Toutelectric : les salariés dénoncent des irrégularités dans la procédure de plan social

Rachetée par Rexel en 2012, l'entreprise toulousaine est sous le coup d'un Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE). 100 emplois sont menacés.

Rachetée par Rexel en 2012, l'entreprise toulousaine est sous le coup d'un Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE). 100 emplois sont menacés. Suite à l'interview du président de Rexel France, Patrick Berard, publiée par Objectif News le 21 février 2013, des salariés de Toutelectric ont souhaité réagir aux propos de la direction. Sous couvert d'anonymat, ils dénoncent le manque de probité dans l'application des procédures, les tromperies et les non-dits de la direction.

Toutelectric, fondé en 1937 à Toulouse, possède une quarantaine de magasins dans le Sud de la France. Propriété du groupe Rexel depuis début 2012, la Société Commerciale Toutelectric s'appelle désormais Société Coaxel Toulousaine (SCT) et fait l'objet d'un PSE. Une centaine d'emplois, sur les 290 que compte actuellement l'entreprise, est menacée par la restructuration. Le siège social basé à Toulouse va fermer.

Dans une interview, publiée sur notre site le 21 février, Patrick Berard, président de Rexel France et directeur général Europe du Sud, avait livré son point de vue sur ce PSE. Surpris par ses déclarations, des salariés, sous couvert d'anonymat, ont voulu apporter certains éléments au dossier "permettant d'objectiver la situation réelle" alors que la procédure est toujours en cours.

Non respect des procédures
Suite à de nombreuses irrégularités dans la procédure, constatées par les salariés et l'Inspection du travail, la première version du PSE a été annulée par le Tribunal de Grande Instance de Toulouse. L'ordonnance de référé du 30 novembre 2012 a contraint les dirigeants de la SCT à reprendre au point de départ les procédures d'information-consultation qui avaient été entachées d'infractions à la loi, notamment sur les délais de communication des informations au comité d'entreprise.

Des infractions sur la forme qui ne remettent pas en cause le bien fondé du plan social. Un nouveau PSE a ainsi été lancé fin décembre 2012. Mais le dialogue entre la direction et les salariés demeure difficile selon ces derniers. Ils ont obtenu de la direction la constitution d'un Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), après 6 mois de réclamation.

Le salarié interrogé donne un autre exemple : "Le docteur de la médecine du travail doit être invité aux réunions du CHSCT qui est chargé d'évaluer l'impact du PSE sur les conditions de travail. Un jour, constatant son absence à une réunion, la direction a assuré aux membres du comité que le docteur s'était excusé de ne pas pouvoir être là. Mais au cours de la séance, le médecin est arrivé. Il n'avait pas été convoqué, il était venu car il se rappelait qu'une réunion devait se tenir à cette date."

L'avis de l'Inspection du travail

L'Inspection du travail, qui veille à la conformité des procédures, ne souhaite pas s'exprimer sur la procédure en cours car elle est soumise à une obligation de confidentialité. L'un des inspecteurs du travail en charge du dossier reconnaît cependant que "la procédure dure, cela est gênant pour les salariés au quotidien, ce n'est pas très bon pour le climat social". Habituellement une telle procédure se déroule sur deux ou trois mois en moyenne. Le PSE chez SCT a débuté il y a huit mois.

Précisions aux propos de la direction
Le salarié interrogé a également tenu à préciser voire contredire certaines déclarations de Patrick Berard dans l'interview que nous avions réalisé en février.

En février dernier, Patrick Berard déclarait que "le PSE tel que nous l'avons préparé ne nous ramènera pas à l'équilibre". Une vision que conteste le salarié qui estime que "le PSE doit ramener les comptes de la SCT à l'équilibre. Le but d'un PSE, au minimum, c'est de rétablir l'équilibre, sinon ça ne sert à rien."

Le salarié de la SCT a également voulu nuancer ces propos de Patrick Berard: "Rexel a mis à disposition une ligne de crédit de 50 millions d'euros pour permettre à Toutelectric de reconstruire son stock, son fonds de commerce et d'avancer". Selon le salarié interrogé, "dans les 50 M€, il y a 10 à 15 M€ de fonds de roulements et seuls 20 M€ représentent des investissements."

Concurrence interne et bug informatique
Les salariés critiquent le comportement de la direction sur certains points et émettent des doutes sur les intentions réelles de Rexel. "Rexel a racheté Toutelectric pour son fonds de clientèle, il a donc accès au listing client de la SCT. Certains clients ont déjà été démarchés par Rexel. La SCT a perdu des parts de marché que Rexel tente de récupérer, ce qui accentue les pertes pour la SCT." Une concurrence interne que dénoncent les salariés de Toutelectric.

L'autre point qui cristallise l'incompréhension des salariés de la SCT face aux choix de leur nouvelle direction, est le système informatique de gestion. Celui de la SCT ne fonctionne pas correctement. C'était le cas au moment du rachat, Patrick Berard le reconnaît. Les salariés reprochent à la direction de Rexel de n'avoir rien fait depuis un an, pour améliorer cela, "alors que le cœur du travail passe par l'informatique, notamment pour les achats et l'émission de devis aux clients".
Le CE de la SCT a toutefois été consulté à ce sujet il y a sept mois. Il a alors émis un avis favorable au changement de système informatique de la SCT pour adopter celui utilisé par Rexel. "Depuis, la bascule vers ce nouveau système n'a toujours pas été effectuée. Rexel avance un problème technique", raconte le salarié. Une version qui le laisse dubitatif. Avec ce changement de système informatique, certains salariés de la SCT se retrouveraient sans travail à faire. Le changement d'informatique n'est pas évoqué dans le PSE. "Or, la réorganisation de la SCT tourne autour de cette évolution. Rexel a opté pour une mauvaise stratégie. Elle s'est rendue compte qu'installer ce nouveau système à la SCT entraînerait, de facto, une application du PSE avant qu'il ne soit signé. Rexel bloque donc l'opération pour éviter que cela arrive."

Choc des cultures d'entreprises
Des méthodes difficiles à accepter pour ces salariés "pas habitués à être combatifs" et dont certains ont 38 ans d'ancienneté. "Toutelectric est une structure familiale, on n'a jamais été confronté à un PSE ou une fermeture d'agence." Pas de syndicat au sein de l'entreprise, le dialogue avec la direction se faisait de manière directe. "Avant, pour rencontrer le PDG, il suffisait de contacter sa secrétaire et on avait un rendez-vous dans la journée, précise le salarié interrogé. La direction doit comprendre où elle a mis les pieds, les salariés ne sont pas des dossiers mais des êtres humains."

Aujourd'hui, les salariés attendent de la direction qu' "elle donne des moyens réels pour accompagner les départs et favoriser le retour à l'emploi. Rexel a obtenu un résultat net de 319M€ en 2012. Ils ont les moyens d'accompagner, surtout dans un contexte tendu sur le marché du travail."

Vincent Pléven
© photo Rémi Benoit

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