Dans le cadre de son projet Print 4D, l'INP (Institut national polytechnique) de Toulouse, par le biais de son laboratoire de chimie agro-industrielle ainsi que son Flav Lab (une entité à l'intérieur du laboratoire, spécialisée dans la formulation d'odeurs, d'arômes et de parfums, ndlr), a démarré la fabrication d'un casque audio-olfactif pour calmer le stress en avion. Placé dans l'accoudoir du siège, il diffusera des odeurs d'extrait naturel d'huiles essentielles au passager tout en lui faisant écouter de la musique.

Porté et conçu par Thierry Talou, ingénieur de recherche au sein de l'INP, Sarah Grivot parfumeure résidente du Flav Lab et Juilia Paradisio stagiaire en master au laboratoire de chimie agro-industrielle, ce projet est né lors du Flablab de Toulouse :

" Nous évoluons tous les trois dans le domaine des odeurs, de la formulation et de l'extraction. Du coup quand Air Support, partenaire de l'INP, nous a suggéré l'idée de se servir d'un casque audio pour relaxer les gens stressés en avion, nous avons pensé qu'en plus du son il fallait diffuser des odeurs. C'est comme ça qu'est née l'idée d'un casque audio-odorisé ", raconte Thierry Talou manager du projet.

Une technique de fabrication innovante

 La base du mécanisme est simple : un casque de télécommunication MP3 déjà existant dont le micro sera remplacé par un tube en plastique relié à une pompe, placée dans l'accoudoir. Entre ce casque et cette pompe sera inséré un tube en verre, dans lequel seront placés des filaments imprégnés d'odeurs. Le passager qui aura placé ce casque sur ses oreilles pourra actionner une pompe. Elle libérera l'air qui sera préalablement passé par le tube en verre contenant les filaments imbibés d'huiles essentielles. En fonction de la musique, le voyageur humera l'odeur adaptée. À terme, le casque pourrait être couplé avec des lunettes de réalité virtuelle.

" D'après nos recherches bibliographiques, rien de tel n'existe, aucune idée de ce type n'a été brevetée ", atteste Thierry Talou.

Mais où se trouve l'innovation scientifique dans cet objet ? "C'est la conception des filaments imprégnés d'odeurs agréables qui est innovante ", explique l'ingénieur de recherche.

 Ces filaments aspergès d'huiles essentielles seront réalisés à l'aide d'une imprimante 3D olfactive, créée par eMotion Tech, une start-up toulousaine. "Cette technique avantageuse, jamais utilisée auparavant, rend l'odeur diffusée agréable. Elle ne causera aucun mal de tête, ni autre désagrément que l'on pourrait rencontrer avec des filaments normaux parfumés et non imprimés en trois dimensions ", explique Thierry Talou.

Si les makers avaient fait le choix d'un parfum liquide (au lieu des huiles essentielles) dans le tube en verre, cela aurait provoqué "une saturation du tube et une concentration trop forte au niveau du nez ", précise Thierry Talou. " À la première inhalation la sensation aurait été certes agréable mais le risque c'est que très rapidement le passager retire le casque gêné par une odeur trop concentrée donc trop forte. Il faut un mécanisme qui diffuse l'odeur de façon lente et non agressive. L'impression en 3D règle ce problème puisqu'elle répand l'odeur lentement et diminue considérablement son taux de concentration. De plus, les huiles essentielles n'auront aucun impact toxicologique sur la santé " ajoute-t-il.

Une efficacité prouvée scientifiquement

Pour l'instant même s'il ne s'agit là que d'un projet de pré-maturation, des recherches scientifiques ont été effectuées, par les concepteurs, pour s'assurer de sa fiabilité ainsi que de l'effet sur la réduction du stress en avion grâce à la combinaison senteur-musique.

" Des cas pratiques déjà existants démontrent qu'en fonction de la musique écoutée, on va générer un certain comportement. Par exemple chez les vaches, il est prouvé que lorsqu'on leur fait écouter un certain type de son, elles produisent plus de lait. Au niveau  humain, si nous écoutons des notes fortes, cela a un effet excitant, tandis que les musiques douces ont un effet calmant ", assure le professeur.

En 2001, des chercheurs de l'université de Leicester ont montré qu'une musique calme augmente de 3% la productivité en lait des vaches par rapport à une musique rythmée.

En ce qui concerne les senteurs, des expériences aromatologiques (utilisation des arômes à des fins thérapeutiques) ont démontré " que certaines odeurs sont stimulantes et d'autres au contraire, relaxantes ", affirme une fois encore Thierry Talou.

Tout au long de la conception du casque et jusqu'à fin juin 2018, date de finalisation du premier prototype, l'équipe en charge du projet devra trouver une multitude de duos musique-odeur compatibles et anti-stress.

" Nous n'avons pas encore la maquette en ce qui concerne la connectique son et senteur, mais nous avons déjà une petite idée. Nous savons que notre choix se portera sur des musiques douces, presque classiques et des huiles essentielles à base d'extraits naturels de menthe et de lavande qui ont des vertus calmantes ", indique-t-il.

Co-financé par la région Occitane

Le coût de ce projet ambitieux et innovant s'élèverait à 60 000 euros, financé " à 60% par l'INP de Toulouse, essentiellement de la valorisation des salaires des fonctionnaires. Et à 40% par la région Occitanie qui souhaite s'inscrire dans le projet Print 4D ", explique le chercheur.

Si pour l'instant Thierry Talou estime qu'il " n'existe pas encore de marché pour ce produit ", il a tout de même certaines ambitions. "L'idéal, serait de fournir des compagnies aériennes, des entreprises qui aménagent les avions comme Air Support, voire le géant de l'aéronautique toulousain Airbus. Ce serait une façon de promouvoir le savoir-faire régional ", espère-t-il.

Une fois le premier modèle fabriqué (fin juin 2018), le casque audio olfactif C2AO sera présenté à l'EuroScience Open Forum (ESOF) du 9 au 14 juillet 2018 à Toulouse, ainsi qu'au salon Midinnov en juillet 2019.