À Toulouse, les promoteurs immobiliers face à la peur d'une casse sociale majeure

Une casse sociale silencieuse est-elle en train de s'opérer chez les promoteurs immobiliers ? À Toulouse, de nombreux professionnels le pensent en raison du fort ralentissement des délivrances de permis de construire de la part des collectivités, sans oublier la hausse des coûts de construction. Mais le silence semble être la règle au sein de la profession, alors que des promoteurs immobiliers tentent de se diversifier pour franchir le creux de la vague. Analyse et témoignages.
Quelle est l'ampleur de la casse sociale à Toulouse au des promoteurs immobiliers ?

Un vent de panique est-il est train de s'emparer des promoteurs immobiliers ? «J'entends beaucoup de propos au sein de la profession sur des plans sociaux à venir et des chiffres d'emplois concernés chez des promoteurs, mais je ne veux pas colporter des rumeurs », témoigne un promoteur toulousain. Ses propos sont néanmoins le symbole d'une omerta à propos d'une éventuelle casse sociale chez les promoteurs immobiliers qui est en train de naître. « Nous sommes tous dans la difficulté, à divers degrés. Par exemple, beaucoup de promoteurs immobiliers locaux ont gelé leurs recrutements. Pour ce qui ne nous concerne, je ne souhaite pas communiquer », commente Élodie Galko, la directrice du Groupe Duval en Occitanie et vice-présidente de la FPI de Toulouse.

Bien qu'ils soient rares, certains ne cachent pas les difficultés du moment et les décisions prises. Par exemple, le constructeur bordelais de maisons individuelles IGC, très implanté en Occitanie, a acté une rupture conventionnelle collective avec 25 salariés fin 2022 comme vient de le révéler en exclusivité La Tribune. « Nous aussi nous venons récemment d'acter le départ d'une douzaine de personnes. Nous les avons accompagnées et toutes ont trouvé de nouvelles opportunités professionnelles mais c'est le signal que l'activité n'est pas au mieux », commente Jean-Baptiste Crampes, le président de Seety, un aménageur foncier toulousain. À contrario, chez Green City, qui emploie 150 salariés, une réduction des effectifs n'est pas à l'ordre du jour après une bonne année 2022.

« Pour l'instant, ça va, mais il ne faudrait pas que cette situation de crise dure trop longtemps. Quand on est un chef d'entreprise, il faut savoir vite réagir et prendre des décisions difficiles quand elles s'imposent », témoigne Stéphane Aubay, le président de Green City Immobilier et président de la FPI Toulouse.

Pour lui, cette situation n'est pas nouvelle. En 2008, alors que la crise des subprimes pollue l'économie mondiale, le promoteur Monné Decroix, dont il est le directeur général à l'époque, est dans l'obligation de se séparer d'environ 25% des équipes de son activité de promotion immobilière qui comptait alors 250 personnes.

« Aujourd'hui, les promoteurs immobiliers ne font quasiment plus de marge sur une opération voire plus du tout. Alors que les banques nous demandent au moins 5% de marge pour suivre les opérations, nous les faisons pour garder nos équipes. Nous travaillons pour maintenir nos équipes et non plus pour faire du profit. Certaines banques l'ont compris. Mais je ne sais pas jusqu'à quand nous pourrons tenir comme ça. Il y a déjà des destructions d'emplois. Heureusement, notre économie en situation de quasi plein emploi permettra d'absorber cette casse sociale », admet de manière amer Laetitia Vidal, la directrice générale du promoteur Pierre Passion, et président de l'Observer, association qui regroupe les promoteurs toulousains qui font du logement neuf.

Les entreprises spécialisées dans la gestion des biens immobiliers se retrouvent aussi mises en tension, et leurs effectifs en danger, face au manque de biens qui circulent sur le marché de la location.

L'aspect politique au centre du jeu

Pour comprendre comment la promotion immobilière en est arrivée là, il faut remonter aux dernières élections municipales de 2020.« Depuis cette échéance, beaucoup de communes de l'aire urbaine toulousaine n'ont pas redémarré la construction, c'est catastrophique ! L'urbanisme est devenu un sujet bien trop électoral », peste Stéphane Aubay. Dans la profession, on met en avant par exemple la situation de la ville de Blagnac et ses 26.000 habitants dont les services d'urbanisme n'ont autorisé que six logements en 2022, alors qu'un pacte métropolitain engage politiquement la municipalité à faire construire chaque année au moins 280 logements.

« Un logement fabriqué c'est 2,5 emplois créés. Sans une prise de conscience des élus locaux et nationaux sur la nécessité de construire des logements, il y aura de la casse sociale dans les 24 mois, c'est certain », ajoute le patron de la FPI à Toulouse.

« Nous faisons face à un effet ciseaux, avec d'un côté une hausse des coûts de construction liée à l'inflation et de l'autre une baisse des ventes qui s'explique en partie par la baisse de la production et la hausse des taux d'intérêts qui cassent des ventes car des particuliers n'obtiennent pas leur crédit immobilier. Aujourd'hui, nous menons des opérations peu rentables voire à perte car nous ne pouvons pas répercuter totalement la hausse des coûts sur nos prix de vente. Cela aura des conséquences et certains promoteurs vont mettre la clé sous la porte », ajoute sa vice-présidente.

