Foie gras : le Gers tiraillé entre l'interdiction à l'export et l'espoir suscité par le vaccin contre l'influenza aviaire

Depuis quelques jours, certains producteurs de foie gras dans le Gers, comme partout en France, font l'objet de la première campagne de vaccination contre l'influenza aviaire dans l'histoire du pays. Une nouveauté qui apparaît comme un grand soulagement pour les exploitations locales, bien que ternie par la méfiance de certains gros importateurs étrangers. Témoignages.
La production de foie gras dans le Gers va-t-elle connaître un rebond en 2024 avec l'arrivée d'un vaccin contre l'influenza aviaire ?
La production de foie gras dans le Gers va-t-elle connaître un rebond en 2024 avec l'arrivée d'un vaccin contre l'influenza aviaire ? (Crédits : Le Paysan tarnais)

La filière de production de foie gras dans le Gers s'avance-t-elle vers une fin d'année compliquée ? Trois pays ont pris la décision de suspendre des produits issus de la filière avicole française et même de toute la filière volaille, et pas des moindres. Il s'agit du Japon, du Canada et des États-Unis, trois pays friands des produits français autour du canard. Hors Union européenne, le Japon apparaît même comme le principal importateur de foie gras français selon des chiffres de 2022.

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« Avec la filière, nous avons fléché les pays sensibles pour expliquer la démarche française. Nous avons adopté une stratégie de totale transparence sur le plan sanitaire. L'idée est de rassurer ces pays et de lever les blocages, il est question de faire de la diplomatie sanitaire. Pour le Japon, il s'agit uniquement d'une période d'observation », tient à rassurer Marie-Pierre Pé, la directrice générale du Cifog, le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras.

Ces trois marchés ont en effet réagi à une nouveauté totalement française, à savoir le lancement début octobre d'une vaste campagne de vaccination contre l'influenza aviaire, plus communément dénommée grippe aviaire. Rien que sur l'année 2023, ce sont 64 millions de canards qui vont être vaccinés en France, avec une première injection à 10 jours de vie et un rappel à 28 jours, selon le Cifog.

« C'est une première en Europe (...) Il faut simplement expliquer à ces marchés que nous protégeons nos animaux. Rendre cette démarche acceptable est un réel travail, mais il faut prendre conscience que nous étions dans un niveau de difficulté énorme. Les producteurs ne supportent plus cette pression psychologique et la peur du vide sanitaire. Beaucoup voulaient abandonner sans ce vaccin, certains ne sont pas repartis », témoigne Benjamin Constant, producteur de canard à Sainte-Radegonde, à proximité de Fleurance (Gers), et président national d'une association de producteurs.

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Encore dans une période à risque

Pour tenter de rassurer leurs clients à l'international, la filière française du foie gras a mis en place une campagne de suivi post-vaccination « lourde et rigoureuse », selon ce producteur de 24.000 canards à l'année. Chaque semaine, des prélèvements devront notamment être réalisés dans les élevages vaccinés pour être certain qu'une souche sous-jacente de la grippe aviaire ne se propage pas dans les exploitations.

Mais cette démarche a un coût non négligeable et le suivi vétérinaire associé fait vite grimper la facture : 100 millions d'euros pour cette première année de vaccination contre la grippe aviaire. Pas moins de 85% seront pris en charge par l'État et la part restante devrait être majoritairement supportée par les collectivités locales. Principal payeur, le ministère de l'Agriculture a donc eu le dernier mot sur le choix du fournisseur après une période d'expérimentation entre deux candidats. L'État a choisi l'allemand Boehringer Ingelheim, pour lui fournir 80 millions de doses de vaccin contre l'influenza aviaire, au détriment du français Ceva.

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« Il ne faut pas oublier que les animaux sont vaccinés pour autre chose et non pas seulement l'influenza aviaire (...) Depuis 2015, l'évolution de cette maladie est à la hausse avec des épidémies quasiment chaque année. Ce vaccin est un moyen de nous soulager. Cela devenait invivable, même si le risque zéro n'existe pas malgré son arrivée », ajoute le producteur gersois.

