'État est actionnaire.

Officiellement, Renault "se refuse à tout commentaire" afin de "ne pas mettre de l'huile sur le feu". Mais dans les faits, le groupe se voyait mal se charger de pièces supplémentaires dans un contexte où "le marché de l'automobile s'effondre encore". Par ailleurs, le groupe français est déjà impliqué dans deux projets industriels nécessitants d'autres investissements, à savoir le sauvetage de la Fonderie de Bretagne  pour lequel Renault va injecter 32 millions d'euros aux côtés du repreneur et un projet d'envergure à Châteauroux.

Des banques frileuses à soutenir le repreneur

Sans le soutien du constructeur automobile français, "le groupe MH Industries est donc contraint, aujourd'hui, de confirmer l'abandon de ce projet", a ainsi affirmé son dirigeant lundi 18 juillet. Mais en réalité, cette non entente n'a pas été le seul obstacle dans l'absorption de l'ancienne fonderie SAM par la société lotoise aux multiples métiers. Il y a quelques semaines déjà, Matthieu Hède confessait auprès de La Tribune que "le chemin est extrêmement étroit" pour relancer le site industriel. Et ce, pour plusieurs raisons.

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Tout d'abord, sur le plan financier, la donne était incertaine autour de la relance de l'ancienne fonderie SAM dont l'opération était estimée à - au minimum - une trentaine de millions d'euros. Pour MH Industries, elle représentait tout de même l'opportunité de passer à la catégorie supérieure en doublant potentiellement son chiffre d'affaires, actuellement à 30 millions d'euros. Mais la marche était sûrement trop grande encore pour la société qui emploie 300 personnes aujourd'hui. "Nous ne sommes pas non plus parvenus à sécuriser le financement total du projet", concède Matthieu Hède dans son communiqué du 18 juillet. "Nous sommes une PME en pleine croissance avec un chiffre d'affaires qui a été multiplié par neuf en 15 ans (...) Pour tenir le rythme, nous avons déjà nos indicateurs économiques dans le rouge", avait aussi confié ce dernier à La Tribune à la mi-mai. Entre les lignes, il faut comprendre que MH Industries faisait déjà l'objet d'un endettement élevé et qu'une telle opération de croissance aurait pu être celle de trop, provoquant de la frilosité chez certains partenaires bancaires de la société.

Pourtant, le conseil régional d'Occitanie a tout tenté pour viabiliser le projet de reprise de la fonderie SAM par MH Industries. Carole Delga a tout d'abord accordé une subvention de 1,2 million d'euros pour financer cette opération et les études de faisabilité. De plus, une autre enveloppe était en préparation. Elle a aussi réussi à convaincre l'État de co-financer ces études pour un montant de 200.000 euros, malgré le scepticisme de Bercy pour ce projet, tout en obtenant un rééchelonnement du PGE octroyé au repreneur par le passé, comme à de très nombreuses sociétés en France.

Par ailleurs, la conjoncture économique et la tendance inflationniste n'est plus du tout la même qu'au début de l'année 2022 quand l'étude de faisabilité a été lancée. "La conjoncture internationale et son influence notamment sur les prix de l'énergie a
considérablement changé", confirme la direction de MH Industries. Enfin, cette dernière était en pleine négociation avec les liquidateurs pour racheter les actifs matériels de la SAM, condition vitale pour la réussite du projet. Selon l'entourage de la présidente de région Carole Delga, les parties avaient réussi ces derniers jours à rapprocher leurs positions pour une somme entre deux et trois millions d'euros. Mais l'industriel lotois attendait des garanties commerciales, et notamment en provenance de Renault, avant d'acter un tel deal.

Contre-temps ou revers politique pour Carole Delga ?

Côté immobilier, le conseil régional d'Occitanie va finaliser le rachat des murs et des terrains de l'ancienne fonderie aveyronnaise auprès de la SCI Jinjiang, actuel propriétaire des lieux depuis qu'il avait racheté la SAM à la barre du tribunal de commerce quelques années plus tôt.

Malgré tout, l'effacement de MH Industries dans ce dossier est un contre-temps politique pour la présidente socialiste de la collectivité régionale et présidente de Régions de France. Cet hiver, l'élue s'est rendue sur place pour rencontrer les salariés tout en leur promettant un avenir industriel à leur usine. Si cette promesse n'est pas tenue ou ne fait pas l'objet d'avancées importantes d'ici la fin de son mandat, cet engagement pourrait devenir un revers politique pour celle à qui on accorde parfois un destin présidentiel dans une gauche modérée qui cherche un leader. L'issue de ce dossier est aussi à contre-courant du gouvernement, qui martèle son désir de réindustrialiser le pays et d'ouvrir de nouvelles usines dans l'Hexagone.

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"Dans un dossier comme celui de la SAM, seul le volontarisme paie. Comment peut-on parler de réindustrialisation du pays, de souveraineté économique et laisser démanteler une activité de fonderie dont les industries du Sud de la France ont besoin ? (...) Je reste convaincue qu'il y a un avenir industriel pour le bassin de Decazeville. La Région continuera d'investir et de se battre pour ce territoire et la diversification de ses activités (...) Nous sommes au travail pour que d'autres projets industriels d'avenir voient le jour sur le territoire", a tenu à rassurer malgré tout Carole Delga par communiqué quelques heures après l'annonce de MH Industries dont elle "salue le travail accompli".

La seule zone d'ombre encore au tableau est le timing de l'annonce du Lotois, puisque depuis le début du dossier celui-ci avait fait savoir qu'il prendrait position à la fin du mois de septembre 2022. Mais cet épisode marque quoi qu'il en soit la fin de la fonderie SAM. Seulement, ce nom risque de faire encore couler beaucoup d'encre à l'avenir. Pour mémoire, les anciens salariés viennent d'engager une procédure contre Renault et Jinjiang afin d'obtenir un dédommagement financer. Selon nos informations, les deux entreprises n'ont pas encore été notifiées officiellement du déclenchement de cette procédure.

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