Redressement judiciaire de la foncière Thierry Oldak : les raisons d'une telle décision

La Tribune a pu consulter le rendu de la décision du tribunal de commerce de Toulouse pour connaître les raisons qui ont poussé celui-ci à placer la foncière Thierry Oldak en redressement judiciaire. Au coeur de la procédure ? La brasserie toulousaine Le Bibent. De plus, la situation financière globale du groupe est précaire avec des millions d'euros perdus sur les derniers exercices comptables connus. Les détails.
Thierry Oldak et son groupe sont dans la tourmente. L'entreprise a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Toulouse.
Thierry Oldak et son groupe sont dans la tourmente. L'entreprise a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Toulouse. (Crédits : Hélène Ressayre)

C'est une secousse dans l'écosystème toulousain. La foncière de l'homme d'affaires local Thierry Oldak a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Toulouse, selon un jugement rendu le 6 juillet dernier. Pour l'heure, il s'agit d'une période d'observation de six mois qui doit amener jusqu'au début de l'année 2024. Mais pour combien de temps ? La Tribune a pu consulter le rendu de la décision rendue par la juridiction, le calendrier des échéances décisives et analyser les raisons d'une telle procédure.

Tout d'abord, le tribunal a donné rendez-vous à Thierry Oldak le 7 septembre prochain « afin qu'il soit statué sur la poursuite de la période d'observation ou le prononcé de la liquidation judiciaire ». Au préalable, l'entreprise spécialisée dans l'acquisition et la rénovation d'immeubles devra déposer « un rapport justifiant qu'il dispose des capacités financières suffisantes pour poursuivre la période d'observation », alors que le Groupe Thierry Oldak emploie pour l'heure une vingtaine de salariés.

Dans le même temps, un expert a été mandaté pour réaliser un inventaire complet des actifs de la foncière afin d'estimer son patrimoine réel de la société et établir des scénarios dans l'optique de la remettre à flot. « Le tribunal a désigné Maître Jean-Louis Vedovato aux fins de procéder contradictoirement à un inventaire et de réaliser une prisée du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent », précise-t-il.

En cessation de paiement

Au coeur de la tourmente de la foncière toulousaine ? La célèbre brasserie locale Le Bibent, installée place du Capitole. Tout commence ainsi en 2018. Alors propriétaire des murs de l'établissement depuis 1999, le Groupe Thierry Oldak (GTO) conclut le 5 juillet 2018 un contrat pour un emprunt obligataire de 2,5 millions d'euros et la société parisienne O2 Capital, spécialisée dans le financement d'opérations autour d'actifs immobiliers. Cinq jours plus tard, le montant de l'emprunt est repris par la SARL Le Tescou, qui exploite la brasserie et filiale du groupe toulousain. En garantie de ce prêt, GTO convient alors avec ses créanciers d'une convention de nantissement de 100% des parts sociales de la SARL Le Tescou. Une telle procédure permettrait alors à O2 Capital de prendre le contrôle du Bibent en cas de défaut de paiement de la part de GTO. En parallèle, la date limite de remboursement est fixée au 10 juillet 2021.

« Le 22 avril et le 3 juin 2021, la SAS LTO sollicite auprès de la Masse des Obligataires le report de la date de remboursement. En réponse, le 24 juin 2021, la Masse des Obligataires refuse la demande et notifie une mise en demeure de lui payer la somme de 2,573 millions d'euros », écrit notamment le tribunal de commerce de Toulouse dans son rapport.

Pas plus tard que le 14 octobre 2021, c'est au tour du tribunal de commerce de Paris de demander le paiement de la somme à GTO avec un délai octroyé jusqu'au 10 janvier 2022.

« Le paiement n'intervient pas (...) Le 28 décembre 2022, en l'absence de paiement, la Masse des Obligataires met en oeuvre le pacte commissoire réalisant ainsi les nantissements de 100% des parts sociales de la SARL Le Tescou », ajoute le rapport, c'est alors le début de la prise de contrôle de la brasserie Le Bibent par la société O2 Capital.

Cet épisode n'est qu'une infime partie du mano à mano juridique qui se joue entre les deux parties, aussi bien sur les contours juridiques de l'emprunt obligataire que sur les sommes réellement dues par GTO. Entre temps, un expert de KPMG, mandaté par les créanciers, estime la brasserie toulousaine entre 1,2 et 1,8 million d'euros, et le tribunal de commerce de Paris exige à GTO le paiement d'une somme de près de 765.000 euros à la nouvelle direction de la SARL Le Tescou.

« Les saisies-attributions effectuées par le demandeur le 13 juin 2022, le 27 juin 2022 et le 20 octobre 2022 sur les comptes bancaires du débiteur démontrent l'absence d'actif disponible. De son côté, GTO n'apporte aucun élément contraire. Ainsi, GTO se trouvant dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, elle est en état de cessation de paiement », écrit le tribunal de commerce de Toulouse dans le rendu de sa décision.

10 millions d'euros de pertes en deux ans

Cette opération intervient sans surprise dans un contexte financier complexe pour la foncière toulousaine. Si le Groupe Thierry Oldak n'a pas encore publié ses comptes de l'exercice 2022 clôturés en mars dernier, en revanche ses comptes de 2021 et 2022 sont sans appel. L'entreprise a clôturé l'exercice 2021 avec une perte de 5,3 millions d'euros et celui de l'année 2020 avec un trou de 4,4 millions d'euros.

Pourtant, la foncière Thierry Oldak avait beaucoup fait parler d'elle au cours de l'année 2020 en raison de son importante levée de fonds de 132 millions d'euros via de la dette, majoritairement auprès de la Société Générale.

Lire aussiLa foncière toulousaine Thierry Oldak lève 132 millions d'euros

Grâce à cette opération, la foncière immobilière toulousaine comptait développer ses acquisitions immobilières pour doubler de taille d'ici à cinq ans. « Plus nous sommes gros, moins nous sommes en danger », justifiait alors le dirigeant interrogé par La Tribune. L'entreprise était alors à la tête d'un portefeuille d'actifs de 88 400 m2, valorisés à 250 millions d'euros, et qui lui permettait de récolter environ 10 millions d'euros de loyers chaque année.

Contacté par La Tribune, le Groupe Thierry Oldak n'a souhaité apporter de commentaires sur la procédure pour le moment.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.