Alpha MOS, la PME de Toulouse qui libère les diabétiques de la piqure au doigt

Ils sont près de quatre millions de malades recensés en France comme diabétiques, sans compter tous ceux qui s’ignorent. Le chiffre est même en constante augmentation dans le monde entier. Une société toulousaine, Alpha MOS, finalise la mise au point d’un lecteur électronique de glycémie par l’haleine qui pourrait bien changer la vie des personnes atteintes de diabète.
Le PDG d'Alpha Mos, Pierre Sbabo, compte révolutionner le quotidien des malades atteints de diabète.
Le PDG d'Alpha Mos, Pierre Sbabo, compte révolutionner le quotidien des malades atteints de diabète. (Crédits : Alpha Mos)

Aujourd'hui, pour mesurer son taux de sucre, un diabétique doit se piquer régulièrement le bout du doigt pour recueillir et déposer sur une bandelette une goutte de sang, avec tous les désagréments que l'on imagine.

Spécialisée dans les nez électroniques, la société Alpha MOS travaille en étroite collaboration avec le CHU Rangueil de Toulouse à la mise au point d'un appareil électronique capable de remplacer ce processus et de mesurer la glycémie directement dans l'haleine des patients, à la manière d'un éthylotest. Le résultat apparaît ensuite sur une appli sur l'écran d'un smartphone.

« On travaille sur les composés organiques volatils, ce sont des molécules cent fois plus petites qu'un virus et que nous retrouvons partout : dans un bifteck, dans des frites, des fruits ou un soda, explique Bruno Thuillier, fondateur de la société BOYDSense en Californie, rachetée il y a quelques années par Alpha MOS pour en faire sa filiale « medtech. « Ces molécules sont également générées par les cellules humaines, Or, depuis les années 80, de nombreuses études ont montré leur corrélation avec certains biomarqueurs comme l'asthme ou le glucose dans le cas du diabète. »

Ce nouveau procédé s'adresse aux patients les moins lourdement atteints par un diabète de type deux, mais pas à ceux équipés par exemple d'une pompe à insuline avec contrôle permanent de la glycémie.

Alpha Mos

Le nez électronique qui va permettre de détecter le taux de sucre d'un diabétique grâce à l'haleine seulement (Crédits : Alpha Mos).

Améliorer les outils d'intelligence artificielle

L'idée germe donc en 2015 chez Alpha MOS de travailler sur cette nouvelle application. Huit ans plus tard, la société a développé trois plateformes et organisé deux essais cliniques, l'un en Angleterre en 2019 et un autre à Rangueil lancé il y a deux ans et conclu le mois dernier.

« Le CHU de Toulouse est l'un des premiers centres de France en matière de recherche sur le diabète, argumente M. Thuillier. Les appareils que l'on a fournis ont fonctionné sans aucune intervention extérieure et ont été utilisés par des infirmières sans formation particulière. On est donc dans des prototypes très proches du produit final, ce qui montre un certain niveau de maturité. »

130 volontaires ont participé à cet essai organisé dans le service de diabétologie du professeur Pierre Gourdy à Rangueil. Les cent premiers ont permis de roder le dispositif, les trente derniers de le vérifier. Durant tout l'essai, la mesure par le souffle a été comparée à deux autres méthodes : la gouttelette au bout du doigt et la prise de sang. 98 % des résultats par analyse de l'haleine étaient conformes. L'expérience a aussi permis d'améliorer les outils d'intelligence artificielle qui font tourner l'appareil.

Il reste encore quelques étapes avant la commercialisation. Alpha MOS travaille actuellement avec des bureaux de contrôle puisque cette activité est régulée mais aucune date de commercialisation n'est pour l'instant annoncée. « Ce ne sera pas dans l'immédiat mais ce ne sera pas non plus dans cinq ans », avance Pierre Sbabo, le PDG, très prudent puisque la société est cotée en bourse. Signe positif : fin décembre dernier, sa filiale BOYDSense a été récompensée lors du « DCB Open Innovation Challenge », un événement visant à encourager les projets innovants dans le domaine de la gestion du diabète. Le projet toulousain concourait aux côtés de 70 projets provenant de 22 pays.

Augmenter mais pas remplacer l'humain

Installée depuis plus de trente ans à Toulouse, Alpha MOS emploie une cinquantaine de personnes. La société est fondée sur une idée technologique révolutionnaire : analyser les gaz volatiles grâce à des nez électroniques et en tirer des informations sur la composition et la qualité des produits.

La société est aussi implantée en Chine où elle a décroché un gros contrat avec le premier groupe laitier chinois pour le contrôle de dizaines de millions de litres de lait cru issus des fermes chinoises chaque année.

« Dans l'agroalimentaire, on ne vient pas remplacer mais augmenter l'humain, assure Monsieur Sbabo. Les grands groupes comme Nestlé, Danone ou Coca-Cola utilisent encore des testeurs humains pour goûter leurs produits. Et c'est de plus en plus difficile pour eux d'en trouver, de les former et de les garder. Un testeur humain avec nos instruments fait le boulot de douze à quinze personnes. On intervient à la fois dans la conception des recettes et le contrôle de la qualité des produits. »

La société travaille également pour le secteur du parfum et des cosmétiques. Elle réalise environ 95 % de ses six millions d'euros de chiffre d'affaires à l'étranger, répartis à égalité entre l'Europe, l'Amérique du Nord et l'Asie. « Si la filiale BOYDSense est basée à San Francisco, c'est parce que la Silicon Valley va plus vite et est supérieure à l'Europe en matière d'informatique, précise M. Thuillier. Mais c'est bien en France que l'on a notre bureau d'études parce que c'est là que se trouve la compétence. Depuis les années 60-70, s'est en effet développée à Toulouse toute une industrie de recherche et de développement assez unique. Il y a un excellent écosystème pour recruter des chercheurs ou des mathématiciens. Quand on cherche des chimistes, on a des contacts avec l'Université Paul-Sabatier qui nous fournit de très bons scientifiques. »

La société a d'ailleurs reçu de la part de l'EIC (Conseil européen de l'innovation) une première tranche de subvention de deux millions et demi d'euros qui va lui permettre d'accélérer le développement de sa plateforme, via le recrutement d'ingénieurs et de scientifiques à Toulouse. L'aide de l'EIC lui permettra également de produire davantage de prototypes. Une fois commercialisé, l'appareil pourrait également servir à dépister le diabète à grande échelle dans la population.

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