Industrie décarbonée : comment Eco-Tech Ceram va pérenniser le site Villeroy & Boch à Valence d'Agen

Fragilisée par l'envolée de la facture énergétique, l'usine Villeroy & Boch à Valence d'Agen (Tarn-et-Garonne) a fait appel à la PME toulousaine Eco-Tech Ceram, avec l'espoir de réduire drastiquement sa consommation à court terme. Entre récupération de chaleur fatale et installation d'un système innovant capable de convertir l'électricité en chaleur haute température pour alimenter ses fours, le site mise désormais tout sur la carte de la sobriété. Reportage sur une initiative d'industrie décarbonée.
La PME toulousaine Eco-Tech Ceram a installé un système de récupér ation de chaleur fatale sur le site industriel de Villeroy & Boch à Valence d'Agen, comme le montre la photo ci-contre.
La PME toulousaine Eco-Tech Ceram a installé un système de récupér ation de chaleur fatale sur le site industriel de Villeroy & Boch à Valence d'Agen, comme le montre la photo ci-contre. (Crédits : Rémi Benoit)

Sous un temps pluvieux du mois de novembre, le moral est pourtant optimiste sur le site industriel de Villeroy & Boch. Installé ici depuis 1973, le dernier site français du groupe allemand - spécialisé dans la production d'éviers, lavabos et collecteurs de douche en céramique - est confronté à une forte hausse de sa facture énergétique. Cette usine, réputée dans son domaine, est dans la nécessité de faire des économies d'énergie après que sa facture, de 700.000 euros en 2019, soit passée à 1,9 million d'euros aujourd'hui.

« Nous consommons 33 gigawatt-heures à l'année pour cette usine. Jusqu'avant la crise sanitaire, ce n'était pas une grosse problématique car cela ne coûtait pas cher. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Notre enjeu est désormais de réaliser des économies », ne cache pas Laurent Santarelli, le directeur du site.

Entre un marché qui se contracte et une hausse des coûts énergétiques, l'usine n'a eu d'autre choix que de fermer en janvier dernier, tout en mettant en place un dispositif de chômage partiel pour ses 200 salariés. Une décision lourde et contraignante qu'elle a été dans l'obligation de prendre à nouveau pour les mois à venir de décembre et janvier.

eco-Tech Ceram

Villeroy & Boch est dans l'obligation de miser sur la sobriété énergétique pour pérenniser les 200 emplois présents sur son site de Valence d'Agen (Crédits : Rémi Benoit).

En parallèle, le dirigeant a lancé en 2021 un plan de décarbonation de son usine de plusieurs milliers de mètres carrés. Objectif ? Réduire drastiquement la consommation énergétique de Villeroy & Boch et donc ses émissions de gaz à effet de serre. Ce plan a tout d'abord débouché sur un plan d'éco-gestes.

Un four éteint définitivement

Parmi les mesures les plus symboliques, la baisse du chauffage comme en témoigne la fraîcheur du bureau dans laquelle nous sommes reçus. L'entreprise, appartenant à un groupe de 7.000 salariés, a également revu son cycle de production. Cela a débouché sur un temps de cuisson plus court avec son four long de 150 mètres, le plus long d'Europe selon l'entreprise. Dimensionné pour cuire 400.000 pièces à l'année, l'usine n'en produit « que » 180.000. Il s'imposait donc une évolution de son usage. Grâce à la révision de leurs process, le site de Valence d'Agen de Villeroy & Boch a aussi pu engager l'arrêt définitif du second four, dédié aux réparations.

« Je vous laisse imaginer les bienfaits de l'arrêt d'un four qui tourne au gaz sur la consommation d'énergie... Nous avons réussi à réduire de 25% notre consommation d'énergie, sans investir un euro, grâce uniquement à ces éco-gestes. Mais ce n'est pas suffisant », décompte Laurent Santarelli.

L'usine, qui réalise un chiffre d'affaires annuel de 50 millions d'euros, néanmoins perturbé par la chute des constructions neuves dans l'immobilier, a décidé de s'associer avec la PME occitane Eco-Tech Ceram, pour atteindre les 40% de consommation en moins par rapport à son niveau de 2019.

