Tour Occitanie : un gratte-ciel qui fait des vagues (2/7)

Une tour de 150 mètres de haut va pousser dans le quartier de la gare toulousaine. La tour Occitanie doit être le point de départ d’un nouveau quartier d’affaires en plein centre-ville. Mais certains riverains s’interrogent : quid de la mixité sociale ?
Au printemps, on estimait que la tour verrait le jour en 2022, à condition que les travaux commencent à l’été 2019.
Au printemps, on estimait que la tour verrait le jour en 2022, à condition que les travaux commencent à l’été 2019. (Crédits : Compagnie de Phalsbourg)

Un gratte-ciel au milieu des immeubles de briques roses. C'est l'idée portée par la Compagnie de Phalsbourg, qui a remporté en mars 2017 le concours lancé par Toulouse Métropole et SNCF immobilier pour la réhabilitation de l'ancien bâtiment du tri postal dans le quartier de la gare.

"La tour Occitanie s'élèvera sur 150 mètres de haut avec 38 étages. Elle comprendra 126 logements haut de gamme, 14 plateaux de bureaux de 13 000 m2, un hôtel Hilton 4 étoiles de 116 chambres et deux restaurants", détaille Philippe Journo, PDG de la Compagnie de Phalsbourg qui investit 130 millions d'euros dans le projet.

Pour celui-ci, le promoteur s'est entouré de l'architecte toulousain Francis Cardete et de l'américain Daniel Liebsking, à qui l'on doit le nouveau site du World Trade Center à New-York. Il a également fait appel au paysagiste Nicolas Gilsoul, chargé d'implanter 420 arbustes le long de cette tour végétalisée.

Des bureaux de grande taille pour les entreprises

Pour Jean-Luc Moudenc, le président de Toulouse Métropole, "la tour Occitanie est symbolique d'une ambition nouvelle de Toulouse en matière architecturale". Autrement dit, porter le message qu'on ne construit pas que de la brique rose à Toulouse. Il espère que le gratte-ciel "va créer un effet d'entraînement pour la construction d'un quartier avec d'autres tours aux dimensions plus modestes d'ici 2030-2035".

"Nous allons créer un poumon économique supplémentaire au cœur de la métropole qui est aujourd'hui avant tout un centre-ville commercial. Les entreprises qui depuis des années ne peuvent pas s'installer dans le centre-ville, faute de locaux contemporains de grande superficie, vont pouvoir y venir », avance Jean-Luc Moudenc.

Le maire toulousain a estimé au printemps dernier que la tour Occitanie verrait le jour en 2022 à condition que les travaux commencent à l'été 2019. Au niveau administratif, un permis de construire a été déposé en juillet dernier et le projet a reçu un avis favorable de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture.

Quid de la mixité sociale du quartier ?

Mais la tour Occitanie est confrontée à un flot de critiques ces derniers mois, qui pourrait retarder la mise en œuvre du programme. La première concerne la mixité sociale du projet. Début octobre, les associations Non au gratte-ciel de Toulouse, Droit au lodgement 31 et les Amis de la Terre Midi Pyrénnées, devaient déposer un recours contentieux contre une délibération municipale qui exonère la Compagnie de Phalsbourg de mettre des logements sociaux dans la tour.

"On brade un bien public à un opérateur privé au profit d'une gentrification. Nous craignons un apartheid social avec d'un côté un quartier d'affaires réservé aux riches et de l'autre des logements sociaux. On va détruire la mixité sociale", s'alarme Richard Mébaoudj, membre du collectif Non au gratte ciel de Toulouse.

Ce commercial à la retraite vit près de la rue Bayard, un quartier dont il apprécie "l'ambiance conviviale", où l'on croise aussi bien "le quart-monde que les grands bourgeois". "Le gratte-ciel pourrait vendre des appartements à 7 000 euros le m2 alors que les prix dans le quartier sont plutôt autour de 4 000 à 5 000 euros. Si les loyers augmentent dans quelques années, ce sont quelques dizaines de milliers de personnes qui n'auront plus le droit au centre-ville", estime-t-il.