La fin d'année sera effectivement encore risquée pour la filière foie gras en France. « Le vaccin annule la chaîne de diffusion du virus, mais nous serons encore dans une période sensible jusqu'au mois décembre voire janvier le temps que la couverture vaccinale soit complète », précise Marie-Pierre Pé. Un épisode d'influenza aviaire couplé au lancement de la vaccination en France contre cette même maladie ruinerait sans aucun doute les efforts de diplomatie sanitaire en cours. Seulement, le risque est bien réel. Certaines exploitations ont déjà des cycles de production en cours et pour certains le dixième jour de leurs canards était déjà dépassé au lancement de la campagne, comme c'est le cas chez Benjamin Constant. « Je vaccinerai mes animaux au prochain cycle de production, en janvier », précise-t-il. La vigilance est donc toujours de mise dans le Gers, d'autant plus que l'année 2023 a déjà été chamboulée par quelques foyers de contamination précoces, au mois de mai. Une situation qui a poussé les autorités sanitaires du département a procédé une nouvelle fois à des vides sanitaires sur dix kilomètres carrés autour de chaque foyer de l'influenza aviaire. « Tout ce qui n'a pas été produit au début de l'année manquera forcément au moment des fêtes de fin d'année », prévient Christophe Roux, le gérant de la ferme d'Enpluhaut, à Saint-Antonin (Gers).

Une production divisée par deux

Malgré ce risque pleinement identifié, les visiteurs et exposants des célèbres marchés au gras de Gimont et Samatan, dans le Gers, devraient être davantage souriants dans les jours à venir. Les producteurs de foie gras et de viande de canard en France vivent un tournant de leur histoire et ils en ont conscience. « C'est une évolution majeure dans notre approche sanitaire », affirme Benjamin Constant.

« La vaccination était très attendue sur le terrain. Dans le Gers, nous avons une production annuelle de six millions de canards gavés en temps de paix. Depuis deux ans, cette production a chuté de moitié. Nous n'avons pas de chiffres précis mais nous savons que certains producteurs ont préféré arrêter, » commente Philippe Everlet, le responsable du pôle aviculture à la Chambre d'agriculture du Gers.

En temps normal, la filière avicole du Gers réalise un chiffre d'affaires annuel de 106 millions d'euros selon la chambre d'agriculture locale. Des chiffres qu'elle espère retrouver rapidement avec l'arrivée de ce vaccin. C'est une lueur d'espoir pour toute la filière. Cela signifie la fin des abattages préventifs. commente Marie-Pierre Pé, la directrice générale du CIFOG, le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras. « C'est une sécurité pour notre filière qui dénombre beaucoup d'exploitations au bord du gouffre », lâche avec un certain soulagement Christophe Roux, qui vend 3.000 canards dans l'année et qui été confronté à une baisse de ses stocks ces derniers mois.

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Commentaires 5
à écrit le 13/10/2023 à 18:01
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On arrive aux fêtes de fin d'années, ils vont bientôt parler de grippe aviaire pour justifier de l'augmentation du prix du foie gras...

le 14/10/2023 à 8:29
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Bien vu.

le 14/10/2023 à 9:53
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La vaccination a un coût, même si l'Etat en prend une partie à sa charge, ce que les canards mangent (un peu forcés pour aller plus vite) ça n'a pas augmenté ? L'électricité, triplée ? Le "plafond" tarifaire EDF de l'Etat s'applique-t-il (même s'il s...

à écrit le 13/10/2023 à 15:02
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Après l'hystérie médiatique CoViDée ayant permise de renflouer les caisses de Big Pharma par des achats massifs aux contrats opaques de vaccins expérimentaux à l'ARN mutagène, voici que le gouvernement français se porte volontaire pour financer 85...

le 14/10/2023 à 10:05
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"à l'ARN mutagène," :-) Ça va se manifester dans combien d'années cet effet "mutagène" (vs quel phénomène biologique ?) ? 10, 50, 200 ? (Prix Nobel de médecine décerné à Katalin Kariko et Drew Weissman pour leur contribution au vaccin à ARN messager...

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