Toulouse va-t-elle subir le syndrome Détroit ? En avril 2020, plusieurs militants toulousains (de la Fondation Copernic, Attac, de l'Université Populaire de Toulouse et des Amis du Monde Diplomatique) sonnaient l'alerte sur le risque d'une "crise économique majeure" pour la Ville rose "en raison de la situation de mono-industrie", l'aéronautique représentant plus de cent mille emplois directs.
Depuis, ces militants ont été rejoints par la coordination aéronautique de la CGT, l'association contre les nuisances aériennes de l'aéroport de Toulouse, des chercheurs et des étudiants de l'Isae-Supaero pour former le collectif Pensons l'aéronautique pour demain (PAD). Un an après le début de la crise sanitaire, le mouvement a dévoilé ce jeudi 4 mars son texte fondateur avec de nombreuses propositions chocs.
Sceptique sur l'avion à hydrogène
Alors que les industriels planchent sur la promesse d'un avion à hydrogène pour 2035, cette option laisse sceptique le collectif PAD.
"Pour faire voler tous les avions qui décollent de Roissy Charles-de-Gaulle à l'hydrogène, il faudrait l'équivalent de l'énergie produite par 16 réacteurs nucléaires ou par des panneaux photovoltaïques disposés sur une surface équivalente à un département français", a calculé Clément Boone, membre de l'Atelier d'écologie politique (Atécopol) qui regroupe des chercheurs toulousains réfléchissant aux multiples aspects liés aux bouleversements écologiques.
"Le trafic aérien doit diminuer. C'est une nécessité pour répondre aux enjeux climatiques. Les mesures d'efficacité sur le transport (réduction des temps de roulage à l'aéroport, amélioration des trajectoires de l'avion, ndlr) ne suffiront pas", plaide de son côté Maxime Léonard, ingénieur à Airbus et délégué CGT. Des propos qui font écho au rapport publié le 3 mars par le think tank "Shift Project" et un collectif d'anciens et actuels étudiants de l'Isae-Supaero baptisé "Supaero-Decarbo" estimant qu'il faudrait une baisse du trafic aérien mondial de 19% à l'horizon 2050 pour respecter les Accords de Paris.
Des quotas de voyage
Pour faire baisser le trafic aérien, "l'idée de quotas de voyage fait son chemin", relève Pascal Gassiot, membre de la Fondation Copernic. Le texte du collectif toulousain évoque des quotas de voyage par personne et par an, des jours de congés supplémentaires pour les voyageurs qui optent pour le train, la possibilité de poser deux fois dans sa vie un congé voyage de six mois via des transports lents, etc.
"Nous ne sommes pas du tout un collectif contre l'aviation. Au contraire, nous voulons proposer des solutions qui permettent de poursuivre l'aviation, mais dans une perspective modérée, pour répondre à la fois aux différents enjeux écologiques, économiques et sociaux", poursuit Maxime Léonard.
Sur le volet économique, la priorité du collectif est de sortir Toulouse de sa dépendance au secteur aéronautique en opérant une reconversion massive des emplois et des moyens de production au service de la transition écologique : utiliser les compétences de la filière aéro pour produire des chauffe-eau solaires, de la méthanisation industrielle...
"Pour une démocratie aérienne"
Revendiquant une réflexion globale autour de l'organisation de la filière aéronautique, le collectif prône également une refondation de la gouvernance pour atteindre "une démocratie aérienne".
"Nous sommes en train d'étudier diverses options, de l'augmentation des participations de l'Etat dans les entreprises aéronautiques à leur nationalisation. Il existe aussi des structures de type Scop ou Scic où les salariés sont aussi actionnaires. L'idée est de remettre l'humain au centre et ne plus laisser cette logique folle s'emballer et gouverner des territoires entiers", estime Maxime Léonard.
Pour sa part, Pascal Gassiot suggère "pour la gouvernance des aéroports la création d'une société coopérative d'intérêt collectif qui regroupe dans un même organe de pilotage les collectivités locales et territoriales, les usagers de l'aéroport et les riverains". Le militant rappelle que l'aéroport de la Ville rose a été fortement marqué par sa privatisation et l'arrivée de capitaux chinois en 2015.
Des assises aéronautiques cet été à Toulouse
La prochaine étape pour le collectif est d'organiser cet été à Toulouse des assises aéronautiques pour confronter leurs idées avec les responsables politiques et économiques. "Nous voulons inviter des élus locaux, régionaux, nationaux, voire internationaux mais aussi des institutions comme la chambre de commerce et d'industrie (CCI), l'ensemble des syndicats y compris patronaux et le grand public", détaille Pascal Gassiot. "La population toulousaine va être marquée dans les années à venir par cette crise, il faut qu'elle prenne son destin en main", conclut-il.
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