« Moins d'avions, plus d'emplois » : les propositions chocs d'un collectif toulousain

Baisser le trafic aérien et reconvertir massivement les salariés de l'aéronautique vers des métiers issus de la transition énergétique : voici la proposition choc avancée dans un rapport par le collectif toulousain Pensons l'aéronautique pour demain. Prochaine étape : l'organisation à la mi-septembre des Assises de l'aviation pour confronter ses idées avec les responsables politiques et économiques.
La filière aéronautique emploie plus de 100.000 personnes en Occitanie.
La filière aéronautique emploie plus de 100.000 personnes en Occitanie. (Crédits : Rémi Benoit)

"Personne ne veut tuer Airbus. Nous sommes à fait conscients de tout ce qu'a apporté l'aéronautique dans notre région. Mais nous pensons que l'heure est venue d'engager une politique de diversification", résume Bruno Jougla. Salarié dans un grand groupe de l'aéronautique à Toulouse, il fait partie du collectif Pensons l'aéronautique pour demain qui publie mardi 31 août un rapport intitulé "Moins d'avions, plus d'emplois : recommandations pour une transformation en une région écologiste, égalitaire, épanouie".

Parmi les co-auteurs figurent des salariés de l'aéronautique, l'association contre les nuisances aériennes de l'aéroport de Toulouse, des chercheurs et des étudiants en école d'ingénieurs, la Fondation Copernic, Attac, etc. Considérant que l'avion à hydrogène et les carburants durables ne suffiront pas à limiter le changement climatique, la rapport avance une proposition choc : engager "une baisse du trafic aérien".

"Pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5° C, le GIEC préconise au niveau mondial une baisse des émissions des gaz à effet de serre dès 2020, avec a minima -35 % d'émissions en 2030 par rapport à 2010. Le secteur aérien, dans ses plans les plus ambitieux tels que présentés par IATA prévoit le maintien des émissions de GES au niveau de 2020 (qui est 40 % au-dessus de 2010) jusqu'en 2035. Le délai mis en avant par le secteur de l'aérien pour commencer à baisser ses émissions de gaz à effet de serre est explicable : 15 ans sont nécessaires pour monter à maturité le concept d'"avion vert" avant sa mise en marché.

Pour autant, nous considérons qu'il n'est pas acceptable en l'état : chaque secteur industriel doit prendre sa part à l'effort de réduction des gaz à effet de serre. Le collectif Pensons l'Aéronautique pour Demain rejoint ainsi les partisans de la sobriété et prétend la nécessité de diminuer le niveau de trafic aérien mondial. Baisser le trafic implique une baisse du nombre d'avions en exploitation. Cela implique certainement une baisse du nombre d'avions neufs à construire, avec le niveau d'activité qui y est associé", indique le rapport.

Un coût social atténué par des reconversions massives ?

Le collectif ne chiffre pas l'ampleur de cette baisse mais une simple inflexion pourrait avoir un impact colossal sur la filière aéronautique. En mars dernier, le rapport du Shift project préconisait une baisse de trafic nécessaire à 19% d'ici à 2050 au niveau mondial pour respecter les accords de Paris, ce qui entraînerait la baisse de la construction d'avions de 55%.

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Un discours difficile à entendre en Occitanie où l'aéronautique fournit un travail à plus de 100.000 salariés et alors que la crise économique liée à la Covid-19 a fait perdre 6.200 emplois en 2020 dans la région (et 8.800 emplois en incluant la Nouvelle-Aquitaine) d'après l'Insee.

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Comment envisager une baisse du trafic aérien sans créer un marasme économique au pays d'Airbus ? "Si l'on veut re-démarrer l'emploi, c'est à travers une diversification de la région vers la transition écologique", assure Bruno Jougla. Le rapport s'appuie notamment sur une estimation conduite par le ministère de l'Environnement et l'Ademe qui tablait sur 400.000 créations d'emplois entre 2015 et 2035 à l'échelle nationale en France grâce à des politiques bas carbone. Le collectif salue les démarches de diversification déjà engagées par la région Occitanie avec le lancement d'un plan rail de 800 millions d'euros. "Il existe des compétences communes entre l'aéronautique et le ferroviaire", souligne Bruno Jougla. Plusieurs sous-traitants aéronautiques dans le Sud-Ouest amorcent déjà une diversification vers le ferroviaire, à l'instar par exemple du groupe Ségneré près de Tarbes, même si cette piste reste encore marginale à l'échelle de la filière. Le collectif voit aussi des reconversions possibles vers l'agriculture alors que la moitié des exploitants agricoles partiront à la retraite dans les dix années à venir. Depuis le début de la crise, des salariés de l'aéronautique ont déjà franchi le cap de la reconversion. À tel point que les industriels qui anticipent maintenant la remontée des cadences d'Airbus peinent à recruter.

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D'autres salariés au contraire sont très attachés au milieu aéronautique. Comment les convaincre de se reconvertir pour un métier avec souvent des salaires plus bas ? Le collectif PAD considère que les pouvoirs publics auront un rôle à jouer pour soutenir cette transition.