Des charges d'entretien importantes

Des inquiétudes balayées par Annette Laigneau, adjointe chargée de l'urbanisme à Toulouse. "Je peux comprendre que modifier le PLU pour supprimer le logement social dans la tour Occitanie puisse être un élément choquant, presque discriminant mais ce n'est pas le cas. Si l'on reprend la règle de 35% de logements sociaux en vigueur sur la métropole, cela n'aurait fait qu'une quarantaine de logements sociaux. Nous avons déjà réhabilité des logements insalubres place Belfort et rue Bayard pour en faire 35 logements sociaux".

Elle souligne que le projet TESO prévoit sur l'ensemble du quartier la construction de 1 100 logements sociaux, soit plus d'un tiers des habitations programmées. L'élue pointe aussi de nombreuses contraintes imposées par le gratte-ciel et la végétalisation de la tour qui alourdissent les charges de l'immeuble : "Un bailleur social ne va jamais pouvoir assumer le financement de charges aussi importantes. D'ailleurs, il n'y a pas un bailleur social qui nous a dit 'je veux mettre des logements sociaux dans la tour Occitanie', c'est absurde !"

Le promoteur Philippe Journo abonde : "Une tour de cette hauteur impose la présence 24h/24 d'un PC sécurité avec des pompiers. Cela ajoute 15 euros de charges au m2. C'est un luxe qu'il faut pouvoir se payer". Cependant, "le toit panoramique qui offrira une vue imprenable sur la Ville rose sera accessible à tous les Toulousains gratuitement, sans obligation de consommer au restaurant gastronomique".

Le volet environnemental laisse aussi dubitatif le collectif Non au gratte-ciel.

Pour Richard Mébaoudj, "la végétalisation est un pur argument marketing puisque celle-ci ne commence qu'au 8e étage. La tour est en verre et les arbres seront mis dans des pots cela n'a rien à voir avec une forêt. Et puis on a très peu de recul sur ces immeubles végétalisés puisque celui qui fait référence est né à Milan en 2014. Ensuite, le manque de circulation de l'air autour de la tour va accentuer les îlots de chaleur urbains".

La compagnie a dû faire face à une autre polémique, puisque l'association de quartier des Chalets-Roquelaine a estimé que l'ombre portée de la tour Occitanie pourrait faire perdre jusqu'à 1h30 d'ensoleillement par jour en hiver aux habitants du boulevard Bonrepos et de la rue Bayard. Des assertions là aussi contestées par la Compagnie de Phalsbourg. Pour déminer les tensions sur place, le promoteur a prévu d'organiser cinq rencontres avec les habitants dans le courant du mois d'octobre. Pour Jean-Luc Moudenc, "l'opposition à la tour reste marginale", considérant qu'à l'approche des municipales, la tour Occitanie est devenue un sujet hautement politique.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 22/03/2019 à 7:57
Signaler
Cette Tour, si elle est construite, risque d être à la charge des contribuables dans quelques années. C est un projet demesure dans un espace encaissé et très resserré au pied des quais de la gare, près d un pont à 4 voies de circulation et d une rou...

à écrit le 08/10/2018 à 13:58
Signaler
Hidalgo et ses délires fait des émules, semble t il. Tout comme le réflexe canin pour marquer son territoire, on "veut laisser sa trace". Les tours, désastre écologique, au moins "ça se voit"; et on pourra dire que le/les signataire/s du PdC a/ont ap...

le 09/10/2018 à 21:57
Signaler
IL n'y a pas d'interrogation sur comment faire disparaître la Tour Montparnasse puisqu'elle fait l'objet d'une rénovation modernisation : Le projet de rénovation de la tour Montparnasse prévoit de profonds changements au niveau de son apparence. Sont...

à écrit le 08/10/2018 à 10:12
Signaler
Le projet de tour est intégré à la ZAC teso qui comprendra 35% de logements sociaux. Je ne comprends pas l'argument des opposants du projet à ce sujet. Je m'interroge sur le bien fondé de leur argument quand en même temps ces associations ne s'émeuv...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.