
Nouveau contretemps juridique pour le projet GPSO, qui contient la LGV entre Toulouse et Bordeaux ? Une dizaine d'experts de l'Autorité environnementale (Ae), réunie le 7 septembre à Paris, a rendu son avis sur ce projet de liaison ferroviaire à grande vitesse estimé à 14 milliards d'euros. Saisie pour une demande d'autorisation environnementale pour les aménagements ferroviaires au nord de Toulouse (dits AFNT), « l'Ae a pris une position inédite. C'est un avis qui n'est pas un avis », s'amuse Guy Kauffmann, le patron de la société de projet GPSO, joint par La Tribune. « L'Ae ne pourra instruire ce dossier que s'il lui est de nouveau présenté avec une étude d'impact actualisée », écrit en conclusion de son rapport de 22 pages l'autorité en question.
Saisie sur demande du préfet de la Haute-Garonne, l'Ae pointe du doigt deux faiblesses dans le dossier transmis par le représentant de l'État pour justifier sa réserve. Tout d'abord, elle souligne le fait que l'étude d'impact du projet GPSO date de 2014 et regrette le fait qu'elle n'ait pas été réactualisée depuis par le maître d'ouvrage de l'opération, SNCF Réseau.
« L'absence de mise à jour à l'échelle de l'AFNT, alors que de nombreuses données sont obsolètes (bientôt dix ans), conduit l'Ae à constater que le dossier, en se focalisant sur une approche réglementaire datée, est incomplet sur de multiples questions de fond (artificialisation, gaz à effet de serre, milieux naturels) et ne permet pas d'informer le public sur l'évolution du projet et de ses impacts, alors qu'il n'a pas été associé à l'élaboration du projet depuis la première enquête publique en 2014 », souligne l'Ae dans son écrit.
Autre point crucial pour la structure : le fait que l'étude d'impact soit globale au projet GPSO et non pas séquencée par partie du chantier, à savoir AFNT, AFSB (Aménagements ferroviaires du sud-bordelais) et lignes nouvelles. « Le dossier n'indique pas à quel projet correspond l'étude d'impact présentée (dans le dossier, ndlr). Interrogée par l'Ae, SNCF Réseau a répondu par message électronique du 23 août 2023 : « SNCF Réseau demande à rester sur la forme choisie d'une seule étude d'impact sur le projet GPSO ». Compte tenu de ce choix, l'avis de l'Ae ne peut être instruit en l'état du dossier », ajoute-t-elle.
SNCF Réseau déstabilisé ?
Joint par La Tribune, SNCF Réseau botte pour le moment en touche sur ces points précis et semble préparer sa réponse sur le plan administratif.
« SNCF Réseau prend acte de la demande de précisions de l'Autorité environnementale concernant les AFNT (...) Nous allons nous mettre en ordre de marche pour apporter dans les meilleurs délais les précisions demandées, avec nos partenaires. Nous voulons faire preuve de la plus grande transparence sur les enjeux environnementaux de ce projet », communique le groupe.
Pourtant, dans les coulisses, une certaine impatience apparaît envers la véritable réponse espérée de SNCF Réseau par certains acteurs du projet de LGV entre Toulouse et Bordeaux. « Nous attendons de la part de la SNCF Réseau un mémoire en réponse pour défendre leur point de vue (...) Le risque avec cet avis est clairement un retard supplémentaire sur le chantier. Mais cette réponse de l'Ae a déstabilisé en interne SNCF Réseau », témoigne une source proche du dossier.
Le chantier pourra-t-il démarrer début 2024 ?
Quant à celui qui a aussi sollicité l'Autorité environnementale, à savoir le préfet coordinateur de GPSO (et d'Occitanie), Pierre-André Durant, celui-ci est aussi dans l'attente des éléments fournis par le maître d'ouvrage désigné de la LGV Toulouse-Bordeaux.
« Des échanges sont en cours avec la SNCF, afin qu'elle apporte des réponses adaptées aux observations formulées par l'autorité environnementale et d'assurer la meilleure insertion du projet dans son environnement, » commente la préfecture.
Les collectivités locales et les porteurs de projet sont donc suspendus à la réponse de la SNCF Réseau envers l'Ae. Cet aval est en effet crucial pour la suite du projet, afin d'obtenir l'autorisation environnementale nécessaire au démarrage du chantier, tout comme lancer l'enquête publique. « En même temps, cela fait un peu loin des chiffres qui datent de 2014...», ironise un conseiller régional d'Occitanie, l'une des collectivités qui va le plus financer l'infrastructure. Pour mémoire, au total, une trentaine de collectivités des régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine vont régler 40% de la facture dont une partie sera compensée par une taxe spéciale d'équipement (TSE) sur les ménages et entreprises situés à une heure de voiture d'une gare de cette LGV Toulouse-Bordeaux.
« Ce couac risque encore de retarder le chantier alors que nous sommes déjà bien en retard. Il faut savoir que la ligne Toulouse-Montauban est saturée et que les usagers ont absolument besoin de ce doublement des voies. Notre objectif reste une mise en service autour de 2030, mais cela va être difficile. La Région Occitanie va sans aucun doute pousser SNCF Réseau à faire le nécessaire », poursuit ce même conseiller bien aux faits.
Officiellement, c'est silence radio pour Carole Delga qui ne souhaite pas perturber davantage cette procédure administrative, alors que le début des travaux est prévu dans quelques mois. « Notre objectif reste maintenu sur un lancement des travaux au début de l'année 2024. Nous espérons que cet aléa n'aura pas de conséquence sur le calendrier », prie Guy Kaufmann.
Il est aussi à noter que l'Ae est dans l'attente d'un dossier similaire pour les lignes nouvelles et les AFSB, mais là encore l'absence d'une étude d'impact actualisée pourrait faire coincer la procédure...
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