Safetyn invente un boîtier pour faire baisser la mortalité dans l'aviation légère

La startup toulousaine Safetyn développe un système d'alertes multisensorielles (signal lumineux, vibrations, sons) pour aider les pilotes de petits aéronefs à faire face aux situations d'urgence. La jeune pousse qui sera présente au CES de Las Vegas veut aussi créer un réseau international de pilotes experts pour coacher les aviateurs du dimanche.
Safetyn compte aujourd'hui une dizaine de collaborateurs et prévoit de doubler son effectif en 2019.
Safetyn compte aujourd'hui une dizaine de collaborateurs et prévoit de doubler son effectif en 2019. (Crédits : Safetyn)

Été 2009 à Megève dans les Alpes. Quelques minutes avant l'atterrissage d'un petit aéronef, une alarme stridente se déclenche dans le cockpit. Le pilote et l'instructeur ne réagissent pas et se crashent sur la piste. Le bruit assourdissant signifiait aux pilotes qu'ils avaient oublié de mettre les trains d'atterrissage. C'est l'exemple typique de la surdité inattentionnelle : le cortex cérébral reçoit bien l'information auditive mais submergé par le stress il est incapable de réagir. Et d'après une étude menée par Mickaël Causse, chercheur de l'Isae-Supaéro, un tiers des alarmes auditives sont ignorées ainsi par les pilotes.

Des alarmes multisensorielles pour faire réagir le pilote

Pour y remédier, la startup toulousaine Safetyn développe depuis 2016 un boîtier que portera le pilote et capable de déclencher des alertes multisensorielles pour le prévenir du danger et l'aider à surmonter son stress afin d'éviter le crash de l'appareil.

"Cela peut-être un flash lumineux, des vibrations... On peut aussi imaginer qu'une personne au sol prononce le nom du pilote dans le cockpit pour attirer son attention et lui donner des instructions. L'idée est également d'avoir une gradation des alarmes suivant le danger encouru", explique Arnaud Violland, cofondateur de la jeune société.

La box mise au point par Safetyn cible surtout les aéronefs volant à basse et moyenne altitude : les avions légers, les planeurs, les ULM. Sur ce type d'engin, la direction de la sécurité et de l'aviation civile (DSAC) a recensé sur l'année 2017 en France au total 216 accidents ayant entraîné 43 décès pour seulement 40 000 pilotes. "Le taux de mortalité est dix fois supérieur à celui de l'automobile ! Sur les routes, le nombre de morts a beaucoup baissé depuis les années 70 avec la mise en place de l'ABS par exemple. De la même manière en montagne, il existe des Arva (appareil de recherche de victimes d'avalanche). De tels systèmes n'existent pas sur les petits aéronefs", relève Arnaud Violland.

L'entrepreneur, qui a travaillé notamment pour Airbus à Toulouse avant de créer sa société, fait aussi remarquer que sur ce type d'avions, les cockpits ne sont pas pressurisés : "Or, nous ne sommes pas égaux face au manque d'oxygène. Il serait intéressant d'installer un capteur de taux d'oxygène dans le cockpit". La technologie actuellement développée par Safetyn sera présentée aux acteurs du milieu aéronautique à l'occasion du prochain salon du Bourget en juin 2019 avant une commercialisation.

Pour le cofondateur de la startup, l'enjeu est d'autant plus crucial que de plus en plus d'engins volent à basse altitude : aujourd'hui des drones de loisirs et demain des drones pour transporter des colis. Sans compter que les constructeurs, à l'instar d'Airbus avec Popup ou Vahana, travaillent au déploiement de taxis volants pour désengorger les villes. La startup Safetyn vient d'ailleurs de signer une convention de partenariat avec le constructeur aéronautique européen.

Un réseau de pilotes ambassadeurs

En plus de la box, la jeune pousse veut créer une "Safeyn académie" pour coacher les pilotes amateurs de ces petits avions. "Ce sont des personnes qui pilotent peu, 10 à 15 heures par an et surtout elles ne sont pas préparées à des situations d'urgence. Nous voulons aider ces pilotes à analyser leur vol et à repérer les signaux faibles comme la fatigue, un mal de tête, etc", avance Arnaud Violland.

Pour ce faire, Safetyn est en train de créer un réseau de pilotes experts qui pourront partager leur expérience dans les aéro-clubs. La startup a ainsi noué des partenariats avec cinq aérodromes de la région toulousaine (des sessions ont été organisées par exemple lors du raid Latécoère en septembre 2018), deux de la région PACA et deux dans les Alpes françaises et suisses. Et demain aussi en Amérique du Nord ? C'est en tout cas dans cette optique que la startup va participer début janvier pour la deuxième année consécutive au CES de Las Vegas avant des rendez-vous en Floride.

Levée de fonds de 2 millions d'euros en 2019

Le dernier axe de développement de Safetyn, cette fois à plus long terme, est autour de systèmes automatisés de sécurité intégrés au poste de pilotage résistants aux cyberattaques et permettant à l'homme de reprendre le contrôle de l'aéronef en cas de situations d'urgence. Pour mener à bien tous ces projets, la jeune société a levé 850 000 euros depuis sa création et prévoit deux tours de tables courant 2019, fin mars et à l'issue du Bourget, pour une enveloppe visée de 2 millions d'euros.

Après avoir été incubée au Cern (organisation européenne pour la recherche nucléaire) de Genève, puis un passage d'un an au BizLab d'Airbus, la startup va déménager en début d'année prochaine à la pépinière de Toulouse Métropole dans le quartier Montaudran. Elle compte aujourd'hui une dizaine de collaborateurs et prévoit de doubler son effectif en 2019 avec le recrutement d'ingénieurs, de docteurs et de commerciaux. Safetyn a réalisé 100 000 euros de chiffre d'affaires en 2018 et vise 20 millions en 2022.

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