"Air France à Toulouse tend à disparaître", s'inquiètent les salariés

Air France envisage la fermeture de sa base aérienne de Toulouse qui emploie 124 hôtesses de l'air et stewards. Cette annonce intervient alors que les plans sociaux s'enchaînent ces dernières années dans les effectifs de la Ville rose, deuxième bassin d'emplois de la compagnie aérienne après la région parisienne. Le dernier plan en date prévoit une centaine de suppressions de postes dont 59 à l'escale et la fermeture de l'agence de voyages du centre-ville. Les salariés craignent une disparition progressive des emplois en province. La direction de la compagnie indique de son côté que la fermeture de la base n'aurait "pas d'impact commercial sur le programme d'Air France".
Air France étudie la fermeture des bases aériennes de Marseille, Nice et Toulouse.

"Depuis quelques années, Air France se désengage des provinces. Fermer la base, c'est un signe encore plus fort qu'Air France à Toulouse tend à disparaître. La direction veut concentrer les effectifs sur Paris", lance dépité Laurent Bontemps. Il fait partie de ces salariés qui ont quitté la région parisienne pour s'installer en province et accompagner le maillage du territoire engagé par la compagnie française. "Je travaille pour la compagnie depuis 1992 et je suis arrivé en 1996 à Toulouse au moment du lancement de la navette vers Orly. Mais aujourd'hui, je ne suis pas sûr de finir ma carrière à Air France", se désole ce salarié de 53 ans en poste à l'enregistrement des passagers.

En pleine tourmente depuis le début de la crise sanitaire, Air France a enregistré sept milliards d'euros de pertes sur l'exercice 2020 et continue d'accumuler un manque à gagner de 10 millions d'euros par jour. La compagnie aérienne entend réduire son offre de 40% sur le réseau intérieur français d'ici à fin 2021. "L'an dernier, Air France et HOP ont perdu 200 millions d'euros sur le réseau domestique et nous voulons renverser cela. La nécessité d'être rentable et les deux conditions environnementales fixées par le gouvernement [en contrepartie du prêt de 7 milliards d'euros accordé pour passer la crise, Ndlr]"expliquait ainsi en mai dernier le directeur général d'Air France-KLM Ben Smith. Air France pourrait aller plus loin. Le week dernier, la direction a confirmé qu'elle "envisage la fermeture des bases aériennes pour les personnels navigants à Toulouse, Marseille et Nice".

124 emplois concernés à Toulouse

"Cela représente un effectif de 329 personnes sur les trois bases dont 124 PNC (hôtesses de l'air et stewards) à Toulouse", regrette Stéphane Pasqualini, élu SNPN FO et porte-parole du collectif SOS Base province et chef de cabine. "Les salariés sont invités à remonter à Paris avec tous les problèmes inhérents que cela pose en termes de garde d'enfants, etc", poursuit-il.

La menace de fermeture des bases aériennes en province plane depuis plusieurs années.

"C'est un serpent de mer. À chaque fois qu'on nous a dit que la base allait fermer, nous avons toujours accepté d'augmenter les cadences avec des rémunérations inférieures à celles de nos collègues parisiens. Nous avons atteint jusqu'à quatre vols par jour, ce qui représente 11h30 de TSV (temps de service en vol). Cela a bouleversé nos rythmes circadiens puisque nous nous levions à 3h du matin pour rentrer à 1h la nuit. Nous enchaînions quatre étapes sans avoir le temps de nous asseoir, ni de pause déjeuner. Air France a implanté les bases en province pour concurrencer les low-cost et maintenant elle crée une low-cost.

Aujourd'hui, alors que nous avons été en première ligne pendant la crise sanitaire pour assurer le rapatriement des ressortissants français, on nous dit du jour au lendemain que nous ne sommes plus rentables", fulmine le chef de cabine Stéphane Pasqualini.

