Danone investit 43 millions d'euros pour transformer totalement son usine dans le Gers

L'un des mastodontes de l'agroalimentaire français, Danone, a décidé de changer totalement la vocation industrielle de son usine située à Villecomtal-sur-Arros (Gers). Après avoir produit des yaourts laitiers pendant des décennies, le site et ses 138 salariés seront désormais totalement dédiés à la production de protéines végétales. Mais cet investissement de 43 millions d'euros a mis fin à la collaboration de Danone avec 216 producteurs laitiers locaux.
L'usine de Danone à Villecomtal-sur-Arros (Gers) va désormais approvisionner l'Europe en jus d'avoine.
L'usine de Danone à Villecomtal-sur-Arros (Gers) va désormais approvisionner l'Europe en jus d'avoine. (Crédits : Danone)

« Je n'ai pas connu un tel investissement du groupe Danone en France, en 20 ans », tente de se remémorer Thierry Pasquet, le directeur de l'usine Danone de Villecomtal (Gers). Salarié depuis 36 ans de la multinationale de l'agroalimentaire, le dirigeant vient d'assister à une très importante (et très lourde) transformation du site dont il a la direction, contre 43 millions d'euros.

Après plusieurs décennies à réaliser des produits à partir de lait local, le groupe a décidé de changer de braquet et faire de son site gersois une référence en matière de produits imaginés à partir d'avoine, une céréale très riche en fer, magnésium, protéines et doté d'une haute teneur en fibres.

« L'objectif de cet investissement est d'anticiper la demande des consommateurs. Un consommateur français sur quatre se dit flexitarien, tandis que la proportion de ceux qui sont vigilants dans leur alimentation pour pencher vers le bien-être est de plus en plus grande. La tendance à aller vers des protéines végétales ne cesse de se renforcer », observe Thierry Pasquet.

Selon l'ObSoCo, l'Observatoire du rapport à la qualité et aux éthiques dans l'alimentaire, et une étude de décembre 2021, un produit alimentaire de qualité est avant tout un produit bon pour la santé pour 58% des sondés, soit huit points de plus que la même étude en 2019.

Lire aussiPrix alimentaires : les marges de Nestlé et Danone menacées par les prochaines négociations commerciales

Un site national qui devient un site européen

Dans les faits, l'usine de Villecomtal de Danone va passer d'un site français à un site européen, sur le plan industriel pour le groupe. Si, auparavant, c'était uniquement une usine de produits laitiers, dédiée exclusivement au marché français, l'avenir de cette implantation s'inscrit dès à présent dans un horizon totalement différent après 24 mois de transformation.

« Les productions laitières ont été transférées vers d'autres usines en France, tandis que l'usine de Villecomtal va produire pour 26 pays européens des produits de protéines végétales à partir de farine d'avoine. Seulement 5% de la production sera destinée au marché français. Le site va produire une brique sur dix de la consommation européenne de notre marque Alpro », expose le directeur d'usine.

Danone Alpro

Le site gersois du champion de l'agroalimentaire Danone sera dédié à sa marque Alpro (Crédits : Danone).

Pour alimenter ce marché, en plus d'une usine en Alsace spécialisée sur le soja, le groupe Danone peut compter sur un site en Belgique, un autre au Royaume-Uni, mais aussi aux Pays-Bas. Quant à celui de Villecomtal-sur-Arros, il pourra produire jusqu'à 300.000 briques par jour, soit 100.000 tonnes de matière alimentaire chaque année.

« Dans un premier temps, nous allons réaliser 80.000 tonnes. En 2024, l'objectif sera la stabilisation de l'outil industriel. Nous avons totalement arrêté l'outil de production laitière et nous avons reconstruit l'usine. Beaucoup d'équipements nouveaux sont arrivés donc il faut stabiliser tout cela. Puis nous monterons à 100.000 tonnes et nous aurons la capacité encore d'augmenter de 25%. L'outil industriel ne sera pas saturé », assure le responsable.

Point intéressant, le choix d'investir dans le site de Villecomtal-sur-Arros n'est pas un hasard pour le groupe de l'agroalimentaire. Selon Danone, il fait partie de ses trois usines les plus performantes en Europe selon des critères internes, comme la sécurité, les délais de production, la qualité et les coûts.

Lire aussiAvec ses poudres nutritives upcyclées, Green Spot Technologies s'insère dans l'industrie agroalimentaire

Un cycle d'approvisionnement à revoir totalement

Après avoir arrêté la production de yaourts en juin 2023, l'usine gersoise se lance ainsi dans la production de 75 références différentes de jus d'avoine. Pour y parvenir, les 138 collaborateurs présents sur le site (dont 20% d'intérimaires) ont néanmoins fait l'objet de « 15.000 heures de formation en 2023 », selon Thierry Pasquet, sans compter le renfort de collaborateurs de sites déjà positionnés sur les protéines végétales comme celui en Alsace.

Par ailleurs, cette transformation ne s'est pas faite sans dommages collatéraux. Danone a été dans l'obligation de trouver des débouchés, ou du moins dresser des perspectives, pour les 216 producteurs laitiers locaux qui approvisionnaient jusqu'à présent l'usine de Villecomtal. Ce changement brutal de stratégie par la multinationale de l'agroalimentaire avait dès lors provoqué de la colère dans les rangs de ces agriculteurs. Depuis, un dialogue entre le groupe et l'Organisation de Producteurs du Sud-Ouest Laitier a permis de déboucher sur la signature d'un accord de fin de contrat entre les différentes parties courant 2022. Celui-ci repose principalement sur un soutien financier ainsi qu'un accompagnement dans la recherche de nouveaux débouchés commerciaux.

Lire aussiUn nouveau lait toulousain bientôt dans les supermarchés

En parallèle, Danone travaillerait avec la profession agricole pour tenter de mettre sur pied une filière française d'avoine. Pour le moment, l'avoine de l'usine gersoise provient de voisins européens. « L'avoine viendra essentiellement de l'Espagne. Nous travaillons en local avec les agriculteurs pour étudier la faisabilité d'une filière française. Aujourd'hui, elle n'existe pas », reconnaît Thierry Pasquet. À terme, le site de Villecomtal-sur-Arros nécessitera 8.000 à 10.000 tonnes d'approvisionnement en avoine chaque année.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.