"C'est simplement une mise à jour de StopCovid. Pour des raisons politiques, son nom a été changé avec un nouveau logo. Mais le principe reste le même et les défauts de StopCovid sont toujours présents", lance Baptiste Robert.
Ce hacker toulousain a pu scruter le code source de l'application mis en ligne dès mercredi à la veille du lancement de Tous AntiCovid. Dans une interview à La Tribune en mai dernier au moment du lancement de StopCovid, il fustigeait déjà le principe même de l'application de traçage numérique de contacts dans la lutte contre la Covid-19 :"Le virus touche principalement les personnes âgées. Chez les plus de 70 ans, seulement 44% ont un smartphone. Ce qui veut dire que plus de la moitié des personnes à risque sont exclues".
Ensuite, Tous AntiCovid comme StopCovid, continue d'utiliser la technologie Bluetooth... à condition que l'utilisateur pense à l'activer à chaque fois. L'application ne sera donc pas active en permanence en arrière-plan, sans parler d'incompatibilité technologique.
"La France ne s'est pas mise non plus à utiliser les API de Google et Apple concernant les notifications de proximité. Apple et Google ont mis au point un système de notifications dans le système d'exploitation de manière à faire du contact-tracing sans limitation. Mais la France voulait son propre système. Elle continue à utiliser un système différent mais surtout incompatible. Nous sommes en dehors de l'effort européen sur l'interopérabilité entre les applications."
Baptiste Robert relève que "la seule nouveauté dans #TousAntiCovid est la section News qui montre les "Chiffres clefs" et les "Dernières nouvelles". Dans la section "More": "Testing locations" et "Curfew certificate" ne sont que des "liens qui redirige vers les sites du gouvernement." Impossible donc de remplir son attestation directement dans l'application.
De quoi craindre un nouvel échec après le bide rencontré par StopCovid. Ce jeudi 22 octobre, seulement 2,7 millions de Français ont déjà téléchargé l'application, 13 000 personnes se sont déclarées positives et 800 notifications ont été envoyées à de potentiels cas-contact.
"Et encore, il y a forcément des faux positifs, autrement dit des personnes identifiées comme cas contact alors que ce n'est pas le cas (l'appli avait pris comme définition une personne localisée via les données Bluetooth pendant 15 min à moins d'un mètre d'un utilisateur ensuite testé positif, ndlr). Nous avions estimé pendant les tests le taux de faux positifs à 20%. Sur les personnes restantes ayant reçu une notification, combien ont été se faire tester et ont su qu'elles avaient la Covid ? Sachant que le taux de positivité avoisine les 10%. Si grâce à StopCovid, 30 personnes se sont découvertes positives, ce sera bien", estime Baptiste Robert.
QR codes en Allemagne, objets connectés à Singapour
Pour autant, l'ingénieur considère qu'il ne s'agit pas "d'un échec français", étant donné que partout dans le monde ce type d'applications rencontre les mêmes lacunes.
"Singapour, première à avoir instauré une application de traçage numérique des contacts, a complètement changé de modèle. Désormais, le gouvernement distribue à l'ensemble de la population des petits objets connectés qui envoient les identifiants Bluetooth. Les citoyens n'ont pas besoin d'avoir un téléphone ou de télécharger une application.
En Allemagne, un système basé sur un QR code commence à se répandre. Quand un habitant entre dans un bâtiment ou un commerce, il doit flasher un QR code, permettant de tracer qu'il était à cet endroit à telle heure. Ce système pose plein de limites en matière de vie privée et de santé mais on se rend compte que les applications de contact-tracing sont une fausse bonne idée", cite Baptiste Robert.
Le gouvernement avait envisagé un temps mettre en place un système de QR code pour remplacer les carnets de rappel à l'entrée des restaurants. "Mais un système demande toute une organisation dans la vraie vie (comme des QR codes à placer devant tous les commerces, ndlr). Or, Tous AntiCovid a été annoncé il y a douze jours par Emmanuel Macron. En un laps de temps aussi court, on ne peut pas créer une nouvelle application. C'est un coup de com' désespéré", poursuit-il.
"On modélise avec les mathématiques mais on oublie souvent l'humain derrière. Il existe une question d'éducation pour que les citoyens utilisent la technologie. Nous avons également besoin de personnes pour effectuer ce travail de traçage, c'est un vrai métier. L'enjeu n'est pas aussi simple que de dire je crée une application", conclut Baptiste Robert, résolument opposé au solutionnisme technologique.
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