D'ailleurs, les auteurs du rapport veulent confronter leurs idées avec les responsables politiques et économiques à l'occasion des Assises de l'aviation. Cet événement est organisé du 17 au 26 septembre à Toulouse puis les 25 et 26 septembre à Paris en partenariat avec le collectif Notre choix (qui regroupe huit associations dont Greenpeace et France nature environnement).

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Commentaires 19
à écrit le 02/09/2021 à 9:48
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Ce pseudo collectif qui ne se prétend pas anti avion propose quand même les mêmes mesures que les antis: réduction du nombre d'avions (parce que... mais qui du besoin de transport?), retour à la terre, développement du ferroviaire, etc. Les sources c...

à écrit le 01/09/2021 à 18:52
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Le seul trafic de poids lourds en transit en France entre la péninsule ibérique et le reste de l'Europe- transit pratiquement gratuit car ils évitent les péages - consomme autant d'hydrocarbures et pollue plus - car émettant au ras du sol - que tou...

à écrit le 01/09/2021 à 18:09
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"il provoque des nuisances environnementales considérables qui nuisent au quotidien de centaines de millions de personnes." Vous avez certainement des faits à nous communiquer pour étayer ce genre d'affirmation?

à écrit le 01/09/2021 à 17:17
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comme c'est bizarre ! sur cette belle envolée lyrique ça va être le tour de dizaines de milliers de fonctionnaire de trouver des emplois mieux rémunérés . . . .

à écrit le 01/09/2021 à 14:21
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Ce ne sont pas les écologistes qui nuisent au transport aérien ! Il était déjà mal en point en 2019, le covid l'a achevé en 2020. Les raisons ? Un modèle économique imbécile, le «bas-coût/bas-prix» (low-cost). Les prix des billets étant inférieurs au...

à écrit le 01/09/2021 à 9:56
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Ok pour l'aéronautique decarbonee avec l'H2 vert ou équivalent et Airbus lancé plein pot sur cette voie, mais également avec du " kérosène" végétal issu de la filière des carburants dits verts ppalement pour l'instant orienté vers la mobilité thermiq...

à écrit le 01/09/2021 à 9:53
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Les gens qui travaillaient dans les fonderies pour l'automobile à pétrole, ils peuvent être employés à l'isolation des habitations, on a besoin de bras mais à voir si les métiers sont compatibles, c'est pas évident de changer totalement d'activité (c...

à écrit le 01/09/2021 à 9:29
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Encore un rapport qui dit y a qu'à faut qu'on ?

à écrit le 01/09/2021 à 9:27
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j aime bien les propositions de reconversion: la personne va se transformer en paysan... Quitter un emploi bien payé dans un bureau climatisé pour travailler en plein cagnard ou sous la pluie pour moins du smic ... Si la plupart des paysans n ont p...

le 01/09/2021 à 11:03
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Ce travail me rappelle les Justes de Camus. Des gens qui ont le courage de voir en face un problème systémique, le courage de remettre en question un fonctionnement qui a mené à épanouissement une société, mais qui a maintenant révélé ces limites. Tr...

le 01/09/2021 à 11:25
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Admettons qu il faut que la societe se remette en question et qu il faille reduire le personnel dans l aero. Qui va etre volontaire pour avoir une nette degradation de ses conditions de vie meme si c est souhaitable pour la societe en general ? C es...

le 01/09/2021 à 18:10
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Et donc, concrètement, que fait-on?

à écrit le 01/09/2021 à 9:01
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Vive l"aéronautique française et le programme spatial européen Vega et Ariane. Il nous faut developper d'autres types d'avions de ligne, moins consommateurs, plus ecologiques, tout electrique ? hydrogène ? oui Airbus sait le faire et le faire à grand...

à écrit le 01/09/2021 à 2:54
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Les autres pays attendent gentiment comme d'habitude que le français scie la branche sur laquelle il est assis . Le français fera plus de kilomètres pour prendre son avion c'est tout ,sûrement en Allemagne ou Angleterre ..

à écrit le 31/08/2021 à 23:06
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Le transport aérien c'est 2% des GES. La voiture électrique pour tous est une utopie avec les technologies actuelles. Par contre limiter les voitures à 100CV et interdire les SUV, des mesures applicables à court terme, personne n'en parle...

à écrit le 31/08/2021 à 21:45
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Le transport aérien contribue à hauteur de 2 à 3% aux émissions de CO2. Il est donc d'une grande rationalité de s'attaquer à cette activité en tout premier. Par contre, la production d'électricité à base de charbon ou de gaz, aucun problème, pas plus...

à écrit le 31/08/2021 à 19:02
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Ben oui on a toujours était plus évolué dans le sud-ouest, l'héritage néandertalien certainement. :-)

à écrit le 31/08/2021 à 18:25
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Marre de ces illuminés qui salissent à longueur de journée l'aéronautique pour des raisons idéologiques. Je suis FIER de faire partie de ce secteur d'activité qui fait vivre des centaines de milliers de famille et qui fait parti des secteurs d'excel...

le 01/09/2021 à 7:13
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@MCA.L'avion ne sera jamais propre, comme tous les transports d'ailleurs. L'avion est surtout mal utilisé quand il sert le transport de masse, low cost de surcroît. Si sa pollution est négligeable dans la débauche de consommation énergétique, il pr...

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