Selon les derniers chiffres de l'Observer, les promoteurs immobiliers toulousains ont pu mettre en vente 5.156 biens au cours de l'année 2022 sur l'agglomération. Ce qui est stable par rapport à 2021 (loin des 7.200 de 2019) mais bien trop peu pour un territoire qui accueille en moyenne 15.000 habitants nouveaux chaque année et dont on estime les besoins à au moins 7.500 logements neufs annuels. Plus inquiétant, sur le dernier trimestre 2022, l'Observer a relevé une baisse de -14% des mises en vente par rapport à la même période en 2021.

« La métropole de Toulouse est en arrêt de production de logements neufs. C'est inquiétant. Nous sommes devant une crise du logement (...) Il y a eu une prise de conscience du maire de la ville centre, Jean-Luc Moudenc, qui a fait autoriser beaucoup de logements sur la fin de l'année 2022. Mais il est un peu seul. Or, la demande est toujours là et l'offre est primordiale pour contenir les prix », met en garde Laétitia Vidal, dont les données de l'Observer démontrent que Toulouse se rapproche dangereusement du mètre carré à 5.000 euros en moyenne.

La diversification, la clé ?

Face à ce contexte économique incertain et périlleux, certains promoteurs ont fait le choix de la diversification. Par exemple, LP Promotion accélère sur la gestion locative de ses propres programmes, mais aussi sur les résidences jeunes et séniors. D'autres font le choix de la diversification géographique, comme Green City Immobilier qui s'investit beaucoup sur la région île-de-France depuis peu de temps.

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« Ceux qui ont des fonds propres et qui peuvent investir passeront le creux de la vague, pour les autres et particulièrement les petits promoteurs, il y aura de la casse malheureusement », estime Stéphane Aubay.

Le marché de l'immobilier à Toulouse a la particularité de concentrer beaucoup de promoteurs en raison des faibles besoins en logements des villes périphériques comme Montauban, Albi ou Castres. Selon la FPI, la Ville rose compterait une centaine de promoteurs immobiliers. Une première moitié, qui sont les membres de la FPI, concentrerait 70% du marché, tandis que l'autre moitié, composée surtout de petits acteurs, se partagerait le reste.

« Avec ce paysage concurrentiel, certains y voient l'opportunité de gagner des parts de marché dans les prochains mois avec l'arrêt de certains promoteurs à Toulouse, et d'autres misent sur les villes périphériques pour se relancer, » partage Élodie Galko du Groupe Duval.

Pour redémarrer la construction immobilière durablement, au niveau national, la FPI a proposé il y a quelques semaines au gouvernement un nouveau fléchage de la TVA immobilière. Afin d'encourager les maires à construire à nouveau, l'organisation professionnelle propose qu'un tiers de celle-ci sur chaque logement neuf soit redistribuée à la commune en question pour financer des équipements publics ou se dégager de la marge d'investissement pour d'autres projets, alors qu'aujourd'hui l'ensemble de cette recette tombe entre les mains de l'État. Une demande pour l'instant restée lettre morte.

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Commentaires 6
à écrit le 23/03/2023 à 14:19
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Nous avons acquis un appartement à Toulouse construit par Vinci. Livré en décembre alors qu'il n'était pas terminé ! Certainement pour des raisons fiscales. Vinci fait appel aux entreprises les moins chères. Celles-ci emploient de pauvres gens totale...

à écrit le 23/02/2023 à 21:04
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Quelle casse sociale ? les promoteurs ne sont pas de gros employeurs , ils se contentent d'employer quelques vendeurs et secrétaires tout au plus , la réalisation est l'affaire des entreprises du btp et le financement celle des banques ..

à écrit le 23/02/2023 à 14:43
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Nous avons acquis un appartement à Toulouse construit par Vinci. Livré en décembre alors qu'il n'était pas terminé ! Certainement pour des raisons fiscales. Vinci fait appel aux entreprises les moins chères. Celles-ci emploient de pauvres gens totale...

à écrit le 23/02/2023 à 11:34
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Le prototype de l'article sans intérêt , qu'en à-t- on à faire de la déprime des promoteurs toulousains🤣

à écrit le 23/02/2023 à 9:37
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la casse sociale est le cadet de leurs soucis, pareil pour les politiciens! non, l'idee c'est de dire qu'il faut des batiments ecolos quil faudra detruirre dans 30 ans, le placoplatre n'ayant pas tenu; voila des bons immeubles bien ecolos, bien chers...

à écrit le 23/02/2023 à 8:40
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assez logique. Se loger esthors de prix et forcement ca se traduit une demande en baisse. Et encore, les promoteurs n ont pas a se plaindre, grace au PTZ et Pinel, l etat les subventionne grassement. Mais il faut voir le bon cote des chose,une fois...

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