Redressement judiciaire de Sigfox : "on s'y attendait", témoigne l'écosystème qui se veut optimiste pour la suite

48 heures après le placement en redressement judiciaire de Sigfox à Toulouse, les sentiments sont mélangés au sein de l'écosystème de la Tech. Bien que non surpris par cette annonce, ses acteurs se montrent très optimistes pour l'avenir de la société, ou du moins pour l'avenir de la technologie bas débit développée par celle que tout le monde voyait comme un futur champion français. Sigfox aurait été victime "d'attentes démesurées", selon beaucoup.
Sigfox emploie 350 personnes dans le monde, dont une grande majorité en France et plus particulièrement à Toulouse.
Sigfox emploie 350 personnes dans le monde, dont une grande majorité en France et plus particulièrement à Toulouse. (Crédits : Rémi Benoit)

Que doit-il penser ? Ces derniers jours, sa parole est demandée et son avis est espéré. Contacté par La Tribune, Ludovic Le Moan, le co-fondateur emblématique de Sigfox écarté de la direction en février 2021, n'a pas donné suite à nos sollicitations pour partager sa vision après le placement en redressement judiciaire de "son" entreprise auprès du tribunal de Toulouse.

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Silence radio également du côté du conseil régional d'Occitanie, qui a pourtant érigé en champion Sigfox, cette structure qui avait pour ambition de devenir le leader mondial de l'internet des objets (IoT) avec un réseau bas débit nommé 0G. Au sein du monde de la tech toulousaine, cette annonce est tout sauf une surprise.

"À Toulouse, l'écosystème avait l'information depuis quelques semaines que les choses n'allaient pas au mieux. Alors, pour l'univers de la tech au niveau national, c'est une surprise voire une découverte que ça tombe maintenant, mais en local nous savions que cette décision était imminente", témoigne un entrepreneur toulousain.

Un autre représentant de la tech dans la Ville rose fait savoir que des difficultés financières étaient partagées dès le mois de décembre avec les salariés de Sigfox, par la direction, préparant ainsi les esprits.

"Depuis des années, cela se savait que Sigfox avec des difficultés financières. Ils ne pouvaient pas tenir comme ça très longtemps, ce n'est pas possible donc on s'y attendait et même, on s'y préparait", témoigne Henri Bong, le dirigeant d'Unabiz, l'opérateur partenaire de Sigfox, en charge du réseau bas débit à Taïwan et Singapour.

Les attentes autour de Sigfox trop grandes ?

Révélés par La Tribune, jeudi 27 janvier, les résultats financiers de Sigfox, entre 2017 et fin 2020, sont plus que mauvais elle qui ne communiquait plus aucun chiffre depuis quatre ans. À la fin de l'année 2020, la startup accusait une dette globale de plus de 153 millions d'euros, et encore la crise sanitaire n'a rien dû arranger. Les pertes sur le dernier exercice clôturé connu dépassent les 90 millions d'euros et l'EBITDA est dans le rouge écarlate.

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Dans le bilan de ses comptes fin 2020, la direction fait même savoir qu'elle compte sur la vente de son réseau d'antennes "pour financer son activité", tout en étant engagée dans une course "au développement de (son) chiffre d'affaires". Comme dévoilé par La Tribune ces dernières heures, le potentiel acheteur du réseau français a fait faux bond tout récemment, précipitant la mise en redressement judiciaire de Sigfox.

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"Ce n'est pas Sigfox qui a perdu, c'est le réseau IoT qui ne s'est pas développé aussi vite que prévu. Maintenant, il y a peut-être eu aussi des attentes démesurées autour de la société, comme si c'était gagné alors que cela ne l'était pas du tout. L'écosystème présentait Sigfox comme une licorne alors que nous devions rester en mode guerrier", témoigne un ancien de Sigfox.

Un autre fin connaisseur de la Tech, basé à Paris, ne cache pas sa déception dans ce dossier. "Contrairement à ce que nous pensons, l'investissement n'est que le début de l'aventure et tout reste à faire", met-il en garde, faisant référence notamment à la levée de fonds record de 150 millions d'euros bouclée fin 2016 par la startup toulousaine.

"Construire un champion, cela ne se résume pas à faire un bâtiment totem avec un incubateur, tout comme on ne décrète pas un marché, on le construit pas à pas. Sigfox aurait dû mener des négociations internationales discrètement et s'assurer un réseau de partenaires solides, mais c'est difficile à faire quand vous êtes dans la lumière avec une attente démesurée sur vos épaules", poursuit cet expert.

Et maintenant ?

Les opérateurs partenaires assurent la continuité du service du réseau Sigfox, comme le prévoit un plan de continuité de service mis au point entre eux et la société toulousaine. "Il y a quelques temps, nous avons créé avec une trentaine d'opérateurs partenaires de Sigfox l'association 0G Union Nations pour parler d'une seule voix auprès de Sigfox. L'objectif de cette initiative était notamment la mise en place d'un plan de continuité de service...", se remémore Henri Bong, tout en assurant que cette association ne laissera jamais tomber Sigfox. Au contraire, le dirigeant voit cet épisode comme une occasion de repartir d'un bon pied.

"Nous ne parlons pas de la fin de Sigfox, c'est même probablement un nouveau départ ! Ils ont un produit qui marche, une technologie formidable, avec un fort potentiel de développement, qui répond aux enjeux d'aujourd'hui et de demain. C'était peut-être le moment de faire un reset sur Sigfox. Avec cette procédure de redressement judiciaire, Sigfox devient extrêmement attractif", juge Henri Bong.

"Il y aura toujours besoin d'un Sigfox, quoi qu'il arrive, mais peut-être pas à la hauteur des espérances initiales", abonde Cédric Giorgi, ancien membre de la direction de Sigfox et aujourd'hui dirigeant de la startup Kaduceo. Un avis partagé par Laurent Chérubin, le maire de Labège et vice-président au développement économique du Sicoval, le territoire d'accueil de Sigfox. "Un redressement, ce n'est pas une liquidation, donc c'est une opportunité pour un redémarrage de l'entreprise. L'avenir et la pérennité de l'outil et de la technicité n'est pas en jeu. Donc il y a toute l'opportunité d'avoir des jours meilleurs. Le bas-débit permet un échange de données satisfaisant sans pour autant avoir une empreinte carbone très forte. Dans le contexte environnemental actuel, on peut voir la portée de cette innovation", veut croire l'élu.

Au sein de l'écosystème IoT, qui s'est beaucoup développé dans le sillon de Sigfox, l'inquiétude désormais passé, on est dans l'attente d'un repreneur aux reins solides pour assurer l'avenir de la technologie 0G.

"Sigfox dispose de revenus récurrents grâce aux abonnements d'un large portefeuille de clients. Nous espérons un repreneur plus solide comme un gros opérateur téléphonique qui fait des dizaines de milliards de chiffre d'affaires alors que Sigfox fait seulement quelques dizaines de millions de chiffre d'affaires par an (24 millions d'euros fin 2020, ndlr). Une fois l'orage passé, le système sera beaucoup plus fort", estime un dirigeant de startup installé dans l'IOT Valley dont Sigfox est le principal réseau de communication pour vendre ses produits.

Très attendue, la réaction de l'IoT Valley, est arrivée en fin de journée, jeudi 27 janvier, se montrant alors très optimiste pour la suite : "Nous sommes confiants que la performance du réseau et la satisfaction de ses clients motiveront une suite positive à la situation économique de Sigfox", confie l'écosystème qui réunit 40 startups. Les six prochains mois leur diront s'ils ont tort, ou raison.

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