« En plus d'installer des nouveaux séchoirs, beaucoup plus performants, nous avons mis en service il y a quelques semaines un échangeur de chaleur afin de récupérer la chaleur fatale générée par le four. Concrètement, nous transférons les calories contenues dans les fumées du four de cuisson pour alimenter en électricité la totalité des besoins de chaleur des séchoirs », explique en schématisant sur un tableau Antoine Meffre, le PDG d'Eco-Tech Ceram.

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L'usine s'est dotée de nouveaux séchoirs (à droite sur l'image) compatibles avec les technologies installées par son partenaire toulousaine (Crédits : Rémi Benoit).

Après trois années de R&D communes pour parvenir à un système le plus compétitif possible, le duo a aussi convenu d'installer un système qui convertit l'#électricité en chaleur haute température, nommé par Eco-Tech Ceram « Power to Heat » et un système de stockage de chaleur haute température (Eco-Stock).

« Grâce à ces deux technologies, on vient substituer la nécessité du gaz par une énergie décarbonée. On diminue ainsi de 15 à 20% la consommation de gaz du four. Enfin, l'unité de stockage est couplée à un algorithme qui permet de piloter le système automatique afin de déterminer à quel moment on doit envoyer dans le système cette chaleur haute température qui peut aller jusqu'à 1.000 degrés », poursuit l'entrepreneur qui mène la visite pour montrer son bébé.

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Le système de stockage d'énergie, ici à gauche, garantit un approvisionnement en énergie décarbonée stable à l'usine spécialisée dans les produits sanitaires en céramique pour l'habitat (Crédits : Rémi Benoit).

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Antoine Meffre a fondé Eco-Tech Ceram avec la volonté de décarboner l'industrie (Crédits : Rémi Benoit).

« La sobriété doit être la priorité »

Grâce à ses cinq brevets déposés, la PME régionale et innovante va permettre au site de Villeroy & Boch d'atteindre les 40 % de consommation énergétique en moins, par rapport à son niveau de 2019. Si elle a vu le jour en 2014 en région toulousaine, Eco-Tech Ceram n'a installé son premier démonstrateur industriel qu'en 2017 et le géant de la céramique fait partie de ses premiers gros clients. L'enjeu est donc de taille pour la jeune pousse de 33 salariés.

« La céramique et la métallurgie génèrent des fumées et des chaleurs relativement faciles à valoriser (...) Nous avons des projets d'installation qui vont de la PME aux grands groupes pour plusieurs millions d'euros. C'est maintenant que les industriels doivent faire l'effort pour s'en sortir demain et ne pas atteindre que la facture énergétique augmente pour se décider ! La sobriété doit être la priorité ! », commente Antoine Meffre, agacé par le comportement de certains dirigeants de sites industriels.

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L'usine cinquantenaire produit actuellement près de 200.000 pièces par an (Crédits : Rémi Benoit).

En 2023, la PME toulousaine compte réaliser un chiffre d'affaires avoisinant les cinq millions d'euros, notamment boosté par son projet à Valence d'Agen. Celui-ci a d'ailleurs reçu quelques millions d'euros de subventions par le biais de divers programmes européens, ainsi qu'au travers de FITEEO, une « joint-venture » du conseil régional d'Occitanie et de l'Ademe pour décarboner les sites industriels régionaux. Par ailleurs, Villeroy & Boch rémunère Eco-Tech Ceram sous la forme d'un leasing pour l'apport de ses technologies.

Décarboner est l'un des enjeux nationaux majeurs ces derniers mois. Pas plus tard que mercredi 22 décembre, le gouvernement a réuni les 50 sites industriels les plus polluants de France pour signer avec l'État un contrat de transition écologique. Actuellement, ces 50 sites sont responsables d'environ 12% des émissions de gaz à effet de serre de la France. Parmi, la cimenterie de Lafarge à Martres-Tolosane. Le cimentier français vient d'investir sur place plus de 100 millions d'euros pour espérer atteindre la neutralité carbone en 2030.

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