La perspective peut sembler dystopique, pourtant le risque à long-terme est bien réel. L'un des grands fleuves français qu'est la Garonne, peut-il s'évaporer à l'avenir à cause de l'activité humaine et du réchauffement climatique ? La situation devient préoccupante et les acteurs locaux se mobilisent. À la mi-octobre, pendant trois jours, des experts internationaux de l'organisme Initiatives pour l'avenir des grands fleuves (IAGF) présidé par l'académicien Erik Orsenna, étaient présents dans Toulouse et sa région pour étudier le fleuve. Par la suite, une conférence avec toutes les collectivités locales concernées était organisée afin de mobiliser les citoyens sur le sujet face à l'urgence de la situation.
"Nous devons nous rendre compte de la situation que nous avons face à nous. Dans le bassin Adour-Garonne (territoire du sud-ouest français, ndlr), il y a déjà un déficit annuel de 250 millions de m3 en eau. D'ici 2050, ce déficit pourrait atteindre 1,2 milliard de m3 si rien n'est fait. C'est pourquoi il est important de réunir tous les acteurs et le grand public autour de cette question de l'eau", expliquait lors de cette conférence le préfet de la région Occitanie Pascal Mailhos, qui va être remplacé prochainement par Étienne Guyot.
Preuve de son importance, Pascal Mailhos, Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, Alain Rousset, son homologue pour la Région Nouvelle-Aquitaine et Martin Malvy, président du Comité de bassin Adour-Garonne, ont constitué en avril dernier un G4 autour de la question. Cette nouvelle organisation doit permettre le lancement d'une action commune autour des nouveaux enjeux de la ressource en eau. Par ailleurs, ce G4, à l'issue d'une réunion à Bordeaux récemment, a déclaré l'eau comme la grande cause du sud-ouest français.
Un rapport du GIEC alarmant
Mais pour certains, cette mobilisation est jugée tardive, alors que l'or bleu est vital au maintien de la vie humaine et animale.
"C'est une question que nous aurions dû nous poser de manière plus forte hier et non aujourd'hui. Le dernier rapport du GIEC doit nous amener à avoir une prise de conscience sur le sujet, qui que nous soyons", lance Alain Rousset.
Dans un rapport de plus de 400 pages, à destination des décideurs politiques du monde entier, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a alerté sur les conséquences dramatiques d'un réchauffement climatique supérieur à +1,5 %, devant le retard pris par les États en matière de rejets de CO2 par rapport aux engagements pris en 2015 lors de la COP 21 à Paris. Vagues de chaleurs plus intenses et plus régulières, augmentation du niveau des océans, etc ... Alors comment faire face à ce scénario qui semble apocalyptique ?
Un débat citoyen autour des réserves d'eau en 2019
Tout d'abord, Toulouse Métropole va investir 12 millions d'euros par an, entre 2020 et 2030, afin de réduire le taux de fuite du réseau de distribution en eau sur la Métropole, actuellement de 10%. Une initiative qui va dans le bon sens au niveau, mais qui est bien insuffisante pour économiser de la ressource en eau suffisamment à grande échelle.
"Le problème du bassin Adour-Garonne est qu'il ne dispose pas de sources de retenues. Nous avons des barrages, mais ce sont des barrages hydrauliques pour produire de l'électricité seulement", constate Martin Malvy, président du Comité de bassin Adour-Garonne, mais également ancien ministre et ancien président de la Région Midi-Pyrénées.
Alors, la préfecture de région a confié il y a quelques mois une mission au Département de la Haute-Garonne sur la construction d'éventuelles retenues en eau sur le territoire, Garonne Amont.
"Nous devons passer à l'action avec cette mission, malgré le risque après Sivens (où un manifestant opposé au barrage avait trouvé la mort, ndlr). Nous aurons terminé l'état des lieux en janvier prochain. Ensuite, de février à septembre, nous organiserons un dialogue citoyen sur le sujet, avant de publier un programme d'actions fin 2019 pour créer des réserves d'eau", explique Georges Méric, le président du Conseil départemental.
Un marché de l'eau serait-il la solution ?
Seulement, créer des réserves d'eau ne sera pas l'unique solution. Il est également primordial que les citoyens, les industriels, et les agriculteurs revoient leurs manières de consommer l'eau. D'après Martin Malvy, "l'agriculture consomme 70 % de l'eau et un quart des agriculteurs français se trouve sur le bassin Adour-Garonne".
Pour changer les usages, la création d'un marché de l'eau est-elle une solution viable ? En Australie, un droit de l'eau vient d'être instauré. Autrement dit, un marché de l'or bleu a été créé, avec un système de comptabilité adéquate, dans lequel les acteurs publics et privés achètent et vendent leurs droits de l'eau. L'objectif est bien évidemment de mieux gérer cette ressource et cela semble fonctionner. D'après une experte de l'IAGF, ce nouveau système aurait déjà permis d'économiser 1 500 gigalitres (milliards de litres) en une année en Australie et à terme les autorités espèrent atteindre une économie de 2 700 gigalitres.
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