L'Armagnac, petit frère du Cognac, retrouve la cote et gonfle sa production

Contrairement à son grand frère charentais, le Cognac, qui traverse quelques turbulences, l'eau de vie produite principalement dans le Gers semble avoir de beaux jours devant elle. Entre une production à la hausse de +10% en 2023 et une demande à l'export qui grimpe, l'Armagnac envisage l'avenir sereinement. Analyse et rencontre avec ceux qui font la filière.
L'armagnac veut prendre le costume d'un spiritueux respectable et de grande qualité pour aller séduire à l'international.
L'armagnac veut prendre le costume d'un spiritueux respectable et de grande qualité pour aller séduire à l'international. (Crédits : Michel Carossio)

Qui a dit que le Cognac était fait pour être vendu et l'Armagnac pour être consommé ? Si le Cognac est plongé dans un début de crise, avec particulièrement une surproduction et une baisse des exportations qui plongent la filière dans de profondes interrogations, son petit frère, l'Armagnac, semble avoir de beaux jours devant lui. À titre d'exemple, il suffit de se rendre dans la maison Delord, un producteur familial d'Armagnac de génération en génération qui voit la demande exploser. « En 2023, nous allons frôler les sept millions d'euros de chiffre d'affaires, soit une croissance de +40% », se félicite Jérôme Delord, le dirigeant, avec son frère, de l'établissement.

Grâce à cette eau de vie, en très grande majorité produite dans le département du Gers, l'entreprise emploie une vingtaine de personnes à Lannepax sur tous les maillons de la chaîne : de la vigne au négoce, en passant par la distillation. Bien que l'entreprise ait constaté une hausse de +7% de ses ventes en France, c'est surtout l'export qui fait tourner la boutique.

« Environ 81% de notre chiffre d'affaires, et 70% de nos volumes sont assurés par l'export. Rien qu'en Europe, nos exportations ont augmenté de 23% en 2023. Il n'y a aucune contrainte pour que l'Armagnac ne se développe pas à l'export. Nos amis charentais ont débroussaillé le terrain. Nous avons une eau de vie qui plaît sur le plan gustatif », observe Jérôme Delord.

Ukraine, Pays-Bas, Kazakhstan, États-Unis, Australie, Moldavie, Irlande, Chine... Le spiritueux de la Maison Delord - avec un prix moyen de 50 euros la bouteille - s'exporte aux quatre coins du globe. Mais l'entrepreneur a d'autres ambitions : « la filière de l'Armagnac doit doubler ses ventes rapidement », poursuit celui qui est aussi président du bureau national interprofessionnel de l'Armagnac (BNIA) depuis près d'un an.

Une filière qui monte en puissance

Selon l'interprofession, qui porte l'AOC de l'Armagnac, la filière aura écoulé 3,7 millions de bouteilles sur l'année 2023. L'idée est donc de dépasser le cap des six millions de bouteilles vendues à l'année avant la fin de la décennie en cours, soit 2030. Jérôme Delord a fait de cette ambition LE marqueur de sa présidence à la tête de la filière.

« Le vent est en train de tourner pour l'Armagnac. Son relais de développement n'est rien d'autre que l'export. Ils n'attendent que cela. C'est un produit qui a une histoire, qui incarne un territoire... Il a tout pour plaire », estime Jérôme Delord.

Le spiritueux produit dans le Gers écoule actuellement 45% de sa production en France et 55% à l'export. « Depuis trois ans, les ventes à l'international sont plus importantes que celles dans l'Hexagone. L'année 2023 a accentué cette dynamique, après une très belle année 2022. Nous avons résisté à l'inflation », se réjouit Olivier Goujon, le directeur général de l'interprofession. Cette dernière s'appuie sur une filière bien plus parsemée que celle du Cognac, avec 604 producteurs actifs, 172 négociants actifs et 776 détenteurs de stocks.

« Si 90% des volumes du Cognac sont assurés par quatre maisons, 82% de ceux de l'Armagnac sont assurés par les douze premiers établissements. La filière est en train de se professionnaliser, à tous les niveaux. Surtout, il y a de l'Armagnac pour tous les styles de consommateurs, chaque maison a sa spécificité. Avant, nous ne nous préoccupions pas des débouchés de nos produits, mais la pluralité des maisons est la chance de l'Armagnac », décrypte Olivier Goujon.

Gonflée à bloc malgré une consommation d'alcool en baisse, la filière n'a pas l'idée de refaire son retard sur le cognac et ses 180 millions de bouteilles vendues en 2023, mais augmenter ses volumes de ventes passera forcément par gonfler la production.

« L'Armagnac a la possibilité de se développer sur le moyen et long terme. La progression de la filière se fera sur la qualité et l'excellence. Cela implique une vision long terme, de la patience et des investissements en matière de stockage d'eaux-de-vies en barriques pendant 10, 15, 20 ans », analyse quant à lui Ithier Bouchard, le directeur commercial du domaine de Tariquet.

La production a augmenté en 2023

Ce dernier, qui écoule en moyenne chaque année 130.000 bouteilles d'armagnac dans une soixantaine de pays, a décidé d'augmenter sa production en anticipant cette hausse de la demande pour cette eau de vie. « Le Domaine Tariquet consacre environ 120 hectares à la production d'Armagnac. Cette surface a en effet été augmentée d'une vingtaine d'hectares ces trois dernières années », précise le dirigeant. Mais il n'est pas le seul acteur de la filière à avoir pris cette décision.

« Nous avons 5.400 hectares qui cochent les cases pour produire de l'armagnac, mais seulement 2.400 hectares sont consacrés à notre spiritueux. Néanmoins, en 2023, le nombre d'hectares consacrés à la distillation de l'armagnac a augmenté de 10%. C'est une première depuis des années et cela signifie qu'il y a une vision de long terme pour ce marché de la part des producteurs », se réjouit Jérôme Delord qui vient de présenter les chiffres en assemblée générale.

Pour les convaincre, le BNIA a travaillé avec un cabinet d'expertise pour démontrer à ses adhérents, et particulièrement les vignerons, que la production d'armagnac pouvait être suffisamment rémunératrice. « Nous avons aussi mené un travail avec les négoces pour qu'ils soient davantage rémunérateurs à l'égard des producteurs », ajoute Olivier Goujon. Selon le directeur général de l'interprofession, la filière va boucler l'année 2023 avec 16.000 hectolitres de cette eau de vie produite dans le Gers, les Landes et le Lot-et-Garonne, après avoir atteint un pic à 20.000 en 2005.

« Désormais, l'ambition est d'arriver à 2030 avec deux voire trois exercices bouclés à 20.000 hectolitres d'Armagnac produits et d'en faire un point de stabilité à terme », projette Olivier Goujon.

Pour ce faire, toute la profession est unanime sur un point pour réussir ce pari : sortir l'Armagnac de son image de spiritueux pas cher et miser sur une grande qualité en reconstituant des stocks pour imaginer des produits d'exception à terme.

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Commentaire 1
à écrit le 20/12/2023 à 8:49
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Chuuut le dite pas trop fort l'obscurantisme agro-industriel va leur faire cultiver de l’Armagnac en masse ! Sans rire les nouveaux goûts sont réellement en train de faire dissidence avec les pratiques agro-industriels, on veut du différent, de l'ins...

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