Toulouse : "une terre de conquête" pour Suez

Depuis le 19 mars, Marie-Ange Debon est la nouvelle directrice générale adjointe en charge de l'activité eau et déchets en France au sein de Suez. Auparavant en charge de la division internationale du groupe, la dirigeante a pour mission de développer les activités de Suez en France, notamment dans les grandes villes dans un contexte de réchauffement climatique. Ainsi, Suez s'est positionné comme candidat pour devenir le prochain opérateur de la délégation de service public de l'eau et de l'assainissement pour Toulouse Métropole. Entretien.
Marie-Ange Debon est en poste depuis le 19 mars dernier.
Marie-Ange Debon est en poste depuis le 19 mars dernier. (Crédits : Rémi Benoit)

La capitale italienne, Rome, a connu un manque d'approvisionnement en eau récemment ce qui a entraîné des coupures pendant plusieurs heures au sein des habitations. Un village dans le Cantal, Vieillespece, connaît des problèmes similaires. Ces épisodes liés à la sècheresse risquent-ils de se multiplier dans les prochains mois ou années ?

La ville de Rome, dont nous sommes l'un des opérateurs en charge de la gestion de l'eau et de l'électricité, a effectivement fait face à des coupures mais uniquement la nuit. Elles n'ont pas été très nombreuses car nous avons réussi assez vite à établir des mécanismes de réduction de la pression de l'eau.

À cause du dérèglement climatique, il risque d'y avoir de plus en plus d'épisodes de sécheresse de ce genre et déjà d'autres villes ont connu cette situation par le passé. L'un de nos savoir-faire chez Suez, c'est d'anticiper au maximum ces épisodes de sécheresse. Pour y faire face, nous travaillons à des solutions de réutilisation de l'eau notamment. Mais chez Suez, nous nous concentrons également sur le phénomène des inondations. Pour cela nous déployons de plus en plus d'outils qui permettent de les anticiper et d'essayer de les maîtriser ou d'en réduire au maximum l'impact.

Des experts estiment que la solution à la pénurie d'eau serait la réutilisation des eaux usées. Qu'en pensez-vous ?

Nous avons déjà travaillé à cette solution dans plusieurs pays de l'Océanie et du Moyen-Orient notamment, qui connaissent des problématiques de sécheresse très profondes, bien supérieures à celles que connaît la France.

Nous avons, par exemple, une usine à Los Angeles (États-Unis) où nous réalisons cinq niveaux de traitement de l'eau différents, pour la recharge des nappes phréatiques, pour l'irrigation des exploitations ou bien pour les processus industriels. Quel que soit la nature des besoins de qualité d'eau, nous mettons en place un traitement plus ou moins important. Avec ce site, nous sommes capables d'aller jusqu'à de l'eau potable mais nous ne le faisons pas. Pour le moment très peu de pays autorisent aujourd'hui l'élaboration d'eau potable à partir d'eau usée.

N'est-ce pas du côté des exploitations agricoles, très gourmandes en eau, que les efforts sont à réaliser en matière de consommation de l'or bleu?

La consommation d'eau à l'échelle de la planète c'est 70 % l'agriculture, 20 % l'industrie et 10 % la population. Néanmoins, les agriculteurs développent des outils intelligents sur la gestion de l'eau, pour la réutiliser ou mettre en place le goute-à-goutte par exemple. Ils utilisent aussi la gestion informatisée de l'irrigation en fonction du climat et en fonction de l'évolution de la plantation. Il y a donc une capacité d'optimisation de l'utilisation de l'eau déjà importante dans le secteur de l'agriculture.

C'est en partie pour accompagner cette activité, que Suez a développé, grâce à des capteurs installés sur les réseaux, des outils de prédiction connectés aux nappes phréatiques et aux prévisions météo qui nous permettent de planifier et doser l'irrigation. On est ainsi capable de faire du sur-mesure. Les réseaux intelligents sont également extrêmement importants car 90 % des fuites ne sont pas visibles, nous avons donc développé un certain nombre d'outils basés sur des capteurs, de l'intelligence artificielle et des logiciels spécifiques de manière à optimiser ce rendement de réseau.

Les domaines de l'eau et de la gestion des déchets sont fortement impactés par l'émergence du numérique, comme le sont le secteur bancaire ou les télécoms par exemple. Pour cette raison, Suez essaie de se positionner sur les réseaux intelligents. Désormais, avec le numérique, il y a une capacité d'optimisation et de protection de la ressource fort notable. Le smart est donc l'un de nos grands axes de développement en France. Chaque année, le groupe Suez investit 75 millions d'euros en R&D pas uniquement dans l'innovation numérique, mais une grande partie y est consacrée.

Après le forum mondial de l'eau qui s'est déroulé le 22 mars à Brasilia, la capitale du Brésil, un chiffre est ressorti : cinq milliards de personnes pourraient être touchées par des pénuries d'eau en 2050. Comment peut-on expliquer un tel chiffre ?

Il y a des gens qui n'ont toujours pas accès à l'eau potable et il y a d'importantes zones qui doivent faire face à un stress hydrique comme l'Afrique du Nord, une partie du Mexique et des États-Unis, le Sud de la France, l'Espagne, la Chine et l'Inde. Cela ne veut pas dire que l'eau y manquera pendant plusieurs mois mais que ces zones seront obligées de gérer de manière intelligente leurs réseaux d'eau.

L'un des facteurs aggravants de ce phénomène est l'urbanisation avec de plus en plus de sols bétonnés qui ne permettent pas la recharge des nappes phréatiques et qui provoquent des inondations. C'est là qu'intervient le concept de "ville éponge", qui consiste à réinventer dans les villes des espaces de biodiversité, capables d'accueillir de l'eau et qui rechargent les nappes phréatiques. Ce concept est né dans des villes très urbanisées.

À ce propos, lors des secondes Assises régionales de l'eau organisées à Montpellier en 2017, il était estimé que des territoires de la région Occitanie pourraient faire face à un stress hydrique dès 2020. Par ailleurs, la préfecture estime actuellement le déficit d'eau à 200 millions de m3 en Occitanie. Pourquoi cette région serait plus victime de la pénurie d'eau que d'autres ?

La région Occitanie est une région très dynamique, qui doit faire face chaque année à un fort accroissement démographique, qui engendre un important phénomène d'urbanisation. Il faut ajouter à cela le changement climatique et le maintien dans la région d'une importante activité agricole et industrielle. L'ensemble de ces facteurs fait que la région Occitanie est plus exposée qu'une autre région. Les solutions résident donc dans une gestion intelligente de l'eau, une réutilisation de celle-ci et pourquoi pas sur certaines zones du littoral le dessalement de l'eau.

 Le groupe Suez s'est porté candidat pour devenir l'exploitant - dans le cadre d'une délégation de service public - des services de l'eau de Toulouse Métropole aujourd'hui gérés par Veolia. Que représente pour vous le marché toulousain ?

Aujourd'hui, à Toulouse, nous sommes plus présents dans le domaine de la gestion des déchets que dans la gestion de l'eau avec notamment la gestion de la station de traitement des eaux usées de l'aéroport de Toulouse par exemple. Pour nous, la gestion de l'eau et de l'assainissement des grandes villes est une terre de conquête, une terre où nous voulons continuer à nous développer.

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