Les salariés ont organisé un rassemblement à Marseille le 28 mars embarquant dans leur sillage les responsables politiques. Le président de la région Sud, Renaud Muselier et le président de la Métropole Nice Côte d'Azur et maire de Nice, Christian Estrosi, ont ainsi fait parvenir un courrier commun à la directrice générale d'Air France, Anne Rigail. Pour le moment, à Toulouse, le sort de la base aérienne n'a pas suscité une telle montée au créneau des acteurs politiques et économiques. Pour autant, un défilé au coeur de la Ville rose dans les prochaines semaines n'est pas exclu.

Lire aussi : Air France : quel impact la fermeture des bases de Nice et Marseille aura-t-elle sur l'économie locale ?

Vers une disparition progressive des emplois en province ?

Mais au-delà de l'enjeu autour de la base aérienne, l'inquiétude monte parmi les salariés d'Air France à Toulouse qui craignent une disparition progressive des emplois en province. "Nous ne sommes que la partie visible de l'iceberg. Si le personnel navigant remonte, la direction s'occupera ensuite des effectifs au sol", croit savoir le syndicaliste.

Ces dernières années, les plans de restructuration s'enchaînent au sein de la compagnie française. Le dernier en date, annoncé par Air France au début de l'été prévoit plus de 7.500 suppressions de postes en France. Avec un effectif d'un millier de personnes, Toulouse est le deuxième bassin d'emplois de la compagnie aérienne dans l'Hexagone. Elle dispose de plusieurs sites dans la Ville rose : l'escale à l'aéroport, un centre de maintenance industrielle, des fonctions support (commercial, etc.), l'un des trois sites informatiques d'Air France, ainsi qu'une agence de voyages.

Avec ce nouveau plan de restructuration, "un lourd impact" est attendu sur le bassin toulousain d'après Christophe Malloggi, secrétaire général de FO chez Air France.

"Sur les 241 postes à l'escale de Toulouse, 59 suppressions de postes sont envisagées d'ici fin 2022. Une soixantaine d'emplois sur un effectif de 400 personnes sont également menacés dans les services informatiques. Air France a décidé de fermer toutes ses agences de voyage, dont celle de Toulouse (située dans le centre-ville, boulevard de Strasbourg, ndlr). Les salariés seront réaffectés sur le plateau commercial ou au niveau du centre d'appel téléphoniques basé également dans la métropole. Au niveau du centre de maintenance industrielle, l'effectif devrait rester stable. Air France attend un appel d'offres sur un avion militaire", détaillait-il au mois de juillet.

Beaucoup de salariés alertent sur le risque d'arriver à une escale "réduite à peau de chagrin". "Nous sommes en train de perdre tous les vols au départ de Toulouse et in fine il ne pourrait rester que les vols vers Orly, Charles de Gaulle et Amsterdam. Tout le reste des lignes vers Strasbourg, Lyon vont passer à Transavia. Pendant la Covid, les vols à destination de Nantes sont passés à Transavia et une nouvelle ligne vers Brest est également opérée par la compagnie à bas pris. Alors même qu'en ce moment nous sommes en chômage partiel", s'alarme Laurent Bontemps.

"Le risque à terme c'est qu'on se retrouve dans le cas de figure de l'escale à Toulon qui vient de fermer ou des escales comme Strasbourg ou Montpellier réduites à moins de 50 salariés. Et puis, une fois que l'entité devient trop réduite, cela n'a plus de sens de la conserver", pointe Vincent Salles, délégué CGT Air France.

"Pas d'impact commercial" d'après Air France

De son côté, la compagnie aérienne met en avant que les fermetures des bases aériennes n'auraient "pas d'impact commercial sur la fréquence, ni sur le nombre de sièges proposés" :

"Au départ des trois villes (Nice, Marseille et Toulouse), Air France maintient la navette vers Orly ainsi que les vols opérés à destination de Paris-Charles de Gaulle. Le programme actuel est très impacté par la crise sanitaire et les mesures de confinement. À Toulouse, nous sommes passés d'une fréquence de 104 vols par semaine à 66 aujourd'hui sur la navette vers Orly mais nous tablons sur presque 160 vols hebdomadaires en cas de reprise. Dans l'hypothèse d'une amélioration sur le plan sanitaire, Air France prévoit de renouer avec un programme plus dense de et vers ces trois villes, les plus dynamiques de son réseau domestique."

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