Chimie verte : deux startups toulousaines cherchent des alternatives au pétrole

À la recherche d'alternatives au pétrole dans la chimie, deux jeunes sociétés toulousaines, hébergées au sein de Toulouse White Biotechnology, se sont positionnées sur le carbone d'origine renouvelable. La startup Enobraq planche sur une levure de boulanger où le CO2 remplace le sucre. De son côté, la société Pili a mis au point un colorant bleu produit par des micro-organismes.
La société Pili a mis au point un colorant bleu produit par des micro-organismes.
La société Pili a mis au point un colorant bleu produit par des micro-organismes. (Crédits : Reuters)

"99% des colorants dans le monde sont issus du pétrole. Il s'agit d'un procédé polluant et comme l'Europe a imposé des normes environnementales, les usines ont été délocalisées au Moyen-Orient ou en Asie, des régions où il n'y a pas de législation en la matière", fait remarquer Jérémie Blache, cofondateur de Pili. Cette société est l'une des deux startups hébergées au sein de Toulouse White Biotechnology, un démonstrateur de recherche créé en 2012 et spécialisé comme son nom l'indique dans les biotechnologies blanches, autrement dit l'application de procédés naturels au sein de la production industrielle (il existe aussi des biotechnologies vertes pour l'agroalimentaire et des biotechnologies rouges pour le secteur de la santé). Dans la chimie, l'usage des biotechnologies vise à diminuer l'utilisation de produits dangereux (substances inflammables ou explosives, produits cancérigènes) et à réduire les quantités de déchets en utilisant des matières premières renouvelables (on parle de chimie verte).

Des colorants fabriqués en faisant fermenter des micro-organismes

Née en mai 2015, Pili a choisi de développer des colorants à partir d'un carbone d'origine biologique, dit "renouvelable". "Dans une cuve du même type que celles que l'on peut trouver chez les brasseurs de bière, nous faisons fermenter des micro-organismes avec de l'eau et du sucre", explique Jérémie Blache. L'une des molécules ainsi produite dispose d'un fort pouvoir de coloration, il est donc possible de fabriquer via ce procédé une poudre ou une pâte colorante qui pourrait servir aux besoins industriels, notamment du marché du textile. La startup a déjà produit un kilo de colorant de couleur bleue l'an dernier. D'ici 2019, elle aimerait créer une usine en France pour produire à grande échelle ce colorant. "Cela permettrait de relocaliser en France cette activité", souligne l'entrepreneur.

Il relève par ailleurs que ce procédé de fabrication permet un meilleur rendement, comparé aux colorants végétaux (autrement dit, directement extraits d'une plante).

"La production végétale offre des rendements trop faibles. Par exemple, 40 000 tonnes d'indigo sont utilisées chaque année pour fabriquer la couleur des jeans. Il existe une plante, l'indigotier, qui produit cette couleur, mais il faudrait une surface agricole équivalente à la taille de l'Allemagne pour en récolter suffisamment pour remplacer les colorants chimiques. Avec notre méthode, il faudrait seulement une surface équivalente à une piscine olympique", détaille le cofondateur de Pili.

La startup espère lever 2,5 millions d'euros pour poursuivre son activité sur 3 ans et estime qu'il faudrait 15 à 80 millions d'euros de fonds pour créer une usine.

Une levure nourrie au CO2 à la place du sucre

Première biotech à naître au sein de Toulouse White Biotechnology (TWB), la startup Enobraq a de son côté mis au point une levure de boulanger génétiquement modifiée pour pouvoir se nourrir de CO2 et d'hydrogène en remplacement du sucre dans le processus de fermentation industrielle. Sa technologie vise donc à utiliser le CO2, l'un des principaux gaz à effet de serre, comme source de carbone renouvelable. La levure ainsi produire pourrait servir à fabriquer un biocarburant comme l'éthanol, ou des arômes, et constituer ainsi une alternative à la pétrochimie et ses procédés très polluants.

Autre avantage, ce procédé constituerait une alternative moins onéreuse et volatile que les cours du sucre. "Actuellement, la tonne de CO2 est vendue à 300 dollars alors que la tonne de CO2 coûte dix fois moins cher", note Pierre Monsan, directeur de TWB. "Nous estimons que nous pouvons réduire les coûts de fabrication de la levure de 30 à 50%", annonce Christophe Dardel, le directeur général d'Enobraq.

En 2016, la startup a déjà levé 2,9 millions d'euros auprès des fonds de capital-risque et d'amorçage Sofinnova, Auriga, IRDInov et CEA Investissement. Une fois la preuve de concept apportée, Enobraq prévoit une nouvelle levée de fonds de 10 à 15 millions d'euros pour accélérer sa production jusqu'à atteindre un rythme industriel.

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