Cela fait 10 ans que Luc Truntzler travaille sur des chatbots, une éternité dans une filière aussi jeune.
"En 2009, on parlait alors d'agents virtuels. La société espagnole Inbenta s'est lancée sur le sujet en développant une technologie de traitement automatique du langage capable de répondre automatiquement aux questions que vont poser les clients sur internet ou les collaborateurs d'une société. Il y a eu un bad buzz en 2011 car à l'époque les chatbots avaient un avatar et les clients s'attendaient à reproduire une conversation humaine alors que la technologie n'était pas assez mature. Pendant plusieurs années, plus personne n'en voulait.
Finalement, en février 2016 quand le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, a annoncé l'intégration d'agents virtuels dans Messenger, cela a créé un nouveau buzz. Et Inbenta était déjà prête", se remémore l'entrepreneur.
80 banquiers et assureurs ont adopté les chatbots d'Inbenta
Diplômé de l'Insa de Toulouse, Luc Truntzler a fait la rencontre d'Inbenta à Barcelone alors qu'il travaillait pour Telefonica (l'équivalent espagnol d'Orange). Il quitte ce job et commence à vendre la technologie d'Inbenta à de grands comptes français comme Butagaz ou la Maaf. En 2012, il repart s'installer dans la Ville rose pour y créer la branche française d'Inbenta.
"Aujourd'hui, nous travaillons avec 80 banquiers et assureurs : Crédit Agricole, Société générale, Banque postale la Caisse d'Épargne, Axa, Allianz, Maaf, Mma... ", énumère le dirigeant.
La jeune pousse se prépare à passer à l'étape supérieure en ne proposant plus uniquement des réponses automatiques aux messages textes des clients. Inbenta France veut intégrer deux autres disciplines de l'intelligence artificielle, à savoir la reconnaissance et la synthèse vocales, dans la tête d'un robot capable de répondre de vive voix aux questions des usagers. La startup a travaillé sur ce projet avec Cybedroid, société basée à Limoges et qui conçoit des robots humanoïdes (se rapprochant de l'apparence humaine). Il sera testé pour la première fois fin mars dans l'agence Wilson du Crédit Agricole à Toulouse.
Le robot sera bientôt testé dans une agence bancaire à Toulouse (Crédits : Rémi Benoit).
"Jusqu'à présent les expérimentations dans les agences bancaires ont été faites en positionnant une tablette sur le torse du robot, ce qui revient à le transformer en support à tablette. Nous voulons casser cette dynamique. Lors de l'expérimentation toulousaine, le robot utilisera la reconnaissance faciale pour identifier un humain et lui demander quelle est sa question. Il sera capable de mener un dialogue comme avec un chatbot sur internet mais avec la voix", explique Luc Truntzler.
Le robot n'a pas vocation à remplacer les conseillers bancaires. Pour l'instant, il sera capable de répondre à des questions simples ou de donner des informations complémentaires.
"Par exemple, je viens chercher mon chéquier ou ma carte bancaire. Le robot va ma dire que je peux me diriger à l'accueil mais également que la prochaine fois je peux me le faire livrer. Autre illustration, si je veux augmenter le plafond de ma carte, il va m'indiquer que je peux le faire à travers l'application et comment y parvenir. Il s'agit d'évangéliser sur les services en ligne", avance-t-il.
L'idée à terme est aussi de permettre que le robot se concentre sur les questions à faible valeur ajoutée et que les conseillers se concentrent sur des demandes plus complexes. "Ils pourraient monter en compétence et cela aboutirait au final à plus d'échanges humains. Après, cela implique que les banques jouent le jeu et forment les collaborateurs pour qu'ils montent en compétence", poursuit-il.
L'entrepreneur prévient : il s'agit d'une expérimentation pour "tester la technologie, l'acceptabilité et l'utilité du robot, il est possible qu'au bout d'une semaine cela ne fonctionne pas".
"À l'aéroport de Genève, quand un robot a été testé, au début forcément des gens ont dit que c'était ridicule ou dangereux. Mais au final, les conseillers étaient contents de ne plus avoir à répondre à des questions répétitives du genre 'où sont les toilettes ?'", fait remarquer le gérant.
Pour faire face à ces nouveaux projets, Inbenta prévoit de recruter sept personnes cette année, notamment des linguistes-informaticiens. Une poignée d'établissements en France propose des masters débouchant sur ce métier peu connu, et notamment l'Université Jean-Jaurès à Toulouse où Inbenta a déjà beaucoup recruté. La société recherche par ailleurs des développeurs. Après avoir réalisé un chiffre d'affaires de 2,8 millions d'euros en 2018, elle espère atteindre les 4 millions cette année.
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