Martial est commercial chez un sous-traitant d'Airbus. Une à deux fois par mois, il emprunte la fameuse navette Air France entre Toulouse et l'aéroport d'Orly. L'annonce par Air France de sa décision de quitter l'aéroport d'Orly pour concentrer ses opérations à Roissy et d'assurer les vols vers le sud de Paris par sa filiale low-cost Transavia l'interroge : « Je fais l'aller-retour dans la journée pour un à deux rendez-vous d'affaires. Avec des navettes toutes les demi-heures ou toutes les heures, je peux facilement modifier mon billet. Si avec Transavia, cela revient comme avec Easyjet à un vol le matin et le soir, il faut prendre tout de suite une chambre d'hôtel. Ce n'est pas intéressant », s'alarme-t-il. D'autant que contrairement à des métropoles voisines comme Bordeaux, Toulouse devra attendre encore la prochaine décennie pour voir arriver une ligne à grande vitesse pour la relier à la capitale en 3h10.
L'une des lignes les plus fréquentées d'Europe
Lancée en 1996 dans la Ville rose, la Navette s'est imposée au fil des années comme une ligne très prisée de la clientèle affaires jusqu'à atteindre 26 vols quotidiens et à devenir l'une des lignes les plus fréquentées d'Europe avec plus de 2 millions de passagers par an avant le Covid. Mais « le développement de la visioconférence, la réduction des déplacements professionnels sur le domestique et le report vers le train (sous l'effet conjugué des recommandations de sobriété et des politiques RSE des entreprises) conduisent à une chute structurelle de la demande sur le réseau domestique point-à-point d'Air France. Entre 2019 et 2023, le trafic sur les liaisons domestiques au départ d'Orly a baissé de 40%, et même de 60% pour les allers-retours journée », pointe la compagnie.
Depuis le printemps dernier, Air France a baissé de 40 % la capacité en nombre de sièges sur la navette avec une dizaine de vols quotidiens vers Orly. À compter de l'été 2026, ce sera Transavia qui sera chargée d'assurer les vols vers le sud de Paris. Le groupe assure qu'il n'y aura pas de diminution drastique des fréquences quotidiennes avec ce changement. « Les capacités du groupe entre Paris et Toulouse, Marseille et Nice seraient maintenues à hauteur de 90% de leur niveau actuel », assure Air France.
« Le Grand Sud, c'est loin ! »
« Le Grand Sud, c'est loin ! Une fois encore, nos deux régions, les plus éloignées de Paris, sont pénalisées dans leurs relations et leurs connexions avec la Capitale, dans l'attente des Lignes à Grande Vitesse (LGV) pour lesquelles nous sommes mobilisés », alerte Carole Delga, la présidente de la région Occitanie dans un communiqué commun avec Renaud Muselier, président de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, rappelant que « la bascule des lignes Toulon et Montpellier sous la bannière Transavia a entraîné une baisse criante de la qualité de service, multipliant retards et annulations. »
La décision interpelle à Toulouse. « Cette évolution ne saurait avoir pour conséquence une diminution du niveau de service, notamment de la fréquence, des vols entre Toulouse et la Capitale. Au moins jusqu'à la mise en service de notre future LGV. Je demande donc qu'un engagement solennel soit pris publiquement dans ce sens. Pour les habitants et acteurs économiques de Toulouse et de sa métropole qui n'ont d'autre choix pour se rendre physiquement à Paris, l'offre et la qualité de cette liaison aérienne sont essentielles », a ainsi réagi le président de Toulouse Métropole Jean-Luc Moudenc.
De son côté, le président de la CCI de Toulouse Patrick Piedrafita (par ailleurs président d'Airbus Opérations) indique avoir « pris connaissance avec étonnement de l'annonce ». « Cette ligne est l'une des plus fréquentées de France et est indispensable pour nos entreprises et le développement économique du territoire. Cette décision doit être analysée plus avant au regard de son impact sur le développement économique du département de la Haute-Garonne et il aurait été certainement souhaitable d'attendre l'arrivée de la future LGV qui nous situera à 3h de Paris », ajoute-t-il.
Pour sa part, le président du Medef 31 Pierre-Olivier Nau partage ces inquiétudes sur le niveau de fréquence de la desserte mais souligne par ailleurs qu'à compter de 2027 l'aéroport de Roissy pourra relier Paris intra muros via le CDG express. Il note également que « Transavia va convertir sa flotte de Boeing à 100% vers Airbus, ce qui aura un impact pour le poumon économique de Toulouse ».
L'aéroport de Toulouse mise sur l'international
En revanche, pas de réaction pour le moment du côté de l'aéroport Toulouse-Blagnac. La Navette Air France a pesé plus d'un quart de son trafic.
Dans un entretien à La Tribune le 5 octobre, Philippe Crebassa, le président du directoire d'ATB notait d'ailleurs le fort impact pour l'aéroport du « retrait du groupe Air France sur la ligne Toulouse-Orly » : « Entre l'hiver dernier et cet été, Air France a baissé de 40 % la capacité en nombre de sièges sur la navette. En parallèle, sur le mois de juin, le prix moyen du billet d'avion a augmenté de 16 % en France d'après la DGAC. Avec moins d'offres en sièges et des augmentations de tarifs en conséquence, la demande en pâtit naturellement. Résultat, à Toulouse, nous avons accueilli moins de passagers en juin 2023 sur le réseau domestique qu'en juin 2022, alors même que globalement, nous sommes toujours dans une dynamique de reprise. » L'aéroport toulousain cherche désormais à miser davantage sur l'international, d'autant que la plateforme devra à terme faire face à la concurrence de la LGV.
Les salariés de l'escale « inquiets »
Enfin du côté des salariés, « la nouvelle a fait l'effet d'un coup de massue », assure Lilian Petit, délégué syndical Force Ouvrière à l'escale d'Air France à Toulouse. « Aujourd'hui, l'inquiétude est grande. Les quelques vols vers Roissy ne suffiront pas à assurer un niveau d'activité suffisant pour l'effectif de près de 180 personnes de l'escale. En plus des annonces de la direction, nous craignions que l'arrivée prochaine de la LGV signe la disparition à terme de l'escale à Toulouse », conclut-il. De son côté, la direction assure « un impact limité sur l'emploi » qui sera géré « uniquement sur la base de mobilités ou de départs volontaires ». « Les bases des personnels navigants sur ces escales seraient maintenues », ajoute-t-elle.
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