Railcoop : « Nous avions besoin de 11 millions d'euros pour lancer Bordeaux-Lyon », regrette le PDG de la coopérative

Au lendemain d'une audience décisive au tribunal de commerce de Cahors, la direction de Railcoop est revenue sur quelques raisons qui ont mené à sa probable liquidation judiciaire. La coopérative lotoise, qui rêvait de faire du transport ferroviaire de voyageurs entre Bordeaux et Lyon, paye son statut juridique atypique dans le secteur. Les détails.
L'aventure de la coopérative ferroviaire Railcoop touche à sa fin.
L'aventure de la coopérative ferroviaire Railcoop touche à sa fin. (Crédits : Railcoop - Lucas Madebos)

« L'aventure Railcoop va s'arrêter », regrette Nicolas Debaisieux, le PDG de la société coopérative qui rêvait de lancer une ligne ferroviaire de transport de voyageurs entre Bordeaux et Lyon. Pourtant, le tribunal de commerce de Cahors (Lot) ne s'est pas prononcé hier, lundi 15 avril, lors d'une audience qui met fin à la période de redressement judiciaire de la société coopérative Railcoop.

« Le tribunal rendra son délibéré le 29 avril prochain. Néanmoins, la situation actuelle conduit à ce que nous ayons une impasse de trésorerie et que le tribunal prononce ainsi la liquidation. C'est l'issue très probable », poursuit le dirigeant présent au sein de Railcoop depuis sa création depuis 2019.

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Le point de bascule qui a mis fin à cette histoire portée par 14.000 sociétaires ? Un conflit avec son prestataire ACC M, à qui Railcoop a confié le stockage et la rénovation de ses deux rames, dédiées au transport de voyageurs et acquises auprès de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

« Nous avions une divergence sur le contrat de stockage des rames et les montants réclamés par ACC M. Après plusieurs procédures pour tenter de trouver un pacte financier, sans succès, nous avons saisi le tribunal de commerce de Clermont. Or, celui-ci nous contraint de régler immédiatement 160.000 euros pour ce contrat de stockage, contre les 880.000 euros réclamés par notre prestataire. Le tribunal nous a donc donné partiellement raison mais nous allons faire appel de la décision. Sans le paiement imposé de cette somme, nous avions de quoi couvrir nos besoins de trésorerie jusqu'au début de l'année 2025 », poursuit le dirigeant.

Néanmoins, Railcoop ne veut pas remettre la faute sur son partenaire, estimant que les faiblesses de son projet ne viennent pas d'ici et qu'il s'agit là de « la goutte d'eau qui a fait déborder le vase ». Seulement, les deux rames dont est propriétaire la coopérative sont toujours stockées chez son partenaire alors qu'un contrat de vente avait été signé  pour la cession des équipements à une entité dont le nom n'a pas filtré. Le futur liquidateur aura désormais à sa charge la vente de tous les actifs de la coopérative, dont ses rames, des certificats de sécurité et des études de marché.

Un second fonds d'investissement s'est manifesté

La vente de ses rames devait permettre à Railcoop de se dégager de la trésorerie jusqu'au lancement de son offre de transport de voyageurs entre Bordeaux et Lyon. La coopérative et ses sociétaires comptaient alors sur l'apport de fonds privés pour (re)acquérir des rames au moment venu. Les équipes étaient ainsi parvenues à obtenir des sillons de circulation pour leurs trains, à compter de l'été 2024, auprès de SNCF Réseau.

« Après avoir obtenu le soutien d'un premier fonds espagnol, nous étions en train de travailler avec lui sur un nouveau phasage du lancement de la ligne, avec un aller-retour quotidien entre Bordeaux et Lyon afin d'accueillir à bord un deuxième fonds d'investissement, qui nous avait fait parvenir une lettre d'intention en février. Nous avions besoin de 11 millions d'euros pour assurer le lancement de la ligne », fait savoir le PDG.

Malgré la réticence de certains sociétaires à faire appel à des fonds privés, la direction de la coopérative a fait le choix en fin d'année 2023 d'un modèle hybride, en faisant évoluer sa structure juridique. La SCIC devait rester l'entreprise ferroviaire du projet, mais une nouvelle entité, l'OPCO, devait être créée et agir comme une agence de voyage en récoltant les recettes d'exploitation et en achetant une prestation ferroviaire à Railcoop. En parallèle, une autre structure devait voir le jour, la ROSCO, qui achète et entretient les rames tout en se rémunérant grâce à ses locations de trains auprès de l'OPCO. Dans les deux cas, les fonds d'investissement seraient devenus les actionnaires principaux de ces deux entités et Railcoop minoritaire.

« Nous n'avons pas senti suffisamment tôt cette problématique du financement de l'ESS en France. Des sociétaires refusaient que nous ayons des soutiens du monde privé avec des marques de rejet assez fortes. Mais ce schéma hybride était le seul jouable pour mener à bien l'aventure et nous avons pris cette décision sans une réelle adhésion des sociétaires de Railcoop. Le modèle coopératif est bien pour des investissements de moindre importance, mais pas quand il s'agit de projets à 40 voire 50 millions d'euros », analyse Philippe Bourguignon, administrateur et ancien président de Railcoop.

En cinq ans, Railcoop sera tout de même parvenue à lever un total de 10 millions d'euros (sept en parts sociales et trois en titres participatifs), dont 17 % apportés par des collectivités locales. « Aujourd'hui, cet investissement est perdu », regrette Nicolas Debaisieux, qui souligne que la moyenne des souscriptions pour les personnes physiques était de 300 euros. Malgré la disparition annoncée de la personne morale, les sociétaires de Railcoop gardent l'espoir que toute cette mobilisation mènera à des résultats, avec pourquoi pas une nouvelle structure associative à terme.

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Commentaire 1
à écrit le 17/04/2024 à 13:58
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11 millions fichtre ! et avec quelle perspective de chiffre d'affaires prévisionnel basé sur combien de passagers sachant que la fréquence de départ sera un aller par jour avec retour le lendemain .A ce rythme quelle clientèle potentiel intéresser ?

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