Crise du logement : notaires, entreprises du BTP, collectivités... Tout le monde paye

L'arrêt de la construction de logements neufs, à Toulouse et ailleurs, impacte bien au-delà des promoteurs immobiliers. Si ces derniers se rabattent vers la rénovation de l'ancien, les études notariales sont quant à elles obligées de réduire leurs effectifs. La filière du BTP et les collectivités locales sont aussi touchées. Explications.
Les notaires ont commencé à réduire leurs équipes à Toulouse, face à la crise du logement neuf.

Les promoteurs immobiliers sont englués dans une crise sans précédent. Selon L'Observer, association qui rassemble tous les promoteurs installés à Toulouse, 1.829 mises en vente ont été recensées sur les six premiers mois de l'année 2023 sur l'ensemble de l'aire urbaine toulousaine. Cela représente une chute de -39% en comparaison avec le premier semestre 2022. Pour la présidente de la structure, Laëtitia Vidal, « c'est une dégringolade ».

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Pour preuve, la production de crédits immobiliers en Occitanie, dédiés aux projets de logements neufs, a difficilement dépassé les 500 millions d'euros au premier trimestre 2023, contre 850 millions un an en arrière, selon les données récoltées par la Banque de France. Une preuve supplémentaire qu'il s'agit bel et bien d'une crise du logement neuf. Au global, neufs, anciens et rénovations confondus, le volume de crédits produits dans la région atteint les 2,8 milliards d'euros sur les trois premiers mois de 2023. Douze mois en arrière, ce chiffre était de 3,5 milliards.

« Il y a un tassement, mais la production de crédits immobiliers est toujours là. Il y a moins de crédits, mais l'encours augmente (...) Il faut avoir conscience que nous n'étions pas loin d'une bulle, avec l'accès à de l'argent pas cher. C'est fini et le marché ne s'adapte toujours pas », commente Christine Bardinet, la nouvelle directrice Occitanie de la Banque de France.

Davantage d'auto-entrepreneurs dans le BTP

Dans ce contexte, la peur d'une casse sociale est de plus en plus forte au sein des promoteurs immobiliers. Ces dernières semaines, les rumeurs vont bon train face à cette crise du logement autour de fermetures d'agences voire d'opérations de croissance externe à Toulouse comme ailleurs. « C'est une crise hyper violente, le marché du logement est gelé. Et désormais les mises en vente chutent non pas parce que les permis ne sont plus accordés par les services d'urbanisme des villes mais parce que les promoteurs ne déposent plus de demandes de permis alors que les besoins en logement sont là », observe Renaud Lloret, le président de Sopic Occitanie.

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Pour ces professionnels, l'heure est désormais à la diversification, dans des proportions bien plus importantes qu'auparavant. Le Toulousain LP Promotion vient, par exemple, de boucler un financement de 34 millions d'euros, pour développer son réseau de résidences gérées. « Nous allons davantage sur la rénovation du logement ancien », plaide de son côté Renaud Lloret. Réhabiliter l'ancien et l'adapter aux nouveaux enjeux énergétiques est le nouveau filon de la filière du bâtiment par conséquent.

« Dans le bâtiment en Haute-Garonne, il y a une importante croissance ces derniers mois de ce marché. Aujourd'hui, la rénovation pèse pour 56% du chiffre d'affaires de la filière départementale (...) Les entreprises concentrées sur la construction de logements sont en difficulté et les faillites s'accumulent. Notre rôle de fédération est d'accompagner ces acteurs, dans cette phase de transition délicate, vers les métiers de la rénovation énergétique », témoigne Emile Noyer, le président de la fédération du bâtiment et des travaux publics de la Haute-Garonne (3,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an).

Fait à souligner, la Banque de France a remarqué sur l'Occitanie une explosion du nombre de créations d'entreprises sous le statut d'auto-entrepreneurs spécifiquement dans le BTP, spécialisés sur la rénovation générale et la rénovation énergétique. « Dans cette filière, les salariés préfèrent être indépendant par de l'intérim ou avoir leur propre entreprise », commente Christine Bardinet, ce qui témoigne de l'inquiétude qui règne dans la filière.

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Plusieurs dizaines de millions d'euros en moins pour le Département

Les chantiers étant moindres dans le logement neuf, au profit parfois de l'ancien via de la rénovation, les études notariales se retrouvent aussi victimes de cette conjoncture par ricochet.

« Il y a indéniablement un impact sur les offices notariaux que nous avons commencé à ressentir à la fin de l'année 2022. Tout d'abord, les études ont commencé par ne plus prendre de stagiaires, puis elles n'ont plus renouvelé les CDD. Maintenant, nous constatons que les études optent pour des ruptures conventionnelles et licencient du personnel. C'est simple, jusqu'au début de l'année 2023 nous ne recevions pas de CV malgré des postes à pouvoir et maintenant nous en recevons », constate maître Philippe Ruquet, le président de la Chambre interdépartementale des notaires à Toulouse.

Selon le porte-voix local d'une profession qui emploie 50.000 personnes en France, ce sont les études principalement urbaines et concentrées sur la promotion immobilière qui sont le plus touchées. « Certaines s'étaient staffées spécialement pour répondre à la demande autour du dispositif Pinel (qui offre une défiscalisation dans le cadre d'un logement acheté puis loué, ndlr). Avec la fin de ce dispositif annoncé pour la fin de l'année 2023, que vont devenir ces équipes ? », s'interroge le représentant. En plus d'un impact social chez les notaires, cette chute des transactions immobilières touche aussi les ressources des collectivités locales. Les droits de mutation à titre onéreux (les DMTO, un impôt partagé entre les départements, les communes) diminuent ne peut que constater le conseil départemental de la Haute-Garonne.

« Le département est sur une trajectoire de l'ordre de -20 %. Pour rappel, les DMTO en 2022 se sont élevés à 363 millions d'euros (...) Face à cette baisse, le président du conseil départemental, Sébastien Vincini, a souhaité accélérer la maîtrise des dépenses de fonctionnement pour privilégier le maintien des capacités d'investissements de la collectivité », souligne la collectivité.

 À titre de comparaison, la ville de Paris aurait perdu 500 millions d'euros rien que sur l'année 2023.

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